Tayeb Louh Le ministre, sans trop s'engager, a laissé entrevoir une prochaine action pour tenter de rassurer les jeunes magistrats jetés récemment dans le beau bassin de Dame magistrature. La visite de travail du ministre de la Justice, garde des Sceaux à Tébessa a permis à la délégation ministérielle d'être édifiée quant à l'énorme retard pour ce qui est du chantier de la future cour de justice dont les travaux traînent depuis 2007. De suite, face à l'entrepreneur à qui cette oeuvre avait été confiée, Tayeb Louh, entouré de ses principaux collaborateurs, a tenu à mettre les points sur les «i». L'ire l'envahit, une ire rouge. Prenant par le bout des doigts la fibre locale, il s'adressera à l'entrepreneur défaillant en ces termes: «Cela ne vous fait rien que votre cité souffre de cet inadmissible retard?» La portée de cette question était surtout sensible, car autour du ministre, se trouvaient également les présidents de cours de Batna, Guelma et Oum el Bouaghi. Après une visite purement informative, Louh en se rendant du tribunal au siège de la cour située à un peu plus de trois cents mètres, vit sur le trottoir des dizaines de citoyens dont certains avaient le regard interrogateur. Il se dirigea vers eux. C'est l'explosion. Ces gens debout, sages, vus de loin, ont laissé éclater le ras-le-bol. Des mains se tendent, non pas pour serrer celles de Louh, mais pour s'accrocher à sa veste et clamer leur ras-le-bol. Il invite alors les représentants de justiciables en colère. Il entra dans la courette de la cour, choisit un coin et écouta les plaignants qui s'étaient calmés comme par enchantement, car Louh sait, mieux que quiconque qu'une victime a un statut qui veut qu'on l'écoute simplement. Il réussira à placer dix phrases bien articulées dans un arabe qu'il manie en magistrat - pardon - du siège qu'en prof d'université! A la rencontre des citoyens Il faut vite préciser qu'après la colère noire, rouge, bleue, multicolore qui l'avait envahi devant un chantier très mal suivi, le ministre avait regagné le siège de la cour de Tébessa sous une fantasia de bienvenue et une musique locale de la troupe Djorf de Chéria, chère à «Brahim El Gassab» qui a animé l'arrivée de Louh et de la délégation qui l'accompagnait qui avaient été aussi accueilli par une foule de justiciables mécontents, mais disciplinés, debout sur le trottoir qui fait face à la cour. S'apercevant que des citoyens voulaient bondir, Louh se dirigea vers eux et lança: «Alors, il y a des mécontents? Vous êtes nombreux Allah bénisse, mettez-vous d'accord et envoyez-moi deux ou trois représentants.» Ce qui fut fait à la minute. La discussion et la remise d'une centaine de lettres calmeront les esprits, ce qui permettra à Tayeb Louh de regagner la salle où se trouvaient, outre les autorités locales civiles et militaires, Zoubida Charafedine, la présidente de la cour de Guelma et ses collègues de Batna, Oum El Bouaghi ainsi que de Tébessa, Hakim Dalache et Mehdi Mouhoub qui ont tout fait pour que la visite soit un succès malgré le point noir relatif aux ratés de l'entrepreneur chargé de l'aménagement du chantier de la future cour de Tébessa qui englobe les tribunaux de Bir el Ater, Tébessa, Chéria et Laouinet avec les annexes d'El Kouif et d'Ouenza. Dans la salle, l'écran de connexion de la vidéo-conférence laissait deviner la décontraction des magistrats d'Alger, de Sidi Bel Abbès et la Cour suprême, des magistrats attentifs, car même si le discours prononcé hier était un remake de Tipasa, Aïn Defla, Bel Abbès et Aïn Témouchent, celui de l'antique Thebest comportait une note particulière surtout que le ministre est de plus en plus à l'aise face aux magistrats qui le comprennent très bien même ceux qui ne croient pas en son action de réussir le pari de réformer sans encombre la réforme de la justice. Cela écrit, le ministre de la Justice est conscient des nombreux dysfonctionnements nés du récent mouvement qui n'est pas le Coran et donc appelé a être l'objet de salvateurs correctifs qui ne sont heureusement pas nombreux. L'effet d'annonce, par exemple, dès le 30 janvier 2014, de l'obtention du certificat de nationalité en ne fournissant qu'une seule fois les pièces légalement requises. «Le citoyen ne sera désormais plus obligé de fournir une autre fois les mêmes pièces sur présentation d'une carte d'identité et ce, à travers tout le territoire national», a articulé à voix basse, et douce, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, en terminant son intervention autour du programme de la réforme de la justice initié par le président de la République qui a réitéré à maintes occasions son ardent souhait de voir la justice en tant que pilier principal de l'Etat de droit répondre aux attentes et aspirations des citoyens. Tayeb Louh a encore une fois montré l'objectif fondamental de la priorité des priorités du président de la République. Juste avant, le ministre, devant une salle comble et sous l'oeil magique de la projection du système vidéo-conférence en une connection directe avec Tébessa, la Cour suprême et les cours d'Alger, Sidi Bel Abbès et Aïn Témouchent, avait martelé que «tous les magistrats du siège et du ministère public sont conviés à une mobilisation effective en vue de garantir une justice intègre et équitable au justiciable et des services judiciaires de qualité du citoyen». En début de discours, Louh a dit que le ministère a mis en place des ateliers d'experts et des spécialistes chargés de rechercher des solutions à beaucoup de préoccupations, tel le Code de procédure civile et administrative qui a vu, dès son application et sur le terrain bien entendu, des difficultés engendrées et donc la nécessité de revoir certaines dispositions. Des solutions novatrices Passant aux pourvois de cassation, introduits auprès de la Cour suprême, l'orateur, debout derrière un pupitre aménagé pour la circonstance, a évoqué la recherche des solutions novatrices, «en tenant compte évidemment de l'équilibre entre le droit d'utiliser les voies de recours et le rôle de régulateur de la jurisprudence...». L'installation des tribunaux de proximité chargés de statuer d'une manière simple sur les légers contentieux fait partie de ces dispositions selon Louh qui a souhaité appliquer la recommandation de la «commission de la réforme de la justice». «Il y a en outre, la révision du Code du commerce, celui de la procédure pénale, la redynamisation du rôle du parquet et la révision des procédures de l'action publique et spécialement les comparutions immédiates et les ordonnances pour une meilleure célérité à statuer, la mise en place de procédures relatives à la protection des témoins et des dénonciateurs dans les affaires de corruption et de crime organisé, les règles de compétence juridictionnelle des tribunaux algériens quant aux infractions commises à l'étranger par des ressortissants étrangers seront étendues, lorsque ces actes affectent les intérêts fondamentaux de l'Etat algérien ou de ses ressortissants. Evoquant l'Ecole supérieure de la magistrature, son organisation en classifiant les postes supérieurs afin de garantir un encadrement administratif potable, Louh s'est attardé aussi sur la mise en place d'un cadre légal adéquat en vue de recruter de hautes compétences scientifiques dans le but avoué de contribuer à l'encadrement de base des élèves magistrats et la formation continue et spécialisée des magistrats. Quant à la numérisation de l'état civil et sa finalisation, le ministre a redit sa certitude que désormais le citoyen pourra avoir l'extrait N°3 du casier judiciaire dès la première demande. Ce qui est à mettre en exergue, c'est le ton employé devant le micro lors de son discours de Tébessa qui a eu la même intonation qu'à l'autre bout du pays. Aïn Témouchent, il y a quelques jours avec ceci de particulier, c'est que les propos touchaient, non seulement les initiés et invités mais aussi et surtout tous les magistrats dont beaucoup attendent le ministre au tournant pour ce qui est de la levée de plusieurs «haies à épines» nées entre 2003 et 2011, comme quoi Mohammed Chorfi, le prédécesseur de Louh selon plusieurs magistrats, avait de légères ambitions pour «décrasser» le secteur où des magistrats étaient mutés sur des bases... basses et sans fondement pour installer des «copains des baisemains» lorsque ce ne sont pas des proches de cadres influents au ministère. Et ici, il n'y a que Tayeb Louh qui puisse connaître le malaise vécu par les magistrats et pas seulement ceux de la «secte» des opprimés, châtiés, punis. Et comme un honorable procureur général «liquidé» debout l'avait déclaré en assemblée générale des magistrats opprimés: «Il n'y a rien d'aussi injuste qu'un magistrat victime d'...injustice!» Comme quoi «nul n'est prophète...». Et hier à Tébessa, le ministre, sans trop s'engager, a laissé entrevoir un prochain coup de reins pour tenter de - au moins - rassurer les jeunes magistrats jetés récemment dans le beau bassin de Dame magistrature. A ce train là, l'espoir ira grandissant et le combat pour l'indépendance de la justice via celle du juge, montre déjà le torse et ses caractéristiques, signes de victoire. Louh a quitté Tébessa laissant derrière lui des justiciables assoiffés de justice, car ses collaborateurs ont récolté un tas de lettres où les lamentations ne peuvent que pousser le ministre à aller de l'avant, ignorant ses détracteurs dont certains ont joué aux sourds, aveugles et muets au moment où il y a un quart de siècle, il souffrait pour arracher l'indépendance de la justice et du juge.