Les Etats-Unis vont faire taire provisoirement leurs inquiétudes concernant la démocratie en Egypte pour tenter de se rapprocher d'un allié stratégique et attendent la visite à Washington du chef de la diplomatie égyptienne. Cette visite intervient quelques jours seulement après que les Etats-Unis ont partiellement levé la suspension de leur aide militaire au Caire, imposée après que les dirigeants militaires égyptiens au pouvoir eurent échoué à ramener la démocratie suite à la destitution du président Mohamed Morsi en juillet dernier. Cependant, l'octroi de 10 hélicoptères d'attaque et de 650 millions de dollars au Caire a déclenché de vives critiques à un mois d'élections présidentielles qui seront très surveillées. Il s'agit d'un «message fort, les Etats-Unis veulent améliorer, ou au moins commencer à améliorer, leurs relations avec Le Caire malgré la détérioration de la situation des droits de l'homme», estime l'analyste Amy Hawthorne. L'administration américaine envoie «un message clair au Caire: la relation des Etats-Unis avec l'Egypte (...) reste cruciale», ajoute la spécialiste du Moyen-Orient, membre de l'organisation Atlantic Council. Au cours de sa visite, Nabil Fahmy doit rencontrer le secrétaire d'Etat John Kerry et le secrétaire à la Défense Chuck Hagel mardi. Les responsables américains essaient aussi de programmer des entrevues avec Susan Rice, proche conseillère de Barack Obama, et des élus du Congrès. Mais si M. Kerry a affirmé que l'Egypte avait donné assez d'assurances stratégiques vis à vis des Etats-Unis et d'Israël, il s'est en revanche montré beaucoup plus critique concernant la situation des droits de l'homme. Plus de 500 personnes, principalement des policiers et des soldats, ont été tuées dans des attentats commis par des militants islamistes depuis la destitution de Mohamed Morsi, selon les autorités égyptiennes qui doivent également faire face à des jihadistes cachés dans la péninsule du Sinaï. Mais dans le même temps Amnesty International a recensé 1400 personnes tuées en raison des violences policières, et plus de 15.000 autres ont été emprisonnées. «Nous restons inquiets à propos des mesures antidémocratiques prises par l'Egypte ces derniers mois, qui vont contre la liberté des médias, la liberté d'expression, la liberté de protester contre les arrestations politiques», a énuméré la porte-parole du département d'Etat Jennifer Psaki. Les liens entre Etats-Unis et Egypte sont déjà anciens et John Kerry a souvent considéré par le passé l'armée égyptienne comme une force de stabilisation, tant dans le pays que dans cette région agitée. Mais les événements des derniers mois ont conduit à un réexamen de la situation et le secrétaire d'Etat a sévèrement critiqué les récentes décisions des autorités du Caire. La vague d'insécurité permet en tout cas à l'ancien général Abdel Fatah al-Sissi de jouir d'une belle popularité et d'être le favori pour le scrutin présidentiel des 26 et 27 mai. Washington se retrouve ainsi avec la perspective peu réjouissante de voir l'homme qui a renversé le premier président élu démocratiquement du pays en devenir le prochain leader. «Si les tueries de masse, les arrestations de masse et les peines de mort prononcées en masse ne sont pas suffisantes pour démontrer que la liberté est loin d'avoir été +restaurée+ en Egypte, que faut-il de plus?», s'interroge Sarah Margon, de l'association de défense des droits de l'homme Human Rights Watch.