Le siège du Conseil constitutionnel «Les hommes aiment le pouvoir [...] Donnez tout le pouvoir au grand nombre et la minorité sera opprimée; donnez tout le pouvoir à la minorité et le grand nombre sera opprimé.» Alexander Hamilton Dans les grands rendez-vous avec le peuple pour ériger un projet de société opposable aux hommes qui sont de passage, il est d'usage d'inscrire dans le marbre les fondamentaux qui doivent réagir le vivre-ensemble pour affronter à la fois des défis internes d'épanouissement du citoyen et externes pour promouvoir une visibilité du pays qui repose sur une stabilité et une adhésion du peuple à un projet de société adossée à une Constitution qui est acceptée par le plus grand nombre. On annonce une révision de la Constitution prochainement. Nous avons eu depuis l'indépendance une inflation des constitutions Il est de mon point de vue hautement souhaitable que la Société civile, de loin plus sensible aux pulsions de l'Algérie profonde, soit associée et que de plus, le projet ne se focalise pas entre deux partenaires, le gouvernement et les partis politiques qui de ce point de vue ont peut-être des idées mais elles seront toujours frappées de suspicion sachant que tout parti politique a pour horizon de gouverner ce qui n'est pas; on l'aura compris, le cas de la Société civile qui elle prône un modus vivendi harmonieux à l'ombre des lois de la République. Dans cette affaire importante, il est bon aussi d'avoir comme cap la rédaction d'une Constitution en phase avec le XXIe siècle dans tout ce qu'il comporte de transparence, de mutations rapides et de certitudes éphémères. Cela devrait être annoncé dans le préambule qui fixe les grandes idées Qu'est-ce qu'être algérien au XXIe siècle? La «Nation est une construction idéologique qu'une réalité concrète. Son étymologie est liée à la notion de naissance (nascere)». Dans sa conférence du 11 mars 1882, Renan formule l'idée qu'une nation repose à la fois sur un héritage passé qu'il s'agit d'honorer, et sur la volonté présente de le perpétuer. «Une nation est une âme, un principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis.» (1) L'Algérie ne s'est jamais posée la question de savoir ce qu'elle est réellement. Les différents gouvernements ont toujours occulté cette interrogation au nom de l'unité et des «urgences». Sommes-nous une nation? Le jeune Algérien dont la conscience est ouverte à tout vent, du fait d'une éducation désastreuse, de médias indigents et d'une sous-culture s'identifie au gré des vents à son quartier, à sa tribu, à son ethnie, rarement il ne se sent Algérien. En Algérie, nous constatons une certaine confusion au sujet de l'appartenance ethnique. Les gens ne savent pas s'ils sont tous des descendants de Berbères ou s'ils sont arabes. (...) Alors que le Carthaginois Hannibal fait la fierté des Tunisiens et son portrait figure sur de nombreux billets de banque en Tunisie, des personnalités historiques comme Massinissa ou saint Augustin, ne sont connus que par très peu d'Algériens... Quelle serait la solution pour éviter la partition? Sommes-nous Algériens par la naissance, par la religion, par l'ethnie ou par la présence lointaine dans le pays? Toutes ces questions attendent d'être résolues. Il a fallu cinquante ans pour qu'à doses homéopathiques, le pouvoir lâche du lest et admette qu'il existe un «fond rocheux berbère trois fois millénaire dans ce pays». L'Algérie ne connaîtra pas le repos tant qu'elle n'aura pas réglé l'épineux problème du vivre-ensemble. Que voulons-nous pour ce pays? Il vient qu'être Algérien au XXIe siècle, c'est avant tout aimer l'Algérie et le prouver au quotidien, quel que soit l'horizon d'où nous venons. Le jacobinisme a montré ses limites. L'instauration d'un Etat fédéral trouve son justificatif dans le fait que c'est le meilleur moyen de maintenir la cohésion du peuple algérien, de garantir l'intégrité territoriale nationale. Ce sera le premier pas vers une réflexion de fond pour une organisation du pays type Landers allemands, Etats américains où chaque région dispose d'une autonomie dans le cadre d'un Etat fédéral qui est garant des fondamentaux, l'identité, les langues et religions, les fonctions de défense régaliennes. Constitution et Etat de droit La Constitution est un ensemble de textes juridiques qui définit les différentes institutions composant l'Etat et qui organise leurs relations. Quelle que soit sa présentation et son contenu, la Constitution est considérée comme la règle la plus élevée de l'ordre juridique de chaque pays. Certains Etats, comme le Royaume-Uni, n'ont pas de Constitution écrite; c'est la coutume qui prévaut pour organiser les relations entre les institutions. D'autres, comme les Etats-Unis, ont une Constitution qui se présente sous la forme d'un texte unique, comportant à la fois la liste des droits fondamentaux reconnus aux citoyens et la définition des différents pouvoirs.(2) L'Etat de droit peut se définir comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit. L'existence d'une hiérarchie des normes constitue l'une des plus importantes garanties de l'Etat de droit. Au sommet de cet ensemble pyramidal figure la Constitution, suivie des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements. L'Etat est lui-même considéré comme une personne morale: ses décisions sont ainsi soumises au respect du principe de légalité, à l'instar des autres personnes juridiques (...) Pour avoir une portée pratique, le principe de l'Etat de droit suppose l'existence de juridictions indépendantes, compétentes pour trancher les conflits entre les différentes personnes juridiques en appliquant à la fois le principe de légalité, qui découle de l'existence de la hiérarchie des normes, et le principe d'égalité, qui s'oppose à tout traitement différencié des personnes juridiques. (2) Les types de Constitution de par le monde Dans ce qui suit, nous allons rapporter les fondamentaux des Constitutions de quelques pays. Nous commencerons par la Constitution tunisienne votée en janvier 2014 après deux ans de débat. La Constitution tunisienne consacre un Exécutif bicéphale Pour la première fois dans le Monde arabe est introduit un objectif de parité hommes-femmes dans les assemblées élues. Elle instaure, dans son préambule, «un régime républicain démocratique et participatif dans le cadre d'un Etat civil et gouverné par le droit et dans lequel la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce sur la base de l'alternance pacifique à travers des élections libres, et du principe de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs». La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, l'islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime. Il n'est pas permis d'amender cet article. La Tunisie est un Etat à caractère civil, basé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit. Il n'est pas permis d'amender cet article. Le préambule reconnaît «l'attachement [du] peuple aux enseignements de l'islam et à ses finalités caractérisées par l'ouverture et la modération, des nobles valeurs humaines et des principes des droits de l'homme universels Une des avancées introduites par la Constitution est la reconnaissance de la «liberté de croyance et de conscience». L'Etat doit garantir les droits et libertés individuels et collectifs. Aucun amendement constitutionnel ne peut toucher les acquis en matière de droits et libertés La création d'une Cour constitutionnelle limite le pouvoir législatif et la possibilité, pour le législateur, de voter des lois contraires aux droits et aux libertés fondamentales.(3) En Iran, après la Révolution islamique, une nouvelle Constitution est adoptée. Elle repose sur deux sources de légitimité: la souveraineté du peuple et la volonté divine. La Constitution reconnaît les droits de l'individu - le droit de vote des femmes est maintenu et il est exercé dès l'âge de 15 ans, celui de la majorité - La théorie du pouvoir appelé velayat-e faqih, permet au dirigeant suprême qui est investi du pouvoir et exerce une sorte de régence en attendant le retour du véritable souverain, le douzième imam Muhammad al-Mahdi. La Malaisie adopte ouvertement des politiques islamiques et laisse la religion musulmane teinter plusieurs de ses décisions et actions politiques. (...) Cependant, l'Etat place clairement les tribunaux islamiques de la Shari'a au deuxième plan sous la juridiction des cours fédérales. (...)En fait, l'Etat malais est bicaméral. Le Parlement est constitué d'une chambre haute non élue et d'une chambre des représentants élue. (4) En Turquie, la réforme consiste en 26 amendements à la Constitution. La réforme a aussi pour objet de mettre le pays en conformité avec les exigences de l'Union européenne. Des amendements accroissent aussi les droits des citoyens: ils concernent le droit à la vie privée, l'extension des droits de l'enfant et de la femme. La discrimination positive pour les femmes est également instaurée. La réforme constitutionnelle est proposée par référendum par le gouvernement turc, les réformes en matière de justice renforcer la démocratie et ne mettent pas la laïcité du pays en danger. La Constitution de l'Inde est la loi fondamentale de l'Inde. Elle a été adoptée par l'Assemblée constituante indienne le 26 novembre 1949. La Constitution déclare que l'Inde est une «république souveraine, socialiste, laïque, démocratique» Les mots «socialiste» et «laïque» ont été ajoutés par le 42e amendement en 1977 Les architectes de la Constitution indienne, ont surtout été influencés par le modèle britannique du système de Westminster, de la Constitution des Etats-Unis, notamment en ce qui concerne la séparation des pouvoirs, la création d'une Cour suprême et l'adoption d'un système fédéral. La Constitution des Etats-Unis est, selon ses propres termes, la «loi suprême du pays». Acceptée le 17 septembre 1787 modifiée par vingt-sept amendements, elle est l'une des plus anciennes constitutions écrites encore appliquées1. Cette Constitution est fondée sur une séparation stricte des pouvoirs, établissant ainsi un régime présidentiel. Le pouvoir exécutif est du ressort d'un président, à la fois chef de l'Etat et chef du gouvernement. Le pouvoir législatif est bicaméral. Il s'agit du Congrès, et d'autre part le Sénat (chambre haute),. Seules ces chambres possèdent l'initiative parlementaire et votent les lois, ainsi que le budget fédéral. Enfin, le pouvoir judiciaire présente à son sommet la Cour suprême, qui veille au respect de la Constitution par les lois, les Etats fédérés et les organes de l'Etat fédéral. La Constitution prévoit ainsi l'équilibre des pouvoirs (checks and balances).Au-delà de l'organisation des pouvoirs, la Constitution s'attache essentiellement à énumérer les droits des citoyens. Ces droits ont été peu à peu ajoutés à la Constitution. À la différence des Etats-Unis, qui disposent de la même Constitution depuis 1787, la France a connu des constitutions très différentes dans leur contenu et dans leur présentation. La Constitution de la Ve République, quant à elle, comporte un préambule proclamant l'attachement du peuple français aux droits de l'homme et au principe de souveraineté nationale. En 2005, le préambule s'est enrichi des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, adoptée en 2004 par le Parlement. Les invariants d'une Constitution du XXIe siècle Le conflit latent de l'identité a souffert des luttes sourdes entre ce qu'on appelait à tort Hizb França et les arabisants arrimés à une sphère moyen orientale. Le pouvoir arbitrait entre ces deux pôles. Le partage tacite a eu lieu en 1962, aux arabisants l'idéologie, aux Francisants l'aspect technique de fonctionnement du pays. Quatre Constitutions ont été faites et, paradoxalement, celle de 1976 (la Charte nationale) a plus emballé les Algériens du fait des débats importants qui n'ont plus eu lieu par la suite. Il est tout à fait vital alors, d'asseoir le socle du vivre-ensemble. Cette transition vers l'idée de nation est justement l'objet du chantier de la Constitution. La notion de consensus ne doit pas renvoyer à la quasi-entente illicite sur le dos de ceux qui ne sont pas invités au dialogue. Les acteurs politiques mais aussi la société dans son ensemble doivent s'entendre d'abord sur le projet de société avant de le formaliser par une Constitution. Il nous faut aussi réformer l'Etat, notamment dans le sens d'un meilleur contrôle des circuits de la dépense publique. Pour cela, nous devons procéder à une transition économique pour tourner le dos à la rente. La transition démocratique ne s'annonce pas, elle se réalise pierre par pierre en multipliant les espaces de dialogue, de concertation, d'échange. Quels sont les espaces de délibération? On peut en citer quelques-uns: le Conseil de l'éducation, le Conseil national de l'énergie, le Conseil économique et social, L'institution donnée, sorte de Banque de données mais aussi de planification. C'est cela la construction de la démocratie. La nouvelle Constitution devra trancher entre régime présidentiel- semi présidentiel ou parlementaire. Il serait hautement souhaitable en outre et pour éviter l'usure du pouvoir de limiter le nombre de mandats, de redynamiser les institutions de contrôles politiques (parlementaires). Toutes les propositions faites pour sortir de l'impasse appellent à une période de transition démocratique. Il faut se convaincre que seules des conditions de liberté politique sous toutes ses formes, des libertés de délibération, d'expression d'une part, et des élections libres et transparentes d'autre part, permettent à l'économie de progresser. Il faut cependant, au préalable, la nécessité justement de mettre en place les différentes transitions rendues nécessaires par le mouvement du monde. Nous allons vers une autre Constitution sans connaître les attentes de l'Algérie profonde, les dynamiques souterraines des jeunes, leurs aspirations; leurs angoisses. Nous sommes aussi totalement incultes concernant les mutations du monde qui, qu'on le veuille ou non, devraient être prises en charge par le texte de la Constitution. Il est important qu'un débat s'engage. Il ne peut pas être évacué. De plus, il est de la plus haute importance que le peuple vote en définitive et ait enfin son mot à dire en connaissance de cause. L'idée d'organiser une élection législative devrait être l'aboutissement du projet. Je suis convaincu du fait de ses importantes potentialités, que seul un consensus et un débat productif regroupant toutes les sensibilités sans exclusive, permettront de dépasser la crise multidimensionnelle actuelle et permettre à notre pays de devenir un acteur déterminant au niveau des espaces maghrébin, euro-méditerranéen et euro-africain. 1.http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/170014-l-urgence-du-vivre-ensemble.html 2. http://www.vie-publique.fr/ decouverte-institutions/institutions/ veme-republique/constitution-definition/qu-est-ce-qu-constitution.html 3. http://www.lemonde.fr/tunisie/article/2014/01/27/des-avancees-majeures-dans-la-constitution-tunisienne_4354973_1466522.html 4. http://redtac.org/asiedusudest/2009/12/06/les-politiques-islamiques-en-malaisie/