Prolifique, l'auteur de Comme des ombres furtives revient avec un nouvel ouvrage contant les péripéties de la dernière campagne électorale. Suivre au jour le jour une consultation électorale, voici une idée peu banale à laquelle a souscrit avec enthousiasme, semble-t-il, le journaliste Hamid Grine, qui n'en est pas, en fait, à sa première escapade dans le milieu tortueux de la politique (cf. Comme des ombres furtives paru récemment à Casbah éditions). Chronique d'une élection pas comme les autres se voulait donc un journal quotidien où le témoin Grine annotait les faits et gestes de l'inénarrable campagne de l'élection présidentielle du 8 avril dernier, remportée par le président sortant, M.Bouteflika. Suivre les faits et gestes des six candidats au palais d'El Mouradia n'était pas de prime abord évident mais le ton enjoué, parfois caustique, du narrateur fait, quelque part, excuser ce qui peut paraître un déjà vu. En effet, Hamid Grine, en vieux briscard de la plume a su éviter les fausses trappes de la facilité, coupant souvent son récit d'anecdotes succulentes par-ci, de coups de coeur par-là, comme cet émouvant portrait de Mme Elisabeth Belkaïd, la veuve du martyr Aboubakr Belkaïd, ou cette sympathique incursion chez le vieux pionnier de la boxe algérienne et africaine, Abdallah Bessalem, ou encore ces portraits-éclairs de ses nombreux amis sportifs. Certes, comme il l'indiquait en préambule, Hamid Grine se voulait le plus objectif possible. Mais l'objectivité, comme la vérité en fait, est d'abord un état d'âme et, ici et là, au détour d'une phrase, d'un commentaire acerbe ou d'une «pause café» apparaissent en filigrane ses préférences. Ce qui n'est pas un jugement mais un constat que même un journaliste n'est pas neutre, ne peut être totalement neutre en ce sens qu'il reste un être humain avec ses sentiments et pulsions qui affleurent ici et là. Pour dire que, sans doute seule une machine peut, à la limite être objective, ce qui n'est pas sûr en réalité si l'on excipe du fait qu'elle peut aussi bien exprimer les sentiments de son programmateur. En fait, le chroniqueur raconte avec sobriété les joutes de ces trente jours de campagne harassante, qui a précédé le vote du 8 avril, pour les candidats comme pour ceux qui les ont accompagnés rapportant leurs faits d'armes. C'est ainsi que Hamid Grine fait débuter son journal de cette présidentielle avec la déclaration, le 10 mars, du général-major Mohamed Lamari, affirmant la neutralité de l'armée qui n'était «contre aucun candidat ni ne soutient aucun d'entre eux». Pourquoi pas, si l'on infère du fait que l'armée demeure, d'une manière ou d'une autre, le pivot du fait politique en Algérie. Ainsi, outre les déclarations faites par des éléments les plus représentatifs de la grande muette, Hamid Grine s'est également longuement arrêté sur les écrits d'une presse qui, faute de l'existence d'un schéma politique représenté par les «droite» et «gauche» traditionnelles, donnant lieu à une lecture politique des concepts des uns et des autres, s'est vu taxée de pro et d'anti-Bouteflika. C'est aussi bien ainsi, et cela permet, outre, de noircir les colonnes de journaux, de savoir qui est qui. Mais attention, la chronique de Grine ne se limite pas aux seuls candidats et le chroniqueur tire profit des occasions qui lui étaient données pour faire parler les observateurs les plus avertis de la chose politique comme l'ancien Premier ministre réformateur, Mouloud Hamrouche, qui ne manque pas non plus, aucune opportunité pour remettre les choses à l'endroit affirmant volontiers que lui-même ne s'est jamais qualifié de réformateur se récriant: «Et pourtant je n'ai jamais dit que j'étais réformateur. Et j'ai de la mémoire, croyez-moi!» Hamid Grine croque aussi les portraits des hommes les plus en vue ou les plus représentatifs dans les staffs des candidats, d'où semblent sortir du lot, les directeurs de campagne de MM.Bouteflika et Benflis, respectivement Abdelmalek Sellal et Abdelkader Sallat, dont la modestie et la nature vraie de ce dernier n'ont pas laissé insensible l'ancien journaliste sportif. Au-dessus de la mêlée Grine? Que non! Chronique d'une élection pas comme les autres est en fait un journal au long cours dans lequel l'observateur, Hamid Grine fait certes, des choix éditoriaux, mais demeure attentif à ce que le récit garde le détachement qui sied à la chronique. Chaque candidat se verra ainsi dresser un portrait à sa mesure, mais réserva néanmoins son coup de chapeau à Mme Louisa Hanoune et à Fawzi Ali Rebaïne, qui n'ont pas déparé cette campagne, les deux «invités surprises» ayant défendu crânement et pied à pied leurs idées et programmes pour la société. Hamid Grine s'arrêta également à Tizi Ouzou chez le libraire-philosophe, Cheikh Omar qui s'est donné pour mission de faire aimer le livre et la lecture et rend au passage un hommage au poète Ahmed Azeggagh disparu l'an dernier. Chronique d'une élection pas comme les autres fourmille de détails sur la campagne électorale et fourmille de trouvailles qui le rendent fort instructif.