Les augmentations de prix de l'essence vont assommer les Egyptiens durant le Ramadhan cette décision impopulaire pourrait se retourner contre le nouveau président Abdel Fattah al-Sissi. Elu en mai avec 97% des voix en combinant une image d'homme à poigne capable de ramener la stabilité dans le pays et une implacable répression de l'opposition un an après avoir destitué le président islamiste Mohamed Morsi doit désormais s'attaquer à l'épineux dossier de l'économie. Et dans le pays où les crises à répétition depuis début 2011 ont fait fuir touristes et investisseurs et mis l'économie à genoux, les gouvernements successifs ont régulièrement évoqué une suppression des subventions sur l'essence, dont les prix sont actuellement parmi les plus bas du monde. L'Etat consacre plus de 30% de son budget aux subventions sur l'essence et les produits alimentaires pour aider une population dont près de 40% -quelque 34 millions de personnes- vit en-dessous ou tout juste au-dessus du seuil de pauvreté, selon le gouvernement. Mais par crainte d'une fronde populaire, aucun gouvernement n'avait été jusqu'à mettre la mesure en place. Par un décret ministériel publié dans la nuit, le prix du litre d'essence à indice d'octane 92 est passé samedi de 1,85 livre égyptienne (0,19 euro) à 2,6 livres (0,27 euro), celui d'indice 80 de 0,9 livre à 1,6 livre et le diesel de 1,1 livre à 1,8 livre, selon l'agence officielle Mena. M. Sissi avait prévenu: lors de sa campagne, il avait plaidé pour l'austérité, appelant les Egyptiens à faire des sacrifices pour redresser l'économie, qui surnage actuellement grâce aux aides des monarchies du Golfe, résolument hostiles aux Frères musulmans de M. Morsi. Et dans un récent discours, M. Sissi a lancé l'idée de donner «la moitié de son salaire et de ses biens à l'Egypte», appelant ses compatriotes à faire de même. Revenant notamment sur la question de l'essence, il avait exhorté les Egyptiens à circuler à vélo ou à pied pour faire des économies. Taxis en colère Le Premier ministre Ibrahim Mahlab a appelé les Egyptiens à «comprendre les défis actuels et à soutenir le gouvernement», promettant que les baisses de subventions ne toucheraient pas les denrées alimentaires. «Les plus touchés seront ceux qui ont des voitures, deux voitures ou un gros véhicule, mais ceux qui se déplacent en microbus ne seront pas touchés et ce sont ceux-là que je veux protéger», a-t-il déclaré à une télévision locale. «Une partie des subventions (économisées) sera réattribuée aux services aux plus démunis», a-t-il ajouté, sans plus de précisions. Le gouvernement a également approuvé une augmentation des impôts et annoncé que le prix de l'électricité augmenterait graduellement sur cinq ans. Mais dans la rue, les automobilistes ne cachaient pas leur colère. Mostafa Ibrahim, un chauffeur de taxi à une station-essence a assuré: «Avant je remplissais deux fois mon réservoir pour 12 livres par jour et aujourd'hui, en une seule fois, j'ai payé 11 livres». «J'attendais de M. Sissi qu'il supprime l'aide aux hommes d'affaires et aux chefs d'entreprises, pas qu'il s'en prenne aux pauvres en premier», a-t-il lancé. A Ismaïliya, sur le canal de Suez, des chauffeurs de taxi en colère bloquaient des routes. L'opposition islamiste pro-Morsi pourrait miser sur cette grogne sociale pour tenter de grossir les rangs de ses manifestations qui s'essoufflent face à la répression. En un an, plus d'un millier d'islamistes ont été tués, 15.000 arrêtés et des centaines condamnés à mort à l'issue de procès expéditifs de masse. Et les autorités sont régulièrement accusées d'utiliser la justice comme un outil de répression, contre les Frères musulmans de M. Morsi. Samedi, un tribunal a condamné le Guide suprême de la confrérie Mohamed Badie et 36 islamistes à la prison à perpétuité pour une manifestation violente il y a un an et confirmé la peine capitale de dix autres co-accusés jugés pour la plupart par contumace. M. Badie, en prison et poursuivi dans des dizaines de procès comme la quasi-totalité de la direction de son mouvement, a déjà été condamné à mort dans deux autres affaires similaires.