De vieilles bâtisses classées rouge attendent toujours d'être démolies Le dernier séisme qui a touché la capitale a, une nouvelle fois, relancé la question lancinante sur la gestion des catastrophes dans les zones à forte activité sismique. Le gouvernement a-t-il préparé un plan d'urgence pour éviter les pires scénarios de catastrophes? La faible puissance du séisme et le nombre infime de victimes devraient servir d'avertisseur ou de déclencheur pour les collectivités locales afin de lancer dans les plus brefs délais «un plan d'urgence» pour prévenir d'une grande catastrophe en cas de séisme d'une puissance importante. C'est déjà établi, Alger est une zone sismique sensible, menacée par plusieurs failles (Khaïr al Dine, Zemmouri, Sahel, Chenoua, Blida, Thenia). Le dernier séisme important qui a touché la capitale, le 3 février 1716, a coûté la vie à 20.000 personnes. Le séisme de Boumerdès en 2003 (faille Zemmouri), le 21 mai 2003, de magnitude 6,8, a fait 2278 morts et 10.147 blessés. Cela étant, la zone d'El Asnam située à 200 km d'Alger a connu elle aussi deux séismes. Le premier, le 9 septembre 1954, le bilan était de 1340 morts et 5000 blessés et le second plus puissant, le 10 octobre 1980, qui a détruit la ville à 80%, a coûté la vie à 2633 personnes sur une population de 120.000 habitants. Alger est également soumise aux risques d'inondation à cause du ruissellement des eaux de pluie des hauteurs de la ville jusqu'aux quartiers situés en contrebas. Plusieurs édifices sont construits sur des lits d'oueds, comme au Val d'Hydra. Le 10 novembre 2001, des pluies diluviennes se sont abattues sur Alger, transformant les lits d'oueds en torrents de boue. Cette catastrophe causera la mort de plus de 700 personnes, majoritairement à Bab El Oued, un quartier où des immeubles entiers ont été détruits. D'autres priorités... Ces catastrophes n'ont visiblement pas réveillé encore la conscience des responsables politiques qui sont plongés dans d'autres considérations ou d'autres priorités comme le relogement, l'éducation et le transport. Aux côtés des autres villes du pays, Alger est pourtant plus que jamais menacée en raison de son vieux bâti. Certaines constructions dans des vieux quartiers ont plus de 120 ans d'âge et s'effritent chaque jour un peu plus. Près de 2000 logements risquent de s'effondrer à Alger, a indiqué hier le directeur local du logement, Smaïl Loumi. Ces habitations sont localisées dans des cités et quartiers de Bab El Oued, La Casbah, Belouizdad et Bordj El Kiffan.Mais ce chiffre risque d'augmenter car le recensement ne fait que commencer. Des logements devraient à nouveau faire l'objet d'expertise entamée par trois équipes du Contrôle technique de la construction (CTC) avant de rendre les conclusions définitives quant à la nécessité ou pas de reloger leurs occupants dans le sillage de l'instruction du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz après le séisme de vendredi. Mais cette mesure ne devrait pas viser seulement les habitations. Alger, qui est une capitale où sont concentrés les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sans compter les grandes institutions, les télécommunications, la radio et télévision, le tissu économique et industriel est plus que jamais menacée en cas de «Big one», un séisme d'une puissance supérieure à 7 sur l'échelle de Richter. Un responsable algérien a pourtant tenté en vain de réveiller les consciences et les responsabilités: le professeur en génie parasismique Abdelkrim Chelghoum qui a déjà tiré la sonnette d'alarme lors de sa participation aux journées parlementaires sur la Défense nationale, ouvertes au Conseil de la nation en février 2006. A l'époque, le président du Club des risques majeurs avait déjà évoqué un tremblement de terre de magnitude 7 sur l'échelle de Richter qui frapperait dans la baie d'Alger (8 kilomètres de Aïn Bénian), à minuit détruirait environ 100.000 immeubles et ferait 67 320 victimes (sans compter les blessés). Pratiquement tous les quartiers d'Alger seraient rasés. Des propos alarmistes qui peuvent s'avérer judicieuses en cas de réalité naturelle. Un tremblement d'une telle puissance pourrait décapiter les principaux centres de décision du pays, laissant l'Algérie sans pouvoir et sans commandement. D'où la nécessité de conforter en urgence les immeubles existants et en même temps construire selon des règles parasismiques rigoureuses une autre capitale capable d'absorber un séisme de grande ampleur. Les commandements de la Gendarmerie nationale, de la Protection civile, du Croissant-Rouge, les hôpitaux, les ministères, ainsi que le Palais présidentiel d'El-Mouradia, le siège de la chefferie du gouvernement et le ministère de la Défense nationale ne seraient pas épargnés par la catastrophe. Les bâtiments, abritant ces institutions, ne résisteraient pas aux fortes secousses telluriques. Un «Big one» à Alger? L'inquiétude du professeur Chelghoum provient de la certitude que la construction à Alger est non seulement dense et anarchique, mais également non conforme, dans sa majorité, aux règles parasismiques. L'expert en génie parasismique a déjà déclaré que le pays n'est pas préparé à ce type de catastrophes dans la capitale, à Oran et à Constantine. «Selon lui, il faut absolument protéger la ville en renforçant le vieux bâti». Le spécialiste a même recommandé l'arrêt des travaux dans la nouvelle-ville de Sidi Abdellah, exposée à un grand aléa sismique, comme de limiter la construction sur les hauteurs d'Alger, notamment sur l'axe Bougara. «À Aïn Allah, Bab Ezzouar, Val d'Hydra et Bougara, il y a un sérieux problème de glissement de terrain», a-t-il prévenu. En cas de catastrophe majeure, la capitale devrait également faire face à une anarchie généralisée, les autorités devraient entraîner les militaires à se préparer à ce genre de catastrophe comme en 1980 où des militaires ont dû tirer sur des personnes qui volaient certaines habitations abandonnées. De plus, toute l'activité économique du pays sera fortement menacée: port, transport ferroviaire, avion et ponts seront totalement détruits en cas d'un fort séisme. Il y aurait également une menace sérieuse sur les réserves d'or et d'argent stockées dans les sous-sols du Trésor public et des principales banques algériennes du centre-ville. La disparition de cette manne financière pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la stabilité du pays. Même le célèbre vulcanologue Haroun Tazieff, disparu depuis, avait déclaré lors d'une conférence de presse à Alger, que la capitale algérienne allait être violemment ébranlée par un tremblement de terre de forte intensité, au cours d'une période se situant entre 8 à 200 ans. Il est donc plus qu'urgent de préparer un plan important pour gérer une telle catastrophe et se préparer au pire avant qu'il ne soit trop tard.