Alger sera presque complètement rasée si un séisme d'une magnitude 7 sur l'échelle de Richter l'ébranle. Plus de 67 000 victimes seront dénombrées. C'est ce qu'a révélé, hier, au Sénat, un professeur en génie parasismique. L'intervention de Abdelkrim Chelghoum, professeur en numérique et génie parasismique, a donné froid au dos des participants aux journées parlementaires sur la défense nationale ouvertes hier matin au Conseil de la nation. Axant sa communication sur les risques sismiques qui menacent Alger, l'expert a exposé une simulation (une étude scientifique en cours de finalisation) des effets induits par une catastrophe naturelle de cette nature sur la ville et ses agglomérations. “Le principe de la simulation, développé ici, est basé sur une reconstruction fictive des différentes phases de déroulement du tremblement de terre à l'échelle d'une ville. Il n'en demeure pas moins que le scénario catastrophe, qui en découle, pourrait se transposer à un cas envisageable pouvant dépasser notablement le cadre de cette simulation”, a souligné M. Chelghoum, également président du Club des risques majeurs. Selon lui, un tremblement de terre, de magnitude 7 sur l'échelle de Richter, qui frapperait dans la baie d'Alger (8 kilomètres de Aïn Benian) à minuit détruirait environ 100 000 immeubles et fera 67 320 victimes (sans compter les blessés). Pratiquement tous les quartiers d'Alger seraient rasés. Les commandements de la Gendarmerie nationale, de la Protection civile, du Croissant-Rouge, les hôpitaux, les ministères, ainsi que le palais présidentiel d'El-Mouradia, le siège de la chefferie du gouvernement et le ministère de la Défense nationale ne seraient pas épargnés par la catastrophe. Les bâtiments, abritant ces institutions, ne résisteraient pas aux fortes secousses telluriques. “Les secours seraient difficiles, voire impossibles, car aucun centre de commandement ne serait opérationnel”, a affirmé le professeur qui a certifié que les dégâts matériels, dans une situation cataclysmique pareille, s'élèveraient à 200 milliards de dollars. Le verdict de cet expert est sans appel. “J'expose une réalité dans une simulation hypothétique. Alger ne peut pas échapper à un grand séisme. Nous ne savons au juste pas quand il aura lieu, car les tremblements de terre sont un phénomène imprévisible et non négociable”, nous a-t-il déclaré en marge de la conférence. Il a affirmé que la capitale repose sur cinq failles principales qui peuvent bouger à tout moment. “En matière de risques majeurs, le tableau est sombre”, a-t-il précisé d'un air navré. L'inquiétude du professeur Chelghoum provient de la certitude que la construction à Alger est non seulement dense et anarchique, mais également non conforme, dans sa majorité, aux règles parasismiques. “En toute honnêteté, le pays n'est pas préparé à ce type de catastrophes dans la capitale, à Oran et à Constantine”, nous dira encore l'expert en génie parasismique. “Selon lui, il faut absolument protéger la ville en renforçant le vieux bâti”. “Il existe des méthodes souples. La ville de Nice, qui est moins menacée par l'activité sismique, a entamé le travail de confortement de ses constructions”, a-t-il révélé, dans une ultime tentative de tirer la sonnette d'alarme avant qu'il ne soit trop tard. Il a recommandé, par ailleurs, l'arrêt des travaux dans la nouvelle ville de Sidi-Abdallah, exposée à un grand aléa sismique, comme de limiter la construction sur les hauteurs d'Alger, notamment sur l'axe Bougara. “À Aïn Allah, Bab-Ezzouar, Val d'Hydra et Bougara, il y a un sérieux problème de glissement de terrain”, a-t-il prévenu. En invitant le Pr Chelghoum à parler des risques majeurs, la présidence du Conseil de la nation ne s'attendait certainement pas à une intervention aussi alarmiste. D'autant que l'objectif étant d'illustrer une situation particulière, qui appellerait à l'organisation de la défense civile, thème des troisièmes journées parlementaires de l'institution présidée par Abdelkader Bensalah. Mme Maya Sahli, enseignante à l'Ecole nationale de l'administration, a expliqué la problématique par la nécessité de savoir “comment protéger la population face à une inondation, un tremblement de terre, une pandémie et quels sont les réflexes administratifs à mettre en œuvre lors d'un accident technologique”. Le Pr Chelghoum a situé le débat dans une autre dimension, en ce sens qu'il a montré qu'il s'agit de savoir comment prévenir les catastrophes au lieu de chercher uniquement à les gérer. Souhila H.