C'est un véritable camouflet pour la liberté d'expression en Tunisie. La juge Raja Chaouachi a quitté officiellement la Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle (Haica) comme cela est annoncé dans le Jort (Journal officiel tunisien) du 12 août 2014 en vertu du décret 2888 du 5 août 2014. Une information qu'elle a également confirmée à la presse tunisienne en ajoutant que la période de fondation de la Haica est achevée et que l'examen des dossiers de demandes de licences d'exploitation est presque fini, donc elle a souhaité reprendre ses fonctions de juge. «On a travaillé dans le cadre de la loi et on a fait ce qu'il fallait pour permettre à l'instance de travailler dans de bonnes conditions. Toutefois, la magistrature a aussi besoin de mon expérience de 30 ans en tant que juge», a-t-elle ajouté. La juge Raja Chaouachi doit reprendre ses fonctions en tant que présidente au tribunal de première instance de Tunis dès le 1er septembre prochain. La Haica (Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle) créée un 3 mai 2013, avait comme objectif la régulation du paysage audiovisuel et la consécration de la liberté d'expression; elle a réalisé depuis ladite date, plusieurs actions. Plus d'un an après sa création, certaines décisions de la Haica évoquent des interrogations quant au processus fonctionnel de ce dispositif régulateur. La semaine dernière, la Haica a condamné deux chaînes de télévision privées à une suspension d'émission pour des durées de deux semaines et d'un mois et cela pour avoir invité deux Libyens dont le discours déclinait des appels à la violence et à la guerre; le talk-show Ness Nessma News diffusé sur la chaîne privée Nessma TV a écopé d'une suspension d'un mois. Une décision prise par la Haica après avoir convoqué le directeur de la chaîne, le rédacteur en chef ainsi que le présentateur du programme. Deux jours après, la chaîne privée Hannibal TV a subi les foudres de la Haica qui a sanctionné pour une durée d'une semaine son émission Ça se passe en Tunisie. Motif: les invités reçus à l'épisode en question avaient tenu un discours incitant clairement à la violence et faisant l'apologie du terrorisme et de la guerre. A cette décision, la direction de la chaîne Hannibal TV a exprimé ses regrets tout en axant sur son respect des règles de la profession ainsi que de sa mission informative. D'autres médias sont passés sur le banc des accusés de la Haica. Ettounissya TV s'est vu infliger au mois de mars dernier une suspension de son émission Andi Mankolek et une amende de 200 000 DA. Les différentes actions réalisées par la Haica sont intéressantes dans la mesure où elles tendent à faire de l'ordre dans un paysage audiovisuel tunisien marqué par la Révolution arabe. Cette instance a réussi là où les autres autorités maghrébines ont échoué, notamment en Mauritanie et au Maroc où la Haica marocaine n'a pas su gérer les changements audiovisuels imposés par le nouveau gouvernement islamiste de Benkirane. La Haica tunisienne est plus un modèle à suivre qu'un modèle à supprimer. [email protected]