Les violentes manifestations de la communauté kurde contre la politique syrienne du gouvernement islamo-conservateur d'Ankara ont déjà fait 31 morts depuis lundi soir dans toute la Turquie, a annoncé hier le ministre de l'Intérieur Efkan Ala. Un total de 360 personnes, dont 139 policiers, ont également été blessées lors de ces émeutes, où la police a interpellé 1.024 personnes, dont 58 ont été inculpées et écrouées, a ajouté M.Ala en détaillant le premier bilan officiel des événements. «Cet enchaînement de violence doit s'arrêter immédiatement», a tonné le ministre devant la presse, «tout le monde doit jouer son rôle pour mettre un terme à ces incidents». Cette brusque flambée de violence a débuté après un appel lancé par le principal parti kurde du pays à manifester contre le refus du gouvernement d'Ankara d'intervenir militairement pour empêcher la chute de la ville frontalière kurde de Syrie Kobané de tomber entre les mains des jihadistes du groupe Etat islamique (EI). La plupart des victimes ont été tuées dans le sud-est à majorité kurde du pays, lors d'affrontements entre militants proches des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et des partisans de mouvements islamistes ou nationalistes. Mesure inédite depuis vingt-deux ans, un couvre-feu militaire a été imposé mardi dans six provinces du sud-est mais il a été levé au bout de vingt-quatre heures, sauf pendant la nuit à Diyarbakir, la «capitale» kurde de la Turquie. De nombreuses manifestations violentes ont encore eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi dans de nombreuses villes du pays, notamment à Gaziantep (sud) où 4 personnes ont été tuées lors de heurts entre factions rivales. Les autres victimes ont été recensées à Diyarbakir (sud), où 11 personnes ont été tuées, à Mardin (6), Siirt (5) et Batman (1), Mus (1), Van (1), Adana (1) et Istanbul (1). A Bingöl (sud-est), deux policiers ont été blessés et un autre, le chef de la police de la province, grièvement blessé par des tirs alors qu'ils inspectaient les lieux d'une manifestation, a également confirmé le ministre de l'Intérieur. Cinq personnes soupçonnées d'être les auteurs de ces tirs ont ensuite été tuées par les forces de l'ordre, a ajouté M. Ala, les qualifiant de «terroristes», le terme généralement utilisé par les autorités turques pour désigner les membres du PKK. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé jeudi ces émeutes comme une tentative de «sabotage» des pourparlers de paix entre Ankara et le PKK et a promis de prendre «toutes les mesures nécessaires» pour réprimer les fauteurs de troubles. «Nous savons que notre peuple condamne le vandalisme. Nous allons tout faire pour nous assurer que cela ne se reproduise pas (...) La semaine que nous venons de vivre a causé beaucoup de tort à nos 77 millions de concitoyens. Ces événements ne servent personne», a renchéri hier M. Ala. A l'origine de l'appel à manifester de lundi, le coprésident du Parti démocratique populaire (HDP) Selahattin Demirtas a exhorté jeudi ses troupes au calme. Le chef emprisonné du PKK a averti Ankara que la chute de Kobané signifierait la fin du processus de paix et laissé au gouvernement jusqu'au 15 octobre pour le relancer. Le Parlement turc a accordé il y a une semaine son feu vert formel à une intervention militaire contre les jihadistes en Irak et en Syrie. Mais le gouvernement s'y est jusque-là refusé, redoutant qu'elle ne renforce le régime de Damas.