Défenseurs des droits de l'Homme et opposants en Egypte accusent le pouvoir de vouloir maintenir une chape de plomb sur la société civile, à deux semaines d'une date-butoir imposée aux organisations non gouvernementale (ONG) pour s'enregistrer officiellement sous peine de fermeture. La mesure inquiète d'autant plus que, depuis la destitution en juillet 2013 du président islamiste Mohamed Morsi par l'ex-chef de l'armée et actuel chef de l'Etat Abdel Fatah al-Sissi, les autorités mènent une sanglante répression contre toute forme d'opposition. Les ONG égyptiennes ou étrangères qui ne sont pas déjà enregistrées auprès du ministère de la Solidarité sociale ont jusqu'au 10 novembre pour le faire, en application d'une loi particulièrement restrictive datant de l'ère de l'ex-président Hosni Moubarak, chassé en 2011 par une révolte populaire. Le but est de placer sous le contrôle direct des autorités des dizaines d'organisations de défense des droits de l'Homme qui, pour s'y soustraire, étaient jusqu'alors enregistrées en tant que sociétés civiles ou cabinets d'avocats, estiment des experts. «C'est une tentative de faire taire les dernières voix qui s'élèvent contre les méthodes répressives de l'Etat policier», s'insurge l'avocat des droits de l'Homme Gamal Eid, alors que nombre d'ONG dénoncent régulièrement un régime qu'elles jugent plus répressif que celui de Moubarak. Ces critiques indisposent les autorités: cet été, l'Egypte a ainsi refoulé à l'aéroport le directeur de Human Rights Watch (HRW), venu présenter au Caire un rapport sur la dispersion sanglante le 14 août 2013 de deux sit-in islamistes, parlant de «probable crime contre l'humanité». Le pouvoir s'en est également pris à l'opposition laïque et de gauche, emprisonnant des dizaines de jeunes militants pour avoir enfreint une loi controversée limitant le droit de manifester. Car le président Sissi, élu en mai, a les coudées franches: la communauté internationale, l'allié américain en tête, est quasiment atone et l'opinion publique égyptienne, derrière des médias unanimes, lui voue dans sa grande majorité un quasi-culte de la personnalité, estimant qu'il a mis fin au «chaos» de l'après Moubarak. La loi régulant les ONG permet au gouvernement de superviser leurs activités, leurs financements, le choix de leur direction et soumet leur dissolution à une simple décision administrative. Les autorités peuvent «s'ingérer dans toutes les activités des associations, dans les moindres détails», s'insurge Mohamed Zaree, chercheur à l'Institut d'étude des droits de l'Homme du Caire. Et le gouvernement semble vouloir durcir ces règles. En juin, il a présenté un nouveau projet de loi visant à régir les quelque 47.000 ONG du pays. Le texte soumet l'installation des ONG étrangères en Egypte et leurs activités à la supervision d'une commission inter-ministérielle, composée notamment de représentants des forces de sécurité. Et il soumet les fonds étrangers, l'une des principales sources de financement des ONG égyptiennes, à l'approbation de cette commission.