Christopher Ross est la bête noire du pouvoir marocain. Le Maroc qui n'a pas renoncé à avoir la tête de l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahara occidental n'a pas encore mesuré l'impact qu'aurait une telle démarche sur ses relations avec ses soutiens traditionnels (Etats-Unis, France...). Un coup de poker qui met toutefois le Makhzen dans l'expectative. «Il s'agirait donc, au stade actuel, d'évaluer la situation dans son ensemble, et de mesurer le prix politique des événements à venir en considérant éventuellement, la possibilité pour notre pays de désavouer l'actuel Envoyé personnel du secrétaire général...» reconnait une note interne du ministère marocain des Affaires étrangères portant la référence DG/7/6/N°/2014.Ce qui a conduit les autorités marocaines à mettre sous surveillance tous ses faits et gestes. Celui qui a été chargé de cette sale besogne n'est autre que l'ambassadeur du Maroc auprès des Nations unies à Genève. Il a été chargé non seulement de collecter des informations sur la démarche que compte adopter le diplomate américain pour trouver une solution au conflit sahraoui mais aussi à en fournir sur sa vie privée et ses contacts. «Une manoeuvre de Christopher Ross pour remplacer le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental serait en préparation», avait écrit Omar Hilale le 11 avril 2012 dans une lettre confidentielle adressée à Mohammed VI. «Comme suite à mon fax cité en référence, j'ai l'honneur de vous informer que les jours de M. Hany Abdelaziz, représentant spécial du SG de l'ONU pour le Sahara, à la tête de la Minurso, seraient comptés» avait ajouté le diplomate marocain qui a tenu à préciser que d'après des informations qu'il aurait glané auprès d'une source du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) «M. Ross recherche actuellement un candidat ayant une forte personnalité, capable de faire face au Maroc et qui lui serait totalement vassal. A cet égard, ma source m'a donné les deux informations suivantes: en premier lieu, le Dpko (le Département des opérations de maintien de la paix, Ndlr) aurait proposé le poste de M.Hany à M.Sultan Athar Khan, directeur du cabinet du Haut Commissariat pour les réfugiés». Le Maroc redoute au plus haut point cette option. Pourquoi? «Ce casting de M.Ross et son scénario d'élargissement du rôle politique de la Minurso, insidieusement distillé dans le projet de rapport du SG, augure d'une Timorisation (programmée) de la question du Sahara. D'où l'impératif pour notre pays de considérer toute modification du mandat de la Minurso comme une ligne rouge et de tout mettre en oeuvre pour la déjouer quel qu'en soit le prix» a indiqué le représentant permanent du Maroc auprès du Conseil des droits de l'homme à Genève. L'ambassadeur du Royaume chérifien faisait référence au Timor-Oriental, un pays d Asie du Sud-Est, ancienne colonie portugaise qui fut annexé par l'Indonésie en 1975 avant d'accéder à son indépendance en 2002. Du coup, la visite que devait effectuer ce mois d'octobre dans la région l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahara occidental a pris du plomb dans l'aile. Elle a été compromise par la position adoptée contre lui par Rabat. Au risque de s'attirer les foudres de l'administration américaine. Lors d'un entretien téléphonique avec Mbarka Bouaida, la ministre marocaine déléguée aux Affaires étrangères et à la Coopération, la sous-secrétaire d'Etat, Anne Patterson, lui a fait savoir que Christopher Ross «doit revenir» et «que le Maroc doit le laisser faire son travail». Le pouvoir marocain reconnait qu'il joue gros. «Les prémices d'une deuxième crise avec l'administration Obama commencent déjà à se dessiner et portent encore une fois sur la démarche de M.Ross ainsi que sur sa visite au Maroc», indique un document du ministère marocain des Affaires étrangères qui souligne que «Washington ayant une sensibilité particulière à tout ce qui touche à ce diplomate américain dont la longue carrière au sein du département d'Etat a porté essentiellement sur les questions du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord». Un coup de poker qui indique que le Maroc est sur la brèche.