Le résultat est plus serré qu'il n'a été supposé et Essebsi devra batailler face à un Marzouki très pugnace Même si le taux de 62% donné avant-hier a été ramené, hier, à 39% des suffrages dans les résultats finaux, «Bejbouj» reste en tête de la présidentielle de dimanche en Tunisie devant le président sortant Moncef Marzouki (33, 43%). Ces résultats ont été donnés dans la matinée d'hier par l'instance électorale. Du coup, ce sera donc un duel très serré entre un candidat sortant et un ancien qui a fait les beaux jours des régimes précédents. Le hic est que Marzouki qui a beaucoup déçu les Tunisiens par ses bévues sur le plan politique, notamment par sa main tendue aux islamistes, a réussi à tenir tête à Caïd Essebsi avec seulement six points d'écart. Les autres candidats sont loin derrière: Hamma Hammami avec 255.529 voix, vient ensuite, Hechmi Hamdi (187.923 voix) et enfin Slim Riahi (181.407 voix). Le score le plus important ne dépassant pas les 8%. Un second tour aura donc lieu mais sa date dépendra des recours déposés, a indiqué le président de cette instance (Isie), Chafik Sarsar, lors de la conférence de presse. Le membre de l'Isie, Nabil Baffoun, a déclaré, pour sa part, qu'en cas de non-présentation de recours suite à l'annonce des résultats préliminaires de la présidentielle, le deuxième tour de l'élection aura lieu dans la période allant du 12 au 14 décembre prochain. Il a, en outre, précisé que selon la loi électorale et en cas d'égalité absolue entre les deux candidats (Moncef Marzouki et Béji Caïd Essebsi) le plus âgé sera le prochain président de la République. Les perdants dans cette présidentielle sont Ahmed Néjib Chebbi et Mustapha Ben Jaâfar qui auront du mal, à coup sûr, de remonter la pente de sitôt à défaut d'être condamnés à disparaître bientôt de la scène politique. Il est peut-être encore tôt d'affirmer qu'ils risquent de ne plus jamais pouvoir surmonter cet échec cuisant et que, par leurs nombreuses erreurs tactiques et stratégiques, ils ont fait perdre à leurs formations politiques leur capital-crédibilité, peut-être irrémédiablement Ahmed Néjib Chebbi n'a jamais cessé de se positionner et se repositionner, il a été trop égocentrique et trop sûr de lui-même. Personne n'a osé contester, en l'espace de ces trois courtes années, sa dictature «éclairée» pour corriger la trajectoire que cet homme a dictée à sa formation politique... jusqu'au jour où «son» Al-Joumhouri soit devenu un navire fantôme et que l'équipage autour du capitaine Chebbi se soit limité à un groupe très restreint de fidèles trop suivistes. Quant à Mustapha Ben Jaâfar, pour sa part, qui a misé tout le poids électoral de «son» Ettakatol au scrutin de l'Assemblée nationale constituante (ANC) sur une aventure «troïkiste», il a pris le malsain plaisir de diriger les débats de la Constituante comme il l'a fait et très mal fait. Il a été trop obsédé par sa «meilleure constitution au monde» et trop ménagé ses alliés islamistes, pour entendre les voix des autres dirigeants de son parti qui sentaient la catastrophe venir. Beaucoup ont d'ailleurs démissionné et rejoint d'autres partis démocratiques et progressistes. Dans cette course, avec un traumatisant «zéro siège» au prochain Parlement, M.Ben Jaâfar ne pouvait être que l'égal de son parti. Il ne pouvait que constater que l'on ne «flirte» pas, comme il l'a fait, avec les islamistes sans y laisser des plumes... toutes ses plumes. De quoi son avenir et celui de son parti seront-ils faits? Sans doute pas de triomphes électoraux, la traversée du désert risquant de durer longtemps, très longtemps... Reste maintenant à savoir si les deux hommes auront le courage et la responsabilité de démissionner et de laisser leurs partis respectifs se réformer et faire émerger de nouveaux leaderships, plus jeunes et plus en phase avec la nouvelle situation en Tunisie. D'aucuns s'empressent de crier à la compromission de Béji Caïd Essebsi. Or, rappelons qu'Ennahda, avec 69 voix, dispose du tiers bloquant, et que si chacun des deux partis se dresse constamment, l'un contre l'autre, au cours du prochain mandat, comme deux forces contraires dans le domaine de la physique, ils s'annuleront comme elles au détriment de l'intérêt général et le pays sera ingouvernable. D'où l'affirmation du président de Nidaa Tounès concernant la nécessité de l'unité nationale qui s'impose, non seulement sur le plan de l'intérêt et de l'efficacité, mais aussi, du principe. On ne peut gouverner un pays en excluant totalement son deuxième plus grand parti, en le renvoyant à l'opposition systématique. Ne vaut-il pas mieux, pour l'intérêt de tous, l'associer à l'effort futur de réforme pour affronter ensemble, une situation catastrophique? C'est ce qui se dessine, en tout cas, et les jeux semblent être déjà faits avec le scénario le plus probable du report de voix.