La Tunisie est à la veille d'un marathon de scrutins électoraux, avec des législatives, le 26 octobre, et un premier tour des présidentielles, prévu le 23 novembre. Tunis De notre correspondant Plus de 1300 listes électorales concourent pour les 217 sièges de l'Assemblée des représentants du peuple et une trentaine de candidats se disputent le palais de Carthage. Les observateurs s'interrogent sur les chances des partis de l'ancienne troïka gouvernante lors de ces échéances et se demandent si les islamistes d'Ennahdha continueront à soutenir le président Marzouki. Avec sa décision de ne pas présenter de candidat aux prochaines élections présidentielles en Tunisie, le mouvement islamiste Ennahdha a laissé la porte ouverte à toutes les surenchères sur le terrain politique. «Des dirigeants comme Hamadi Jebali ou Ali Laârayedh auraient pu concourir et gagner les élections présidentielles. Mais, la situation transitoire en Tunisie exige le consensus. Et comme le mouvement Ennahdha est pour le partage du pouvoir, il propose de présenter un candidat consensuel à la présidence de la République, pour éviter les tensions extrêmes», a déclaré le président du mouvement, Rached Ghannouchi, à la sortie du conseil de la choura, tenu les 6 et 7 septembre à Hammamet. En-nahdha a ainsi opposé un niet définitif à la candidature de Hamadi Jebali, qui voulait se présenter aux présidentielles en tant que candidat «indépendant». Par contre, les islamistes continuent à défendre leur proposition de candidat consensuel à la présidence de la République, annoncée depuis juin dernier, et rejetée par la majorité des partis politiques, comme l'indique la trentaine de candidatures soumises à l'ISIE et représentant toutes le spectre politique en Tunisie. «Il est possible de s'entendre sur le candidat consensuel lors du 2e tour des présidentielles», précise l'ex-chef de gouvernement, Ali Laârayedh, à ceux qui considèrent comme «grillée» cette proposition. «Le prochain président doit être élu à plus de 75% des suffrages, pour lui permettre de réunir les Tunisiens autour de lui», ajoute Ghannouchi. Belles paroles, sans nul doute. Mais, comment les islamistes veulent-ils appliquer leur formule magique ? Objectif : La Kasba «En concourant juste pour les législatives, les islamistes se sont offerts des marges de manœuvre pour obtenir une majorité qui leur permettra de gouverner», pense le politologue Slaheddine Jourchi. La nouvelle Constitution en Tunisie a apporté un régime politique, certes mixte, avec un Président élu au suffrage universel, qui chapeaute la diplomatie et la défense. Mais, le gros du pouvoir exécutif est entre les mains de l'Assemblée des représentants du peuple. Le chef du gouvernement est nommé par le parti arrivant premier lors des élections législatives. «Ennahdha a cet objectif en tête : celui d'arriver en tête des législatives et de nommer l'un de ses dirigeants, de nouveau, à la Kasba», affirme Jourchi. Or, les islamistes d'Ennahdha sont loin d'être assurés d'obtenir une majorité parlementaire. «C'est pourquoi ils laissent la présidence de la République vacante, pour la négocier avec le parti qui leur permettra d'obtenir la majorité pour gouverner», souligne le politologue. «C'est en fonction des résultats obtenus par les partis de Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaâfar, Ahmed Néjib Chebbi, voire Hachemi Al Hamedi, qu'Ennahdha se décidera sur l'offre à faire pour les présidentielles. Rached Ghannouchi proposera de soutenir le dirigeant du premier de ces partis dans sa course au palais de Carthage. Au second, il propose la présidence de l'Assemblée. Il peut également proposer des portefeuilles ministériels pour fermer la boucle et parvenir à la majorité», précise le politologue. «Mais, tous ces calculs restent tributaires de l'arrivée d'Ennahdha en tête des suffrages à la sortie des urnes le 26 octobre prochain, ce qui n'est pas du tout évident. Les derniers sondages, commandés par les partis politiques, donnent plutôt Nidaa Tounes en tête pour les législatives et son leader Béji Caïd Essebsi pour les présidentielles, avec un éventuel Béji-Marzouki au deuxième tour. Rien n'est donc joué d'avance», conclut Slaheddine Jourchi. L'avenir de Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaâfar et Ahmed Néjib Chebbi est donc incertain et reste tributaire des résultats de leurs partis respectifs lors des élections législatives.