La sécurité du continent au coeur du Forum de Dakar Après l'Europe, le Moyen-Orient et l'Asie qui ont déjà le leur depuis des années, l'Afrique inaugure à son tour lundi un Forum sur la sécurité destiné à mobiliser le continent face aux défis du jihadisme et du développement. Le Forum réunira pendant deux jours à Dakar les chefs d'Etat sénégalais, malien, mauritanien et tchadien, des ministres de la Défense et des Affaires étrangères mais aussi ONG, acteurs économiques et experts afin de réfléchir à ces enjeux et à la meilleure réponse régionale à y apporter. «Il est souhaitable qu'on puisse échanger sur ce qui doit être demain la sécurité des Africains par eux-mêmes et comment on peut y arriver(...) Ce forum doit créer une culture de la sécurité en Afrique», résume le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui s'est fortement impliqué dans l'organisation de ce rendez-vous avec le président sénégalais Macky Sall et y assistera lundi et mardi. L'idée de ce forum est née au Sommet sur la paix et la sécurité de Paris en décembre 2013. Le président François Hollande avait alors réaffirmé la position qui a sous-tendu les interventions françaises au Mali et en Centrafrique: les Africains doivent prendre leur sécurité à bras-le-corps même si la France continuera d'y contribuer avec sa force Barkhane (3000 hommes) déployée au Sahel. «Les chefs d'Etat présents ont alors reconnu que leurs armées étaient nulles, qu'il fallait les professionnaliser, mettre fin aux gardes prétoriennes existantes. C'est le terrorisme, le trafic de drogue qui ont accéléré cette prise de conscience», se souvient un participant au sommet. L'Afrique a certes connu la plus forte progression des dépenses militaires dans le monde en 2013, soit 8,3% à 44,9 milliards de dollars, selon les données de l'Institut de recherche sur la paix internationale de Stockholm (Sipri). L'Algérie et l'Angola, dopés par la manne pétrolière, arrivent au premier rang des budgets militaires africains (10,4 milliards et 6,1 milliards de dollars), suivis de l'Afrique du Sud (4,1 mds) et du Nigeria (2,4 mds). Mais de nombreux problèmes de formation et d'équipement demeurent alors que plusieurs pays sont engagés dans des missions de paix régionales. Les Etats d'Afrique de l'Ouest ont aussi des budgets beaucoup plus modestes de l'ordre de 150 à 200 millions de dollars. Le forum de Dakar doit devenir un rendez-vous annuel à l'image des conférences sur la Sécurité de Munich en Europe, Manama au Moyen-Orient, Halifax au Canada ou du Shangri-La à Singapour axée sur les questions géostratégiques en Asie du sud-est. Quelque 300 participants sont attendus, dont les chefs de la diplomatie algérienne, nigérienne et camerounaise ainsi que des responsables militaires et sécuritaires nigérians, français et ougandais. «Il y a eu un vrai travail pour en faire un exercice qui ne soit pas franco-africain. On a été très attentifs aux équilibres entre anglo/francos, Maghreb/Afrique occidentale», souligne Camille Grand, président de la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) à Paris, qui a coorganisé le forum avec l'Institut Panafricain de Stratégies (IPS) de Dakar. Le Sahel où les groupuscules jihadistes continuent de circuler d'un pays à l'autre au mépris des frontières, et la menace représentée par la secte islamiste nigériane Boko Haram sur le Cameroun, le Niger ou le Tchad seront au coeur de cette première édition avec la problématique des shebab en Somalie. «Pour beaucoup de pays africains, Boko Haram constitue la menace sécuritaire la plus forte et la plus préoccupante. Sur ce sujet, la France a aussi un rôle de facilitateur d'une coopération régionale à jouer», note-t-on dans l'entourage de M.Le Drian. Celle-ci tarde d'ailleurs à se concrétiser face à Boko Haram malgré les engagements pris par le Nigeria, le Niger, le Cameroun et le Tchad de déployer 2800 hommes à leurs frontières. La sécurité maritime, fortement mise à mal par la piraterie dans le Golfe de Guinée, le trafic d'armes et de drogue, ou encore les leçons de la crise Ebola seront aussi abordés, sans oublier le lien inévitable entre sécurité et développement.