Tragique «Je-m'en-foutisme». Dans tous les pays du monde, les accidents de la route sont du ressort du ministère des Transports. Sauf chez nous. Ou plutôt nous avons la vitrine mais rien à l'intérieur. Jugez-en! Lundi dernier, le ministère des Transports s'est «fendu» d'un communiqué annonçant une baisse des morts, des blessés et des accidents de la route. C'est la fin de l'année. On pourrait penser que c'est l'heure des bilans. Surtout qu'en ce moment même, beaucoup de citoyens sont sur les routes. Pour les personnes décédées sur la route, le ministère annonce une baisse de 4,54%, pour les blessés de 14,4% et pour les accidents la baisse serait de 5,75%. Ces résultats concerneraient les 11 premiers mois de cette année comparés à la même période de 2013. Le conditionnel exprime ici le doute sur ce bilan. D'abord parce que le communiqué dudit ministère ne donne aucune explication à ces «baisses». C'est comme çà et c'est tout. Ensuite, parce qu'un tel bilan ne peut être réalisé qu'en centralisant des données de plusieurs intervenants. La police, la gendarmerie, la Protection civile et les structures hospitalières. Théoriquement, c'est le Centre national de prévention et de sécurité routière (dépendant du ministère des Transports) qui en a la mission. Or et lors de la journée d'étude sur les handicaps générés par les accidents de la route, organisée le 7 décembre dernier par la Dgsn, le chef de service des urgences de l'hôpital de Ben Aknoun, le professeur Abderrahmane Benbouzid, révèle que, chez nous, ne sont recensées que les personnes décédées le jour de l'accident. Celles qui décèdent par la suite de leurs blessures restent dans «la case» des blessés. Ce qui ne veut pas dire, pour autant, que le chiffre des blessés, publié au niveau national, est véridique. Chacune des sources citées plus haut y va de ses statistiques. On a eu beau croiser, juxtaposer, recouper, collationner les chiffres de ces différentes sources, impossible d'obtenir un même résultat. Même l'Algérienne de gestion des autoroutes (AGA) est venue s'ajouter à cette «cacophonie». Elle a lancé, lundi dernier à partir de Relizane, une campagne de sensibilisation «suite à la recrudescence des accidents de la circulation» affirme son DG, Ali Khelifaoui. Donc le même jour, il y a «la baisse» du ministère, «la hausse» de l'AGA et quelques jours auparavant les morts non recensés. Encore heureux que la Gendarmerie nationale, la Protection civile et le ministère de la Santé ne se soient pas encore prononcés. Question simple: comment voulez-vous, sans un état des lieux fiable, penser et concevoir une quelconque politique de prévention routière? Par contre, il est maintenant établi que l'origine de l'échec des pseudo campagnes de prévention organisées jusque-là, est là. Et dire qu'on nous avait abreuvé de causes multiples des accidents de la route. Classées avec soin. Remarquez, «l'élément humain» a toujours été précautionneusement placé en premier. C'est malin pour ne pas être pris à défaut. Il y a toujours un conducteur dans un véhicule. Nous sommes face à un «Je-m'en-foutisme» inacceptable. C'est peu dire face à des vies humaines. Est-ce si difficile de coordonner et rassembler les données des différents intervenants que nous avons vus plus haut? Est-ce si difficile de créer un organisme relevant directement du Premier ministère pour cette mission? Il est clair que si cette question n'est pas réglée, il serait illusoire de croire pouvoir lutter efficacement contre les accidents de la route. En publiant le communiqué annonçant «une baisse», le seul souci du ministère des Transports est de tirer son épingle du jeu. Histoire de suggérer qu'il y est pour quelque chose. Le silence observé, dans le communiqué, sur les raisons n'est pas innocent. Un bilan servi comme «du pain sec». Beau travail!