Elle est à son comble dans cette ville, siège et fief des taliban. Assiégés par l'opposition, bombardés par les Américains, les taliban ont adopté un profil bas. La prise de la capitale Kaboul par l'Alliance du Nord - opposition anti-taliban des minorités ethniques afghanes a quelque peu bouleversé les plans de la communauté internationale, notamment ceux de l'ONU, en vue de rétablir la paix dans ce pays déchiré par vingt ans de guerre. De fait, deux urgences interpellent la communauté internationale: réunir le plus rapidement possible les différentes parties afghanes autour de la table de négociation, et singulièrement prévenir la catastrophe humanitaire qui menace une population à l'abandon. Deux dossiers difficiles, certes, mais qui demandent des prises de décision rapides. Sur le plan militaire, la situation n'a pas notablement évolué et les Américains maintiennent la pression par des frappes renouvelées contre la ville de Kandahar, fief du mollah Omar, sur le sort duquel des informations contradictoires circulent. Toutefois l'interrogation récurrente demeure sur le pourquoi de la précipitation avec laquelle l'Alliance du Nord a jugé nécessaire de s'emparer de Kaboul, mettant en porte-à-faux l'accord conclu avec les autres parties intéressées à l'après-taliban. En vérité, beaucoup d'observateurs n'ont pas compris le déroulement des événements de la semaine dernière qui a vu l'écroulement inattendu des taliban alors que l'Alliance du Nord s'emparait sans coup férir de la majorité du territoire afghan. Tout comme la déroute des taliban et leur repli sans combat n'a pas fini de nourrir toutes les supputations. Aussi c'est sur cet arrière-plan d'incertitudes que les diverses parties impliquées dans le dossier afghan tentent de travailler. Dans cette optique, le représentant spécial de Kofi Annan, le diplomate algérien Lakhdar Brahimi, a effectué de larges consultations dans la perspective de réunir «autant de parties que possible» autour de la constitution du gouvernement intérimaire devant comprendre toutes les fractions afghanes. Quelles sont ces fractions ou parties? En fait en parlant de «dirigeants responsables». Lakhdar Brahimi semble exclure les taliban. Mais ces derniers issus de l'ethnie majoritaire, les Pachtounes, singulièrement les hommes de troupe semblent s'être fondus dans le paysage afghan et beaucoup auront choisi de rallier leur clan d'origine. Il ne fait pas de doute que l'ethnie majoritaire d'Afghanistan est incontournable et rien ne peut être résolu sans elle. C'est la raison pour laquelle le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU s'escrime à faire participer toutes les fractions afghanes et insiste pour que la réunion se tienne dans un lieu neutre, de préférence à Kaboul actuellement soumise au pouvoir de l'Alliance du Nord. Sur un autre plan, celui ayant trait aux préparatifs d'entrée des troupes étrangères en Afghanistan, Fred Eckhard, porte-parole du secrétaire général de l'ONU, affirme: «Nous ne sommes pas informés de ce que les gouvernements se disent les uns les autres au sujet de qui va fournir quelles troupes et qui prendra le commandement. Nous ne savons pas. Tout simplement». C'est dire combien la consultation entre les autorités internationales chargées du dossier afghan laisse à désirer. Faut-il en fait s'en étonner? L'ONU est, une nouvelle fois, mise devant le fait accompli et utilisée comme simple couverture à des décisions qui sont prises en dehors du Conseil de sécurité. Signalons enfin le retour à Kaboul du président afghan, Burhaneddin Rabbani, le seul reconnu par l'ONU, qui a pris l'engagement de tout mettre en oeuvre pour qu'il y ait «un gouvernement à large base en Afghanistan dès que possible». De la bonne volonté semble exister, mais il faut bien reconnaître que la décantation tarde à se faire.