L'attentat intervient dans un contexte particulier, caractérisé par l'amorce d'un dialogue entre les différentes parties au conflit La médiation algérienne a pour principe fondateur la prise en compte de toutes les parties prenantes au conflit, à l'exclusion des groupes terroristes. La branche libyenne du groupe Etat islamique (EI) a revendiqué l'attaque contre l'ambassade d'Algérie à Tripoli, avant-hier, faisant trois blessés dont un policier de faction devant l'édifice. A l'instar des autres représentations diplomatiques, l'ambassade était fermée et les personnels évacués durant l'été, en raison des violents combats ayant conduit à la prise de contrôle, en août, par la coalition de milices Fajr Libya (Aube de la Libye), de la capitale et de son aéroport international. Samedi matin, les auteurs de l'attentat ont lancé un sac bourré d'explosifs dans une voiture de police stationnée devant le bâtiment. Le ministre des Affaires étrangères a aussitôt réagi et condamné cette attaque. L'attentat intervient dans un contexte particulier, caractérisé par l'amorce d'un dialogue entre les différentes parties au conflit. Il n'est pas le premier du genre puisque des ambassades d'autres pays arabes ont, depuis l'été dernier, fait l'objet de plusieurs attaques, avec notamment l'explosion de deux voitures piégées devant les ambassades d'Egypte et des Emirats arabes unis en novembre. Ce qu'il faut relever, c'est la promptitude avec laquelle les milices libyennes proches de l'Etat islamique (EI), communément appelé Daesh, en ont revendiqué la paternité sur les réseaux sociaux. Du coup, deux hypothèses sont plausibles. La première est qu'il s'agit d'une riposte aux dernières opérations des forces de sécurité algériennes qui, tour à tour, ont décapité la structure issue de l'Aqmi, censée porter les étendards de Daesh en Algérie, avec l'élimination de l'émir Gouri, puis la localisation des éléments du groupe et la découverte du corps de l'alpiniste français Hervé Gourdel. Ce coup dur porté aux ambitions de l'EI qui avait commencé à prendre pied en Algérie devait nécessairement entraîner une réplique et, donc, l'attaque de la représentation diplomatique algérienne à Tripoli semble une suite logique sans être tout à fait pertinente. Car il convient de sérier la problématique du dialogue inclusif prôné depuis plusieurs mois par l'Algérie, non seulement lors de la réunion, le mois dernier, à Khartoum, du Groupe des pays voisins de la Libye que préside Alger, mais aussi à la faveur des diverses rencontres ministérielles de la Ligue arabe. Les efforts de médiation de l'Algérie avaient pour principe fondateur la prise en compte de toutes les parties prenantes au conflit, à l'exclusion des groupes terroristes, ce qui, forcément, n'était pas pour plaire aux représentants libyens de Daesh. La réaction de l'ONU et de l'Union européenne, au lendemain des discussions de Genève, entre les parties libyennes soucieuses de parvenir à un gouvernement consensuel, rencontre boycottée par les milices islamistes dont celles qui se prévalent de l'EI, a déclenché des avertissements à peine voilés des Occidentaux qui ont exigé la participation de toutes les factions au prochain round, la semaine prochaine, faute de quoi des sanctions lourdes seront mises en oeuvre et une intervention armée envisagée. Pourquoi, de ce fait, cibler l'Algérie dont la démarche a constamment fait prévaloir le rejet systématique d'une nouvelle intervention militaire en Libye? Ou Daesh entend s'opposer à la médiation algérienne dans ce pays ou son objectif consiste à frapper les intérêts des pays membres de la Ligue arabe qui rejettent l'option d'une Libye aux mains des milices islamistes, une option vers une menace autrement plus dangereuse pour la sécurité et la stabilité du Maghreb tout entier. Livré aux différentes milices, le pays est dirigé par deux Parlements et deux gouvernements rivaux, l'un proche de Fajr Libya, qui a annoncé, avant-hier, un «cessez-le-feu» sur tous les fronts, et l'autre reconnu par la communauté internationale.Dans l'hypothèse, subitement devenue possible, d'un retour à la paix et au dialogue, sous l'égide de l'ONU ou du Groupe des pays voisins qu'importe, les objectifs de l'EI au Maghreb comme au Sahel seraient fortement compromis, et, pour Daesh, cette éventualité est le pire des scénarios qu'il lui faut empêcher, par tous les moyens...