A l´occasion des anniversaires du 20 Août 1955 - 1956, les moudjahidine de la katiba El Hamdania de la Wilaya IV - zone II - région III attaquent les villes du littoral et l´Ecole des officiers français de Cherchell. A l´occasion du deuxième anniversaire du 20 Août 1955 et du premier anniversaire du congrès du FLN en 1956 dans la vallée de la Soummam, l´ALN avait décidé d´organiser une attaque générale contre le colonialisme français pour manifester contre sa présence sur notre territoire national ; elle devait engager des actions armées dans toutes les villes, les villages, contre les casernes militaires: destruction de routes, de postes électriques et incendie des fermes de colons, il fallait à L´ALN (Armée de libération nationale), par cette action commune de la frontière tunisienne à la frontière marocaine, du Nord au Sud, confirmer à l´armée française que nous existions, que nous pouvions les attaquer partout où ils étaient et à n´importe quel moment. Par cette action générale, nous avons prouvé au colonialisme français et à ses soldats, que nous étions là, que nous nous battrions à n´importe quel prix pour la liberté et l´indépendance de notre pays: l´Algérie. Notre katiba El Hamdania avait été désignée pour attaquer les villes de Cherchell, Sidi Ghilès (Novi), Hadjeret El Nas (Fontaine du génie), Gouraya, Francis-Garnier (Beni Haoua), Damous (Duplex), Maenacer (Marceau), Sidi Amar (Zurich) et un poste militaire (l´Arhat) dans la région de Cherchell. La compagnie El Hamdania était composée de 106 moudjahid. Nous étions dans les montagnes du Zaccar; le chef de notre Katiba, Si Moussa, nous avait expliqué le but de la mission importante que nous devions accomplir à l´occasion de l´anniversaire du 20 Août 1955 et du premier congrès du FLN, le 20 Août 1956, organisé dans la vallée de la Soummam en Kabylie — Wilaya III. Il nous donna des instructions, des recommandations pour la réussite de cette grande opération. Il nous a répartis en 9 groupes pour attaquer les villes de la Mitidja, du littoral et l´Ecole des officiers de Cherchell. Notre Katiba portait le nom du chahid Si Hamdane, de son vrai nom Ben Abderezak Mohamed de Mouzaïa-ville, Si Hamdane et le chahid Si Zoubir (Souleimane Tayeb) de Soumaa, ainsi que le chahid Si Moussa Kellouaz, furent les organisateurs de la grande embuscade de Marceau (Menacer) le 9 janvier 1957, où nous avions abattu des dizaines de soldats français, détruit plusieurs véhicules militaires et récupéré un armement très important: une mitrailleuse 127, une mitrailleuse 30 américaine, 2 fusils mitrailleurs FM 24 et plus de 150 fusils et mitraillettes Mat 49. Le 20 août à 20h La Katiba El Hamdania a été constituée et créée le 9 juillet 1957 à Hayouna, daïra de Cherchell par des moudjahidine de la section du chahid Si Djelloul Ben Miloud de Cherchell, par la section du chahid Si Kaddour de Zéralda, par le Commando Si Zoubir dirigée par notre chef Si Moussa Kellouaz E1 Bourachdi d´Aïn Defla. Une dizaine de moudjahidine armés des deux fusils mitrailleurs FM.BAR et de la mitrailleuse 30 américaine sont restés dans la montagne du Zaccar, il ne fallait nous encombrer - de ces armes lourdes - vu l´éloignement de l´endroit où nous étions et les grandes distances d´une ville à une autre; de Damous (Duplex) à Sidi Amar (Zurich), il y a au moins soixante (60) kilomètres. L´attaque commencera le 20 Août 1957 à la même heure: vingt heures (20h) dans les villes désignées et il fallait être au rassemblement, le lendemain 21 août entre 4 heures et 5 heures du matin, à l´endroit-même où nous étions installés avant notre départ des monts du Zaccar. Je me trouvais dans le groupe qui devait attaquer l´Ecole des officiers de Cherchell, Si Ahmed Kelassi d´Aïn Defla était le chef du groupe, composé en majorité de Cherchellois : Hakan Hamid, Saïdji, Lahbouchi Mohamed, son frère Ahmed. Dès la tombée de la nuit du 19 août, nous avons pris le départ pour être le lendemain, 20 août à l´heure, à côté de l´endroit qu´on devait attaquer, vers 5 heures du matin. On était à un kilomètre de Cherchell, notre agent de liaison, nous avait conduits sous un pont de la route. c´était le frère aîné des Lahbouchi; après nous avoir installés dans cette grande et large buse en béton armé, il est allé se renseigner et nous apporter à manger. Aux environs de 7 heures du matin, des camions militaires français passaient au-dessus de nous pour aller faire des opérations de ratissage; pas très loin de nous, on entendait les tirs des élèves officiers qui faisaient leur instruction, ils étaient tellement proches qu´on entendait leurs voix et cris, nous craignions d´être repérés, il suffisait d´un rien pour être découverts, heureusement, Dieu était avec nous. Vers midi, l´agent de liaison est revenu, il nous apporta à manger, on était heureux parce qu´il y avait bien longtemps que nous n´avions pas mangé de sardines en sauce et du poisson, on s´est régalés malgré le va-et-vient des camions militaires sur le pont, on ne pensait plus à l´ennemi, le poisson était délicieux et on avait très faim. L´agent de liaison, le moudjahed Lahbouchi, est reparti au douar Sidi Yahia avec ses couffins, il nous a donné rendez-vous pour le soir, il devait s´occuper avec d´autres militants du FLN, à la surveillance de notre passage, c´était le mois d´août, il faisait encore jour lorsque nous sommes sortis de notre cachette, il était 7 heures du soir, en file indienne en respectant la distance de 10 à 15 mètres entre l´un et l´autre. Avant d´arriver à l´Ecole des officiers de Cherchell, on devait traverser plusieurs douars de la région, nous avons fait notre possible pour les éviter, pour que les habitants ne nous voient pas. Il n´y avait pas d´autres chemins, on devait passer par le douar Sidi Yahia qui est le dernier avant d´arriver aux hauts quartiers de la ville et à l´Ecole des officiers. Les habitants nous regardaient avec étonnement, nous saluant au passage avec des mots d´encouragement «Allah Yansarkoun Yal moudjahidine», j´avais un fusil Garand américain que je tenais des deux mains, les enfants venaient sur notre passage nous toucher pour savoir si nous étions des êtres humains en chair et en os ou en fer et ils admiraient notre courage. Je ne pouvais plus retenir mes larmes qui coulaient en me disant que nous, les moudjahidine, nous allions attaquer la caserne, nous replier en vitesse et qu'après, c´était la population civile, qui nous avait applaudis au passage, qui payerait de sa vie. L´ennemi se vengerait sur notre peuple. Les civils nous offraient des fruits, du pain, de l´eau etc. J´étais en admiration devant ce courageux peuple, je demandais à mes compagnons d´activer la marche, je n´oublierai jamais le sacrifice, le courage des habitants du douar de Sidi Yahia. «Dieu est avec vous» Arrivés à l´endroit d´où on devait attaquer la caserne, il était 19h 40 minutes, l´un à côté de l´autre, tous armés de fusils Garand, et de Mas 56, nos doigts sur la gâchette, nous savions que tous nos compagnons de la Katiba E1 Hamdania étaient dans la même position que nous devant leur objectif, prêts à attaquer à 20 heures. Lorsque la montre indiqua 20 heures, nous avons commencé à tirer à la même seconde, c´était la panique dans la caserne, on entendait les cris de douleur des soldats surpris par notre attaque. les sirènes hurlaient, c´était le branle-bas de combat pendant quinze à vingt minutes, puis après, nous nous sommes repliés en vitesse en traversant les mêmes douars. A notre passage, les habitants nous applaudissaient, nous disant: Dieu est avec vous, les femmes lançaient des «youyous», les enfants sautaient sur nous pour nous embrasser, le sacrifice de ce grand et généreux peuple algérien est inoubliable. Il nous fallait courir, on entendait derrière nous les tirs des canons et des mitrailleuses. Chaque caserne de la région était en alerte, croyant que nous allions donner l´assaut, alors que nous étions déjà loin, forçant notre marche pour arriver à notre rendez-vous dans les montagnes du Zaccar entre 4 heures et 5 heures du matin. Sans nous reposer, nous étions arrivés au rassemblement à l´heure prévue, tous présents à l´appel, nous étions extenués, nous avons fait notre rapport de l´action, à genoux, épuisés par ce long parcours de Cherchell au Zaccar-Miliana. Au lendemain matin du 21 août, aucun camion militaire n´est sorti des villes ou des casernes, aucun avion n´a survolé la région, l´armée française et ses soldats avaient peur, croyant que nous les attendions à la sortie des villes ou des postes militaires pour leur tendre des embuscades. Le 22 août 1957, tôt le matin, l´aviation survolait les alentours des villes et des postes militaires, avec un grand mouvement de camions et de chars. C´est à ce moment-là que les habitants des douars où nous étions passés ont été arrêtés et torturés: hommes, femmes et même les enfants parce qu´ils n´avaient pas voulu leur donner des renseignements sur nous, l´ennemi savait très bien que nous étions passés par là; malgré la souffrance des tortures, les habitants des douars environnants n´ont pas dit un mot, seulement «nous n´avons rien vu». L´armée coloniale a incendié leurs maisons, leurs biens. la France n´a pas pu faire plier notre héroïque peuple. Mais nous, les moudjahidine, avions beaucoup de peine à voir les douars en feu, notre peuple a payé très cher le prix de la liberté et de l´indépendance, c´est toujours comme ça, nous combattons l´ennemi et c´est toujours la population civile qui paye, qui souffre et subit la vengeance des militaires français. Quant à moi, je reste marqué à jamais par cette grande opération nationale, que sera le 20 Août 1955-1956, nous étions heureux d´avoir contribué à cet évènement important pour notre pays. Le 20 Août 1955 est une date inoubliable en souvenir des événements sanglants de la ville de Skikda dans la Wilaya II; heureux de savoir que tout notre peuple et les combattants de la liberté de toutes les wilayas ont participé à cette grande action générale qui avait uni tous les moudjahidine le 20 Août 1957, marquant également la journée du 1er congrès du FLN-ALN du 20 Août 1956 dans la vallée de la Soummam dans la wilaya III. Gloire à nos chouhada, gloire à notre vaillant et héroïque peuple algérien, par cette action générale sur tout le territoire national. L´ALN a prouvé qu´elle était présente sur tout le territoire national, qu´elle existait, et qu'elle ferait face à l´armée française et à son intox par les services psychologiques (SAS) qui affirmaient qu´il n´y avait pas de combattants algériens dans les maquis, que c'était un mensonge comme tant d´autres, la compagnie El Hamdania a accompli fièrement sa mission du 20 Août 1957. Je dédie au peuple algérien ce récit authentique en témoignage de ma participation à cette grande bataille à laquelle ont participé les valeureux moudjahidine de la Katiba El Hamdania. Je rends un grand hommage aux familles de nos chouhada à l´échelle nationale, je salue fraternellement les parents de mes compagnons d´armes, chouhaha de la région de Cherchell, je leur dirai combien leurs enfants ont été courageux, braves, généreux, valeureux, héroïques pleins d'une foi inébranlable en une Algérie libre et indépendante et que leurs enfants sont morts en faisant don de leur vie, le sacrifice suprême, Allah Akbar et Allah Yarham El Chouhada.