Le Marocain courait derrière ce titre depuis de nombreuses années. Le stade Olympique d'Athènes a vécu mardi soir un moment de légende. Un de ces moments comme seuls savent les produire des événements de la taille et de l'importance des Jeux Olympiques. Les présents pourront dire qu'ils étaient là pour assister à ce qui restera comme l'un des faits majeurs de la 28e Olympiade. Du reste, les organisateurs avaient flairé le bon coup en programmant cette finale du 1500 m messieurs à 23h40, comme pour proposer aux spectateurs la clôture de la soirée en apothéose. Et comme clou du spectacle, le nombreux public et les milliards de téléspectateurs ont eu droit à un finish digne des plus grands films hitchcockiens, un de ces épisodes qui restent longtemps gravés dans la mémoire collective. Le scénario était tout tracé. Il tournait autour de la question de savoir si oui ou non Hichem El Guerrouj était capable de s'emparer de l'or olympique. C'est-à-dire du seul titre qui manquait à son impressionnant palmarès. On disait que le fait d'avoir un de ses compatriotes, en la personne d'Adil Kaouche à ses côtés, pouvait servir ses desseins car l'intéressé était susceptible de lui servir de lièvre dans la perspective de hausser le rythme et gêner la solidarité kenyane qui n'allait pas manquer de se produire entre les trois athlètes de ce pays, qualifiés dans cette finale. Or rien de tout cela ne se produisit. La menace du trio kenyan n'eut jamais eu lieu car au bout de quelques centaines de mètres, il s'avéra que ces derniers couraient en rangs dispersés pour la simple et bonne raison que la cadence trop élevée ne convenait pas du tout à Songkok qui lâcha rapidement prise jusqu'à terminer dernier de la course, puis à Kiptanui, qui tenta de résister mais qui lui aussi dut se résoudre à suivre le rythme. Quant à Kaouche, on ne le vit pratiquement pas. Comme quoi il ne fut d'aucune utilité pour El Guerrouj. Celui-ci avait décidé de prendre seul son destin en main et c'est en champion qu'il se plaça en tête de la course à partir des 800 m. C'était, à peu près le scénario de la finale de Sydney et l'on pensait que le Marocain venait de prendre un risque terrible. Car s'il mena le peloton pendant un long moment, on vit le Kenyan Bernard Lagat lui coller aux basques comme l'avait fait Ngeny, il y a quatre ans en Australie. A l'entrée de la dernière ligne droite, le Kenyan prit sur lui d'attaquer le champion du monde. Sa tentative fut couronnée de succès puisqu'elle lui permit de dépasser El Guerrouj de quelques centimètres. Inutile de dire que pour les observateurs, le Marocain était en train de perdre une nouvelle finale olympique. Et puis il y eut cette réaction que l'on ne retrouve que chez les plus grands champions, cette réaction qui leur permet d'aller au delà de l'effort humain, de puiser au fond d'eux-mêmes pour aller a la recherche de ressources insoupçonnées, bref de trouver un ultime souffle qui les pousse à donner un dernier coup d'accélérateur, juste assez pour dépasser sur le fil leur adversaire. Les derniers 30 mètres ont été à ce titre, un rare moment de suspense, un finish digne de cette discipline qui a donné à l'olympisme quelques uns des plus grands noms de l'histoire du sport. Les spectateurs dans leur majorité ont poussé de la voix le Marocain et contribué à l'encourager à fournir l'effort supplémentaire qui devait le mener à la victoire, la première de sa carrière dans une finale olympique. El Guerrouj n'était plus maudit. En 1996, il avait chuté mais ce n'était pas sûr qu'il gagnerait puisqu'il affrontait un certain Noureddine Morceli encore roi du 1500 m a l'époque. En 2000, donné comme archifavori à Sydney, il avait dû s'incliner face à Ngeny. A Athènes, il était entouré de mystère car il avait, par deux fois, été battu dans des meetings. Victime d'un problème d'allergie, il avait même envisagé le forfait des jeux. «Aujourd'hui je me sens comme un bébé, nous a-t-il dit à l'issue de la finale. Les deux défaites que j'ai subies avant de venir à Athènes m'ont été profitables car elle m'ont permis de me remettre en question et de redoubler d'effort. Ce titre je le voulais et je l'ai conquis. Je suis le plus heureux des hommes». Dans cette finale, notre Boulahfane national n'a pas pesé bien lourd. Le rythme élevé de la course le fit entrer dans le rang et on ne le vit presque pas puisqu'il termina à l'avant-dernière place. Pour lui la finale était déjà une belle récompense. «Je ne sais pas ce qui m'est arrivé. Je me sentais lourd. Je n'arrivais pas à répondre aux accélérations. J'ai complètement raté ma finale» nous a-t-il affirmé. Il pourra, cependant dire qu'il a participé à une finale de légende. La journée de mardi a vu la participation de deux autres Algériens. Le premier, Malik Louahla a pu passer un tour (il avait fini second de sa série) dans le 200 m avant de céder en soirée dans la seconde série du 2e tour en terminant à la 7e place. La seconde était Nahida Touhami, alignée dans le 1500 m, dont le titre olympique appartient à Nouria Benida-Merah qui a déclaré forfait. Engagée dans la seconde série du 1er tour, Touhami termina 8e mais réussit à se qualifier au temps pour les demi-finales qui auront lieu aujourd'hui et dans lesquelles elle participera dans la deuxième. Ce sera, également, ce jeudi qu'auront lieu les demi-finales du 800 m messieurs dans lesquels on espère la participation de Saïd-Guerni. On notera, enfin, qu'en lutte gréco-romaine, le représentant algérien n'a pu passer le premier tour de sa catégorie, celle des 55 kg. Samir Benchenaf s'inclina, en effet, face au Cubain Lazaro Rivas puis à l'Iranien Hassan Rangraz.