Déroute ou choix stratégique ? C'est la question qui se pose après que les taliban ont laissé le terrain libre à l'avancée de l'opposition. En abandonnant sans combat-tre le Nord de l'Afghanistan, les taliban donnent l'impression de vouloir concentrer tous leurs efforts sur la forteresse de Kandahar, fief des «étudiants en théologie» et site inexpugnable du mollah Omar, et sans doute du terroriste présumé Oussama Ben Laden. Certes, les frappes américaines ont notablement affaibli et mis en position défensive des taliban, qui, curieusement, ont refusé le combat. Tant contre les Américains contre lesquels ils ont usé avec parcimonie de leur DCA, que contre l'opposition, à laquelle ils ont abandonné la majorité des provinces du Nord. Si la communauté internationale a applaudi à la «victoire» de l'Alliance du Nord, elle n'a pas manqué pour autant de montrer son inquiétude quant à ce que l'opposition allait faire de son «succès militaire». En fait la coalition redoute singulièrement le scénario catastrophe qui verrait l'intégrisme de l'opposition remplacer celui des taliban. En vérité la confusion subsiste quant à l'évolution future de la situation dans un Afghanistan où la victoire éclair de l'Alliance du Nord avait faussé tous les calculs. Notamment ceux des Américains qui, selon toute apparence, ne tenaient pas à ce que l'une des factions s'impose de manière trop ostentatoire. Aussi, il semble dérisoire d'espérer faire converger les factions vers un accord minimum de gouvernement. C'est toutefois ce à quoi appelle le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour l'Afghanistan, Lakhdar Brahimi, qui a invité, hier, les diverses factions à se réunir le plus rapidement possible pour trouver une solution de consensus pour la formation d'un gouvernement intérimaire représentatif des diverses tendances politiques afghanes. Dans le même temps, Lakhdar Brahimi estime que «sans une sécurité réelle et durable, rien ne sera possible et surtout pas l'établissement d'un nouveau gouvernement» à Kaboul. Dès lors, le problème primordial est de sécuriser le pays en vue de rétablir progressivement l'Etat afghan dans ses prérogatives. D'ores et déjà, la mise sur pied d'une force internationale (Casques bleus de l'ONU) est exclue vu le temps nécessaire à son établissement. Cependant celle-ci demeure le seul recours vu qu'il sera tout aussi ardu de constituer, dans le contexte actuel, une force de sécurité afghane. Ce que relève M.Brahimi qui estime que «l'option préférable était celle d'une force afghane, à la condition ( pour le moment peu probable) qu'elle puisse être établie de manière rapide, robuste et crédible». Face à cet impondérable, le diplomate algérien a assuré qu'il «fallait envisager sérieusement le déploiement d'une force de sécurité internationale» sans précision supplémentaire. Le moment d'euphorie passé, l'Alliance tend à rassurer la communauté internationale en prévoyant même l'organisation d'élections générales d'ici à deux ans. Ainsi, Younes Qanooni chef militaire pour Kaboul de l'Alliance du Nord multiplie les déclarations rassurantes affirmant entre autres que «nous ne sommes pas venus à Kaboul avec l'intention de gouverner le pays. Nous restons fidèles aux accords signés à Rome, et nous avons besoin de ce processus aujourd'hui encore plus que lorsque Kaboul était contrôlé par les taliban» ajoutant: «A l'époque, les taliban étaient le seul obstacle à ce processus. (...) l'obstacle est écarté, j'espère que nous assisterons à la réunion d'un conseil d'unité nationale à Kaboul très bientôt (...).» L'après-taliban demeure gros d'incertitudes d'autant que les «étudiants en théologie» tiennent toujours solidement Kandahar et les provinces du Sud.