Mohamed Betchine a surpris tout le monde en se présentant à l'université d'été du RND. Attendue comme un événement politique de première importance, la conférence de presse, animée, hier à Constantine par Ahmed Ouyahia, confirme la réputation bien établie de l'actuel chef du gouvernement qui ne parle jamais pour ne rien dire. «Ceux qui souhaitent mon départ peuvent attendre», a clairement affirmé Ouyahia, apparemment très sûr de lui et adoptant une attitude sans complexe. Il a même qualifié «ceux qui font beaucoup de bruit en espérant un remaniement ou carrément un changement du gouvernement» de «manipulateurs qui ont senti que leurs intérêts sont menacés». Ainsi, les insistantes rumeurs, qui avaient alimenté les discussions estivales sur un probable remaniement gouvernemental tomberaient à l'eau. Bouteflika, qui a besoin de mener à bien sa réconciliation, doit réussir en parallèle son «redressement» économique. Or, qui peut mieux qu'Ouyahia réussir une gageure pareille? Une fois évacué ce sujet chaud du moment, la fameuse Alliance présidentielle a accaparé le haut du pavé, avec les problèmes et différends qui en minent la cohésion. Ainsi, le secrétaire général du RND ne s'est-il pas trop étalé sur le sujet, prouvant par là que la question demeure pour le moins délicate. Il a fait preuve d'une grande prudence en l'évoquant. Pour lui, «la démarche politique unitaire de l'Alliance tient encore la route». Cela dit, il ne veut pas entendre parler de divergences et encore moins de divisions. Il a reconnu néanmoins qu'il existe des différends entre le RND, le MSP et le FLN. L'exemple de deux articles contenus dans le projet d'amendement du code de la famille, témoigne, selon lui, de cet état de fait, mais, assure-t-il, cela n'entame en rien le principe de l'Alliance en lui-même qui, à l'en croire, est plus que jamais à l'ordre du jour. L'Alliance s'essouffle Interpellé sur la position de son parti par rapport à l'état d'urgence, autre sujet de discorde avec le MSP, le patron du RND reconnaît une différence d'appréciation, mais soutient, d'un autre côté, que cette question n'est pas prioritaire au sein de l'Alliance, basée fondamentalement sur le respect des institutions de la République. Au sujet de la démission du général Mohamed Lamari, Ouyahia a complètement dépolitisé l'événement, en estimant qu'il était normal et logique que l'ancien chef d'état-major de l'ANP aspire à une retraite bien méritée, après que l'armée eut réussi à sauver le pays du chaos et préserver la stabilité des institutions et la pérennité de l'Etat algérien. Abordant la prochaine bipartite, Ouyahia, s'exprimant en sa qualité de chef de l'Exécutif, a assuré que 99% des dossiers ont trouvé leur solution entre les deux partenaires. Les thèmes qui vont faire l'objet de négociations entre le gouvernement et l'Ugta sont relatifs, rappelons-le à la Fonction publique, la retraite et la Sécurité sociale, entre autres sujets. La présence à cette université d'été de syndicalistes, témoigne, selon Ouyahia, de la sérénité du dialogue entre la centrale syndicale et l'Exécutif. De pareils propos confirment ce que nous rapportions la semaine passée. C'est sur intervention express de Bouteflika que l'épineux dossier de la Fonction publique a été mis au rébus en attendant qu'Ouyahia et Sidi Saïd décident, soit d'une démarche consensuelle, soit d'un nouveau report encore, comme cela a déjà été le cas durant une dizaine d'années. «Nous ne voulons pas étouffer la presse» Au sujet de l'entrée en vigueur, dès le 1er septembre prochain, de la décision qui ordonne aux entreprises publiques d'orienter exclusivement leur publicité vers l'Anep, Ouyahia a estimé qu'il était urgent d'équilibrer le marché de la publicité. Selon lui, il n'est plus question qu'«un journal ramasse le gros paquet, alors que d'autres n'en ont rien». Cette décision ne vise pas, selon lui, à briser la presse privée. Il a cité au passage un journal dont Rebrab est l'actionnaire principal, mais sans trop le bousculer. Il a également évoqué le général à la retraite Mohamed Betchine, présent lors de l'ouverture de l'université d'été, qui demeure, selon lui, un des fondateurs du RND. «Depuis qu'il a quitté le RND, Betchine ne s'est jamais interféré dans les affaires internes du parti», a notamment déclaré Ouyahia qui a souligné que la présence de l'ex-conseiller de Zeroual est tout à fait logique. Passant à la question tumultueuse des relations algéro-marocaines, il a précisé que l'instauration du visa aux ressortissants algériens, prise par Rabat, était unilatérale. Ouyahia, qui a salué ce geste, refuse le chantage marocain. «Il faut que le problème du Sahara occidental soit résolu, selon les règles établies par l'ONU», a-t-il souligné. Interrogé sur le combat qui a mis aux prises lors des JO, un Algérien et un Israélien et sur sa signification, il a minimisé l'événement et a assuré que l'Algérie demeure sur ses positions de principe par rapport à la question palestinienne. De Lamari à Betchine, en passant par le Sahara occidental et l'Alliance présidentielle, Ouyahia a fait un grand tour d'horizon sur les questions brûlantes de l'heure, tout en tirant à boulets rouges sur ceux qu'il a qualifiés de «faiseurs d'intox». Il a laissé entendre qu'il n'était pas encore partant, que l'actuel gouvernement a de «beaux jours» devant lui et que l'état d'urgence ne sera pas levé. Il a évoqué aussi le cas des journalistes emprisonnés. Pour le chef du gouvernement, leur détention n'a rien à voir avec la liberté de la presse. Il a ajouté aussi que si les dettes du quotidien Le Matin sont payées, ce journal pourrait reparaître. Tout au long de sa conférence, Ouyahia n'a cessé de rappeler la réconciliation nationale qui, pour lui, est une notion en rapport avec le civisme et l'éducation du citoyen qui doit faire la paix avec lui-même et avec l'Etat. Enfin, évoquant ses propres ambitions, il a lâché: «L'Algérie m'a tout donné. Je dois payer la facture.»