Les positions des milices en Libye «Ceux qui ne participeront pas à ce processus de réconciliation s'excluront de 'la solution politique en Libye''», avertit l'ONU. Le Conseil de sécurité n'a pas réagi à la demande pressante de l'Egypte, soutenue par la France, en vue d'obtenir l'aval pour une nouvelle intervention militaire en Libye, lors de sa réunion extraordinaire, hier. Au contraire, il a implicitement conforté l'option d'un règlement politique, seule solution véritable au chaos qui règne actuellement dans ce pays, écartant du même coup les doléances du ministre des Affaires étrangère égyptien Sameh Choukri qui a rencontré préalablement les ambassadeurs des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, France, Russie, Etats-Unis et Grande-Bretagne), tentant par ailleurs de leur arracher une levée de l'embargo sur les armes au seul profit des autorités libyennes reconnues par la communauté internationale. Ces appels à une intervention militaire coalisée, principalement égyptiens, ont été reçus avec prudence par les grandes puissances occidentales ainsi que par la Russie et la Chine qui plaident pour une solution politique et la formation d'un gouvernement d'union nationale. Les Etats-Unis étaient circonspects bien avant la réunion, ainsi que la Grande-Bretagne tandis que la France et surtout l'Italie s'évertuaient à convaincre leurs partenaires au sein de l'Union européenne de la nécessité d'une réaction militaire à la menace que Daesh fait peser sur leur frontière Sud, à quelque 350 km à peine. Dans ce contexte, la réalité du terrain n'a pas vraiment changé au lendemain des bombardements de l'aviation égyptienne. Tout en participant au dialogue sous l'égide du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Libye, Bernardino Leon, qui convoquera dans les prochains jours une série de réunions dans le but d'aboutir à la formation d'un gouvernement d'unité nationale, les diverses factions ont intensifié les combats pour renforcer leur présence sur le terrain avant de sceller un accord consensuel de nature à rétablir une paix même précaire. «Ceux qui ne participeront pas à ce processus de réconciliation s'excluront de «la solution politique en Libye», est-il indiqué clairement sur le document proposé au dialogue» par l'ONU, façon comme une autre de contraindre les plus récalcitrants et d'écarter les groupes terroristes. Une carte complexe et instable Le bourbier libyen est en effet des plus complexes. Pour bien comprendre cette complexité, il faut situer sur le terrain des opérations les diverses composantes en guerre, tout en gardant à l'esprit que la Libye compte depuis le début de la crise en 2011, avec la chute de Mouamar El Gueddafi, deux gouvernements et deux Parlements opposés, l'un basé à Benghazi et l'autre dans la capitale, Tripoli. A Tripoli, ce sont les milices de «Fajr Libya», proches des Frères musulmans et soutenues par les pays du Golfe, à l'exception du Qatar favorable à l'EI, qui dominent et s'opposent bien évidemment à toute intervention étrangère. Laquelle intervention viserait donc prioritairement les groupes de combattants djihadistes, des cibles difficiles à localiser car constamment mobiles et immergées, la plupart du temps, au sein de populations innocentes, comme on l'a observé en Irak et en Syrie. Ces groupes ralliés à l'Etat islamique ont une implantation réelle dans la région de Syrte, proche de la frontière égyptienne - d'où l'intervention récente de l'aviation du général Al Sissi - mais ils comptent de multiples cellules dormantes dans chaque ville, avec des liaisons directes avec al-Baghdadi, le calife de Daesh. Ces groupes djihadistes occupent principalement les zones «désertiques», notamment dans le sud du pays, où les frontières sont hors contrôle. Le gouvernement reconnu par la communauté internationale est, lui, basé à Tobrouk, avec son propre Parlement, et s'appuie sur «l'armée» du général Haftar pour tenter d'asseoir son autorité et donc sa légitimité sur une région fortement incertaine. Face aux deux gouvernements et à leurs milices, les groupes terroristes, autour et au sein d'«Ansar al Charia», composés d'éléments puissamment armés, luttent, eux aussi, contre ceux du général Haftar qui ne parvient pas, malgré tous ses efforts, à maîtriser la zone théoriquement sous tutelle, à l'est du pays, et principalement autour de Benghazi. Quand on considère la situation d'ensemble et toutes ses ramifications, on comprend que le danger d'une intervention armée est gravissime, dans la mesure où il contribuerait à renforcer certaines milices au détriment d'autres, et cela sans garantir en aucune manière la maîtrise du pays par telle ou telle faction Bien au contraire, il pourrait y avoir une atomisation de «Fajr Libya» dont profiteraient soit Haftar soit «Ansar al charia»,soit les deux en même temps, avec une confrontation dramatique à la clé entre les deux protagonistes. La population servira de bouclier Quant à effectuer des bombardements ciblés, avec le recours à des renseignements précis sur les camps de chaque faction, le choix est hasardeux, du fait même de la capacité des milices à se fondre dans le paysage et à recourir aux populations comme boucliers. Même assortie d'une intervention terrestre, cette option serait aventureuse et entraînerait de terribles conséquences sur les pays de la région, notamment les pays voisins de la Libye que sont la Tunisie et l'Algérie. C'est ce qui explique que la Tunisie ait aussitôt exprimé son adhésion à une solution politique, telle qu'elle est conduite depuis plusieurs mois par l'Algérie en sa qualité de chef de file du Groupe des Etats voisins mis en place sous l'égide de l'Union africaine ainsi que par le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU. Les deux pays voisins de la Libye mesurent le danger et c'est pourquoi ils prônent le dialogue dans le cadre du respect de la souveraineté de la Libye et du renforcement de ses institutions à travers la réconciliation nationale, en s'opposant fermement à toute suggestion d'une intervention militaire. Alger a rappelé au lendemain de l'agression terroriste qui a coûté la vie aux 22 ressortissants égyptiens l'urgence d'une intensification des efforts de la communauté internationale, notamment africaine, pour encourager toutes les parties au dialogue, à l'exclusion des groupes terroristes. Une chose est désormais évidente pour tous les pays, y compris les puissances occidentales: il n'existe qu'une solution et une seule au problème de la Libye, et elle est politique.