Boko Haram a promis d'empêcher la tenue des prochaines élections au Nigeria, prévues en mars et avril, joignant la parole aux actes en multipliant les attaques meurtrières dans le nord-est du pays. Le chef du groupe islamiste armé, Abubakar Shekau, dans une vidéo diffusée sur Twitter mardi soir, a juré de faire échouer le processus électoral en cours, notamment l'élection présidentielle couplée à des législatives et des sénatoriales le 28 mars. «Ces élections n'auront pas lieu, même si nous sommes morts. (...) Allah ne vous le permettra jamais», a déclaré Abubakar Shekau en langue haoussa, parlée majoritairement dans le Nord. Shekau a également revendiqué l'attaque de Gombe (nord-est), capitale de l'Etat du même nom qui, selon des habitants, a été envahie pendant plusieurs heures le 14 février par plusieurs centaines d'islamistes sans rencontrer de réelle résistance militaire. Les assaillants y avaient distribué des tracts mettant en garde contre toute participation aux élections et promettant de cibler les bureaux de vote. Ces menaces précèdent de quelques heures une intervention très attendue hier au Nigeria du chef de la Commission électorale nationale indépendante (Inec), Attahiru Jega, devant le Parlement, pour s'expliquer sur le report des élections. M.Jega a annoncé le renvoi du vote le 7 février, à une semaine de la date initiale de la présidentielle. Il précisait alors avoir ainsi donné suite à une demande de l'Agence nationale de la sécurité (NSA), plus particulièrement de son chef Sambo Dasuki, conseiller du président Goodluck Jonathan. Motif invoqué par la NSA: les forces de défense ne sont pas en mesure de sécuriser le vote en raison de leur mobilisation contre Boko Haram, qui sévit depuis six ans dans le vaste nord-est du pays et y contrôle des pans entiers de territoire. Le report des scrutins a été vivement critiqué dans le pays et à l'étranger, l'opposition nigériane estimant qu'il était motivé en fait par un calcul électoraliste du camp de M.Jonathan, candidat à sa succession. Selon plusieurs analystes, M.Jonathan est en perte de vitesse face à l'ex-général Muhammadu Buhari, candidat du Congrès progressiste (APC), principale formation de l'opposition et le report lui permettrait d'inverser la tendance. Certains observateurs reconnaissent toutefois que l'ajournement du scrutin laisse à l'Inec plus de temps pour distribuer les cartes des 68,8 millions d'électeurs inscrits - sur une population globale de 173 millions d'habitants, un casse-tête logistique. Depuis dix jours, les autorités multiplient les assurances sur leur bonne foi, excluant l'éventualité d'un nouveau report, et se disent optimistes quant à une victoire militaire sur les islamistes, avec l'appui des armées des pays voisins. Le 9 février, Sambo Dasuki assurait que «tous les camps connus de Boko Haram» seraient «balayés» dans le délai de six semaines. Deux jours plus tard, le président Jonathan se voulait également optimiste disant avoir «très bon espoir que dans les semaines à venir, les opérations militaires s'accéléreront» avant la tenue des élections fin mars. «Mais je ne dis pas que nous anéantirons Boko Haram» dans ce délai, avait-il nuancé. Hier, l'armée a affirmé avoir tué plus de 300 combattants de Boko Haram et en avoir capturé une poignée lors d'opérations qui lui ont permis de reprendre lundi la ville-garnison de Monguno, dans l'Etat de Borno, tombée aux mains du groupe islamiste le 25 janvier, ce qui n'était confirmé par aucune source indépendante. Au Nigeria, plusieurs analystes et de nombreux habitants se montrent sceptiques sur les chances réelles d'un succès militaire en six semaines face à un groupe en expansion depuis six ans, bien implanté localement et disposant d'une importante puissance de feu. Depuis 2009, l'insurrection de Boko Haram et sa répression par les forces nigérianes a fait plus de 13.000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria.