Sous forte pression, Attahiru Jega, le président de la Commission électorale nationale indépendante (INEC) a annoncé, samedi soir, le report de six semaines des élections présidentielle et parlementaires prévues le 14 février prochain. La tenue du scrutin présidentiel est fixée au 28 mars et l'élection parlementaire au 11 avril. L'opposition, qui a dénoncé « un recul majeur de la démocratie », s'insurge. Elle estime que le camp du Président sortant cherche à gagner du temps. Des analystes redoutent des violences comme en 2011 où des troubles électoraux ont fait un millier de morts. A l'origine de ce report, une requête des responsables de la sécurité. Ces derniers ont jugé « déraisonnable » de maintenir la date de ce double scrutin alors que les forces armées, censées assurer la sécurité des électeurs, sont engagées dans des opérations militaires contre Boko Haram, un groupe terroriste qui multiplie depuis six ans attaques et enlèvements dans le nord-est du pays. « La commission ne peut pas prendre à la légère les conseils des responsables de la sécurité nationale et appelle les électeurs à exercer leurs droits démocratiques dans une situation où leur sécurité ne peut pas être assurée », a déclaré, après plusieurs rencontres à huis clos avec la classe politique, la société civile et les membres de l'organe électoral, Attahiru Jega, qui a résisté jusqu'à samedi dernier à toutes les demandes de report. Et de préciser : « La commission électorale demeure engagée à organiser des élections libres, transparentes et crédibles. » Samedi dernier à Abuja, des manifestants hostiles au changement du calendrier électoral ont défilé dans les rues avec des pancartes sur lesquelles on peut lire « dites non au report des élections ». Plusieurs organisations de la société civile ont invité l'Inec à « résister à la pression militaire » et à refuser le report du double scrutin. « Les Etats-Unis sont profondément déçus de ce report », a déclaré le secrétaire d'Etat américain, John Kerry. Dans le pays le plus peuplé d'Afrique, la majorité des 68,8 millions d'électeurs craignent que Boko Haram, qui revendique le contrôle de 20 des 27 municipalités de l'Etat de Borno, et de deux dans chacun des Etats de Yobe et Adamawa, ne profite des rassemblements pour commettre des massacres. « Déloger Boko Haram de toutes ces zones en l'espace de six semaines serait un exploit sans précédent », estime Ryan Cummings, le responsable Afrique du cabinet de consultants en sécurité Red24. Est-ce un hasard si sur les 68,8 millions d'inscrits, seuls 46 millions, de l'aveu de Attahiru Jega, ont reçu leurs cartes ? Sur les 14 candidats en lice pour cette présidentielle, deux partent favoris : Goodluck Jonathan, 57 ans, le chef de l'Etat sortant qui se présentera sous les couleurs du Parti démocratique populaire, et l'ex-général Muhammadu Buhari, 72 ans, du Congrès progressiste, la principale formation de l'opposition. Selon les analystes, quel qu'il soit, le vainqueur de l'élection présidentielle aura une faible marge de manœuvre pour combattre la pauvreté et le chômage. Selon les statistiques officielles, plus d'un tiers des Nigérians est sans emploi et la moitié des habitants a moins de 18 ans.