Clint Eastwood sur le plateau du tournage Malgré son succès commercial, une partie de la critique, américaine comprise, n'a pas bien accueilli American Sniper qu'elle taxe d'islamophobe et qu'elle désigne comme un film ambigu. Non, Chris Kyle n'est pas un héros américain d'un type nouveau. Ce n'est pas la première fois qu'Hollywood essaie de laver la conscience américaine en voulant transformer la défaite en victoire. La guerre du Vietnam n'a été que débâcle et déroute pour l'armée de l'Oncle Sam et pourtant le cinéma américain en a fait un épisode des plus fertiles pour l'imagination cinématographique. Les vétérans du Vietnam, comme ils les appellent, y sont montrés comme des durs, des vainqueurs, des héros et lorsque dans le CV de quelqu'un la mention «Vietnam» est indiquée, c'est tout le label de la force, de la ruse, de la persévérance et du combat qui est ainsi mentionné. En réalité, ce que les soldats américains ont fait au pays de Ho Chi Minh n'a pas été héroïque, alors là pas du tout. Tortures, assassinats de masse, incendies de villages, viols etc... en plus que ce fut une guerre non justifiée et, comme toutes les autres guerres, injuste. En mettant en scène la vie de Chris Kyle, Clint Eastwood a voulu être parmi les premiers à chercher ses héros dans l'égout irakien dans le but, certainement, de perpétuer la tradition hollywoodienne du maquillage de la défaite pour en faire une victoire. En Irak, les Américains n'ont pas gagné. Ils se sont couverts de honte en déstabilisant un pays, en déstructurant une société avant de l'envoyer dix siècles en arrière, en violant, en tuant des innocents, en terrorisant, en torturant et même en torturant avec le sourire, téléphone portable à la main pour immortaliser les moments d'Abou Gharib et autres hauts lieux de la décadence de l'homme et des valeurs de l'homme. American Sniper est le titre du dernier film de Clint Eastwood. Un film dans lequel on a du mal à avaler beaucoup de choses. Un homme qui assassine 160 personnes et qui n'a qu'un seul remord, celui de ne pas en avoir tué plus. «Tout ce qui me hante dira-t-il à la fin du film, ce sont les hommes (comprendre les soldats américains, note du chroniqueur) que je n'ai pas pu sauver.» Ceci signifie que ceux qu'il a assassinés ne l'émeuvent pas plus que les mouches. Et il est à parier d'ailleurs que cet individu-là avait tué plus d'êtres humains, des Irakiens, que de mouches. Ce qu'il n'est pas aisé d'avaler non plus dans ce film c'est qu'un tueur de cette nature puisse ressentir des sentiments normaux à l'égard d'une épouse ou d'enfants et qu'il s'inquiète lorsque sa fille, bébé, se met à pleurer. Pire que tout, sa femme qui est étonnée, émue, prête à verser des larmes pour un chien que son mari a voulu frapper alors qu'elle n'a jamais montré d'inquiétude, de passion ou autre sentiment à l'égard des victimes de son monstre d'époux. D'habitude, Clint Eastwood nous avait habitués à beaucoup mieux. Homme d'un grand talent, l'ancien cowboy lancé par Sergio Leone dans les «films spaghettis» des années 1960, s'est aussi révélé, avec son passage de l'autre côté de la caméra, homme de grande intelligence et de coeur. Alors pourquoi a-t-il tenu à faire ce film presqu'inutile? Malgré son succès commercial, une partie de la critique, américaine comprise, n'a pas bien accueilli American Sniper qu'elle taxe d'islamophobe et qu'elle désigne comme un film ambigu. Clint Eastwood aurait-il été myope au point de ne pas voir venir les choses? Ou bien serait-il lui-même islamophobe? Ou bien est-ce l'égarement d'un vieillard en fin de vie au bout de ses 84 ans? Interrogé, le réalisateur a essayé de se défendre en prétendant que «dans le film, il y avait aussi de l'anti-guerre». Un argument qui ne tient pas la route car, durant les 133 minutes que dure le film, il n'a jamais été question d'anti-guerre.