Un nouvel ultimatum qui devait prendre fin hier en soirée, a été lancé par les ravisseurs. La formidable mobilisation internationale pour la libération des deux journalistes français, otages d'un groupe islamiste qui réclame l'annulation de la loi sur le voile en France, n'a pas fléchi hier à travers les multiples appels émanant d'organisations et Etats islamiques, à l'image de l'Iran et du Pakistan, en sus de la quasi totalité des mouvements islamistes que ces dernières adoptent ou pas la violence comme forme d'expression. En effet, même le Djihad islamique palestinien, inscrit sur la liste noir des organisations terroristes par les USA, a condamné la prise d'otages et réclamé la libération des deux journalistes français. Confrontée à un nouvel ultimatum qui devait prendre fin hier en soirée, la France confirme l'image positive dans le monde arabe qu'elle cultive depuis des années. Cela ne semble pas, jusqu'à hier en tout cas, jouer en sa faveur dans cette affaire. Mais à quelque chose malheur est bon, il est clair que ce pays jouit d'une grande estime au sein de la communauté arabe qui a rarement fait preuve d'autant de sollicitude à l'endroit d'une nation occidentale. Et pour preuve, les rapts dont ont été victimes des journalistes américains et italiens n'ont pas suscité l'élan de solidarité constaté ces derniers jours autour de leurs confrères Français. Le président Jacques Chirac lui-même a renouvelé à Sotchi (Russie) son appel à la libération des deux otages, lancé une première fois dimanche, lors d'un point de presse mardi, à l'issue d'entretiens avec le président russe Vladimir Poutine et le chancelier allemand Gerhard Schroeder. Sur le terrain, l'on a au moins la certitude que les deux otages sont toujours en vie, mais l'inquiétude quant à une évolution dramatique est de mise. En effet, dans une nouvelle vidéo diffusée lundi soir par la chaîne satellitaire Al-Jazira, Georges Malbrunot et Christian Chesnot ont affirmé que «leur vie était en danger». Ils ont lancé un appel solennel à leurs compatriotes pour une manifestation contre la fameuse loi qui est censée entrer en vigueur demain. Ce texte législatif qui a suscité des débats houleux en France traite, rappelons-le, de l'interdiction des signes religieux, notamment le foulard islamique dans les écoles publiques. Le gouvernement français demeure très concentré sur cette affaire et le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a présidé hier une réunion de crise avec les principaux ministres concernés. Le report de 24 heures du délai, fixé par l'ultimatum, constitue un motif d'espoir quant à une issue heureuse de cette prise d'otages. Un état de fait qui a amené le ministre français des Affaires étrangères à multiplier ses escales arabes aux fins de parvenir à lier un contact avec les ravisseurs. Il était hier à Amman. M.Barnier s'est entretenu avec son homologue jordanien, qui a annoncé que son pays, dont huit ressortissants pris en otages ont été libérés en juillet et août, avait pris des contacts en Irak. Un autre motif d'espoir en somme. Le secrétaire général du ministère français des Affaires étrangères, Hubert Colin de Verdière, était hier à Bagdad, où il a eu à rencontrer des personnalités susceptibles d'aider à trouver une solution au problème des otages. A cet immense déploiement diplomatique, la France, sensible à l'engagement de la communauté musulmane du pays, a dépêché son ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, hier après-midi, à la mosquée de Paris. Répondant à l'invitation de Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris, le ministre a salué l'unanimité des musulmans de France quant à la dénonciation de la prise d'otages. Le même ministre avait reçu dimanche les représentants des musulmans de France, qui avaient unanimement condamné la prise d'otages des deux journalistes. Alors que 160 députés européens ont signé hier une pétition lancée par l'eurodéputé socialiste néerlandais, Thijs Berman, pour demander la libération immédiate des deux journalistes, la presse européenne y va de ses analyses qui ne vont pas toutes dans le même sens. Ainsi,le journal espagnole El Pais estime, dans son édition d'hier, que l'opposition de la France à la guerre en Irak ne l'a pas préservé du terrorisme islamiste, dont «nous sommes tous otages». Le journal conservateur, ABC, établit un parallèle avec les attentats contre deux avions en Russie, également opposée à la guerre en Irak: «Penser que le prisme avec lequel on voit les faits peut épargner d'avoir à en supporter les conséquences est une illusion»., selon ABC. Le quotidien conservateur, La Razon, compare la situation française avec celle de l'Espagne, frappée le 11 mars par des islamistes. «Ce n'est pas par hasard que l'intégrisme islamiste s'attaque à la sacro-sainte laïcité (de la France) et démontre que s'opposer à la guerre n'est absolument pas un sauf-conduit», selon La Vanguardia qui à l'image des autres journaux, s'abstient de commenter sur le fond la loi contre le port de signes religieux ostentatoires. La presse anglaise, dont le pays est engagé auprès des américains en Irak, a fait l'impasse sur cette affaire, à l'exception du quotidien The Independent qui consacre sa Une à l'événement. Il qualifie le kidnapping des deux journalistes d'«exemple de cynisme et d'opportunisme». «Il est en tout cas absurde d'affirmer, comme l'a fait le Premier ministre irakien dans Le Monde lundi, que la France paie ainsi le prix de son refus lâche de s'attaquer à l'extrémisme islamique», souligne The Independent. Déclaration jugée d'ailleurs inacceptable par Paris.