Les dernières découvertes incitent à un optimise prudent «Le spectacle du monde ressemble à celui des Jeux olympiques: les uns y tiennent boutique; d'autres paient de leur personne; d'autres se contentent de regarder.» Pythagore Rituellement et épisodiquement on utilise le 24 Février pour «revivre» la dimension historique du 24 Février qui fut à l'époque et à bien des égards une seconde indépendance. Cependant, cette symbolique s'est refroidie en rites car dans un contexte international de plus en plus erratique, nous sommes restés avec un logiciel qui n'a plus cours. Du fait que nous sommes toujours tributaires de l'étranger pour notre survie. En effet, les tensions internationales, la spéculation financière et la politique immorale des rentiers du Golfe font que le prix du brut a connu une chute drastique, exactement l'inverse de ce qui s'est passé le 24 février 2012 où il atteignait 125 $. De plus, l'avènement des gaz de schiste est une nouvelle donne qui permettrait dit-on - AIE dixit - aux Etats-Unis de redevenir le premier producteur de pétrole. Depuis 1971, nous avons extrait du sous-sol environ 2 milliards de tep, qui ont été responsables à des degrés divers d'une pollution de 5 milliards de tonnes de CO2 qui stationneront dans l'atmosphère encore pendant 120 ans. Si on continue à ce rythme de production débridée de 1,5 million de barils/jour, malgré les découvertes importantes de Sonatrach en pétrole et gaz conventionnels rien ne pourra étancher cette ébriété énergétique, même pas le gaz de schiste qui viendrait à maturité- si toutes les précautions sont prises- vers 2025 Pour l'histoire, de 1965 à 1978, l'Algérie a engrangé 22,5 milliards de dollars. Il y eut la création d'une trentaine d'entreprises d'envergure internationale dont la Sonatrach, la Sonelgaz et la Snvi. De 1979 à 1991, c'est à près de 125 milliards de dollars de rente. Cette époque est marquée par le programme antipénurie; l'importation massive de biens de consommation donnait à l'Algérien l'illusion qu'il était «arrivé» et qu'il appartenait à un pays développé. Tragique erreur que la chute des prix du pétrole de 1986 est venue brutalement nous rappeler et le début de la démolition des pans entiers de l'industrie. De 1999 à 2014, c'est près de 700 milliards de dollars. Au total, c'est près de 900 milliards de dollars en 53 ans; qu'avons-nous fait si ce n'est d'avoir investi dans le social sans réelle création de richesse à même de diminuer notre dépendance. L ́essentiel de l ́industrie pétrolière en aval actuelle date de cette époque. Nous sommes bien contents d ́avoir reçu en héritage, une capacité de raffinage de 22 millions de tonnes des complexes de pétrochimie. Car depuis, nous n'avons pas continué l'effort dans l'aval mais dans l'amont. Nous ne prenons pas assez en compte des leçons de l'Histoire. La crise de 1986 créée par l'Arabie saoudite qui a amené le pétrole à moins de 10 $/baril a été renouvelée à partir de juin 2014 quand la même Arabie saoudite, écrasant l'Opep décide avec les rentiers du Golfe de noyer le marché. Résultat des courses: le pétrole peine à dépasser les 60 dollars après une chute de plus de 50 dollars depuis juin 2014. Nous sommes dépendants pour notre nourriture à 80% de l'étranger. Nos dépenses ont été multipliées par quatre, record de 55 milliards de $ dont 7 milliards de dollars pour les voitures. La situation actuelle: optimisme mesuré Sur la base des réserves actuelles et au vu de la consommation et des velléités d'exportation nous nous dirigeons inexorablement vers un tarissement des réserves conventionnelles. Certes, les dernières découvertes incitent à un optimise prudent. Au risque de me répéter, il est anormal qu'une politique vigoureuse d'exploitation d'un immense territoire de près de 2, 4 millions de km2 ne fasse pas l'objet d'une prospection intensive. A titre d'exemple, la densité de forage aux Etats-Unis est cent fois plus importantes que celle de l'Algérie. Notre pays n'a pas dit son dernier mot! On peut alors se poser la question pourquoi donner l'illusion que c'est le gaz de schiste qui va sauver l'Algérie? En clair, qui nous permettra de continuer à vivre sur la rente! C'est un très mauvais signal que l'on donne à tout le monde. D'abord, à ceux qui pourraient croire d'une façon paresseuse que la rente est éternelle et qu'ils pourront continuer à gaspiller sans aucune création de richesse puisque le gaz de schiste veille sur leur sommeil. Ensuite, aux habitants de In Salah, qui craignent à raison une exploitation immédiate avec une technologie non mâture qui dévaste l'environnement. Comment expliquer simplement les choses? Il y a de mon point de vue un déficit de communication dès le départ. Nous devons sans tarder rétablir la confiance; les habitants de In Salah comprennent ce que c'est le gaz de schiste, il y a des compétences mais ils sont inquiets. Peut-être une bonne nouvelle, il semble qu'il existe une technique qui remplacerait la fracturation avec l'eau et les gaz de schiste. En effet, cette nouvelle technique d'extraction exothermique non hydraulique n'utiliserait ni eau, ni solvant, ni acide, ni explosif. Cette nouvelle technologie, d'abord développée en Chine, a ensuite été reprise au Texas. N'utilisant que des composants inertes et non caustiques, aucun risque de toxicité n'est à prévoir avec cette nouvelle méthode. Comment cela est-il possible? Grâce à une fracturation pneumatique au lieu d'une fracturation hydraulique. Ce serait en effet des gaz chauds que l'on utiliserait pour perforer la roche à la place de liquide. En particulier l'hélium, qui a l'étonnante capacité de multiplier son volume par 700 lorsqu'il passe de l'état liquide à l'état gazeux! Toute l'intelligence serait d'expliquer simplement et calmement les enjeux en posant la problématique du futur dans le cadre plus large qui est celui de l'existence ou de la disparition de l'Algérie dans les prochaines décennies car c'est de cela qu'il s'agit. Voulons-nous être une zone grise ouverte à tout vent ou voulons-nous avoir l'ambition de garder notre rang, rente ou pas, et à ce titre ce n'est pas le gaz de schiste qui nous sauvera! Seul un projet de société consensuelle le fera car la vraie question qui se pose est qu'est-ce qu'être algérien en 2015? Devons-nous nous identifier à notre tribu, notre «aççabya» au sens d'Ibn Khaldoun dans le monde du Web 3.0 où le monde est un village! Devons-nous nous identifier à notre région? Ou devons-nous prôner et marteler que nous sommes tous algériens et ce qui doit nous différentier c'est notre valeur ajoutée, ce que nous apportons à ce pays en termes de savoir et de savoir-faire. Car de mon point de vue, cette affaire du gaz de schiste est une mauvaise querelle que l'on fait avant tout à l'Algérie. De mon point de vue, il est absolument nécessaire d'expliquer où nous voulons aller. L'Algérie de 2030 c'est-à-dire demain qu'est-ce que c'est? un tube digestif qui brûle les dernières gouttes de pétrole ou de gaz avant de retourner à l'âge préhistorique si on ne se prépare pas! Un proverbe arabe saoudien illustre de façon tragique la condition des Arabes: «Mon père chevauchait un chameau, moi je roule en cadillac, mon fils vole en jet, son fils chevauchera un chameau.» Il y a à n'en point douter une fatalité contre laquelle nous devons nous battre. Nous devons nous interroger si les gaz de schiste -ainsi présentés- sont un nouveau miracle pour l'Algérie ou est-ce une malédiction de plus qui renvoie aux calendes grecques la mise en ordre de ce pays. Je n'ai rien contre l'exploitation des gaz de schiste qui doivent être bien encadrés, c'est une réserve stratégique qui ne doit être exploitée que si les conditions techniques ne soient pas aussi désastreuses qu'elles ne le sont actuellement. Dans tous les cas, j'en appelle à un débat national dans le cadre d'une transition énergétique inéluctable que nous subirons si nous ne prenons pas l'initiative de le faire. Un 24 Février du futur indexé sur la sobriété énergétique et la formation des hommes. Actuellement nous épuisons frénétiquement l'énergie, croyant être malins alors qu'il serait plus sage de n'exploiter que le strict nécessaire, sachant que notre meilleure banque est notre sous-sol. Par ailleurs, on achète n'importe quoi. On achète des équipements électroménagers qui sont des gouffres d'énergie électrique (four, frigidaire). Des voitures qui dépassent toutes 150 g de CO2 par km. Chose qui est interdite en Europe. Parce que la norme en Europe est de 120 g. Donc c'est 30% d'énergie qui va dans l'atmosphère. A ce rythme de gaspillage frénétique de nos ressources, l'Algérie a épuisé sans discernement ses ressources, véritables défenses immunitaires. Ce sera, à Dieu ne plaise, le chaos. Nous sommes en 2030. La population sera de 55 millions de personnes. Pour la consommation interne en supposant un modeste développement qui nous fera passer de 1 tonne de pétrole consommée par habitant et par an à seulement 2 tonnes, c'est 110 millions de tonnes à mobiliser. Nous les aurons de moins en moins, ce qui va se ressentir d'une façon drastique sur notre rente car étant mono-exportateur, il nous faudra chercher d'autres sources de production de richesse pour entretenir le fonctionnement du pays avec au moins 15 milliards de dollars pour la facture alimentaire. Imaginons que nous sommes en 2030. A ce rythme de gaspillage frénétique de nos ressources, l'Algérie a épuisé sans discernement ses ressources, véritables défenses immunitaires. Ce sera le chaos, nous ferons partie de ce qu'on appelle les zones grises, comme la Somalie actuelle. Imaginons par contre, un gouvernement fasciné par l ́avenir, la première chose à faire c ́est de miser sur l ́intelligence et le savoir. Chacun sait par exemple, que le modèle énergétique algérien prenant en compte les profondes mutations du marché énergétique mondial dans un contexte d ́évaporation, est à inventer. En fait, rien ne peut remplacer un effort national pour la définition d ́un modèle énergétique qui part de l ́identification de l ́ensemble des gisements de ressources qui ne peuvent être seulement matérielles (fossiles et renouvelables), la société civile qui devra être convaincue de la nécessité de changer de cap: passer de l'ébriété énergétique à la sobriété énergétique. Le maître mot en tout, est l'autonomie, la production nationale qu'il faut encourager. Nos gisements sont sur le déclin. La stratégie à mettre en oeuvre consistera justement à un triple objectif: assurer une relève graduelle par les énergies renouvelables, modérer et dimensionner notre production en fonction des stricts besoins de l'Algérie. Faire la chasse au gaspillage qui représente un gisement perdu d'au moins 20%, selon l'Aprue. Le meilleur gisement d'électricité dans le pays, c'est l'électricité que l'on ne consomme pas, c'est l'essence que l'on ne consomme pas. Une évidence: tout revient en définitive à la formation des hommes. L'éducation se porte mal et les grèves n'arrangent rien. Il est d'ailleurs incompréhensible que les syndicats ne s'intéressent pas de façon assidue à l'acte pédagogique, le dernier rapport sévère de l'Unesco est un avertissement et doit nous interpeller. De ce fait, être contre une charte des droits et devoirs des acteurs de la communauté de l'éducation est incompréhensible. La compétence est individuelle et l'avancement devrait avoir lieu principalement au mérite. S'agissant du supérieur, au vu des défis qui nous attendent, une bonne partie des enseignements du supérieur devraient être revus, notamment dans les disciplines technologiques pour prendre en charge les nouveaux défis. Comment par exemple contribuer à construire ses propres centrales solaires éoliennes, ses propres digesteurs de biomasse? En un mot, comment mettre en place la machine de la création de richesse? Une réponse possible: le recours d'une façon massive à l'université, à la richesse dans le cadre de mémoires d'ingénieur, de thèses de magistère ou de doctorat pour créer graduellement un savoir et une expertise pour aboutir à construire soi-même sa propre centrale. Imiter les Chinois et les Indiens qui ont mis en place leur propre technologie. La mise en place d'une base technologique qui mise sur l'université, sera à n'en point douter, le creuset des «start-up» notamment dans le domaine de l'énergie, permettrait de donner une perspective aux milliers de diplômés. Le modèle énergétique qui fera préalablement l'inventaire de notre potentiel énergétique proposera des applications visant à substituer le «tout-gaz naturel ou tout-pétrole» par ce «fameux bouquet énergétique». Nul doute que ce seront des milliers d'emplois qui permettront de mettre en musique ce plan Marshall pour une transition énergétique pour les vingt prochaines années. l'université a un rôle majeur dans la formation des ingénieurs, des techniciens capables de prendre en charge cette utopie à notre portée. J'ambitionne pour mon pays un nouveau 24 Février de l'intelligence d'une transition énergétique pour le XXIe siècle avec les outils des nouvelles technologies. Rien ne doit alors, s'opposer à une remobilisation de l'université qui doit faire preuve d'imagination, qui doit former des créateurs de richesse. Parmi les grands défis du pays, ceux de l'énergie, de l'eau, de l'environnement et de l'autosuffisance alimentaire devraient être des axes structurants de notre recherche. Le secret de la gouvernance est justement de mobiliser le plus grand nombre autour d'une utopie seule capable de sauver l'Algérie quand la rente ne sera plus là. En fait, il faut passer de la situation où personne ne se sent concerné à une situation où tout le monde, à des degrés divers, se sent concerné. Faire la chasse au gaspillage qui représente un gisement perdu d'au moins 20%. Le développement durable est avant tout une rupture avec le gaspillage tous azimuts des denrées alimentaires notamment du pain, de l'énergie, de l'eau. De ce fait, il y a lieu de substituer au régime de subvention actuel un système de compensations ciblées et directes au profit des couches les plus défavorisées de la société afin de restaurer l'esprit de justice sociale et de mettre fin à la contrebande existant dans le commerce des carburants. Un système éducatif en phase avec le développement La mise en place d'un plan Marshall pour les énergies renouvelables doit se faire et chaque calorie épargnée par substitution aux énergies fossiles et des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, biomasse, déchets ménagers..) soit par exemple, que l'énergie solaire à potentiel thermique est estimée à 40.000 milliards m3 de gaz/an, soit l'équivalent de 10 fois le champ de Hassi R'mel. De par le monde, l'énergie solaire est compétitive avec le gaz naturel. Il nous faut nous adosser à des locomotives capables de nous faire gagner du temps et de l'argent, la Chine, l'Allemagne sont toutes indiquées. A titre d'exemple, les Chinois, qui participent à la construction d'un million de logements, peuvent intégrer l'installation des chauffe-eau solaires. En moyenne, un appartement dépense près d'une demi-tonne de pétrole pour le chauffage, soit pour les deux millions de logements construits, l'équivalent d'un million de tonnes qui peuvent être épargnés, soit l'équivalent de 700 millions de dollars! Par ailleurs, faisons du Sahara une seconde Californie, pour conjurer les changements climatiques et diminuer la dépendance alimentaire, l'Algérie fertilisera une bande de 6 millions d'hectares, en 10 à 15 ans. Grâce à ces 6 millions d'hectares, l'eau des nappes phréatiques, et une agriculture, l'Algérie pourra créer des industries performantes, exportatrices à travers le monde entier et créatrices de millions d'emplois. Nous aurons ainsi gagné la bataille du développement. Le maître mot en tout est l'autonomie, la production nationale qu'il faut encourager par la création de nos outils. La meilleure énergie est celle que l'on ne gaspille pas, dit-on. On devrait ajouter que pour le pays, la meilleure énergie c'est sa jeunesse qui devra être partie prenante de son avenir.