Plus de 60 morts ont été enregistrés hier dans différents attentats et explosions dans la capitale et à Baâqouba. L'Irak a vécu hier une nouvelle journée infernale durant laquelle la sang a, à nouveau, coulé à flots. A Bagdad, une voiture piégée a explosé devant un commissariat de police et face à un marché occasionnant une véritable hécatombe avec une cinquantaine de tués et 120 blessés. Ce même jour, à Baâqouba un bus de la police a été attaqué par des inconnus tuant douze policiers. Après les journées sanglantes de dimanche et de lundi, la tuerie s'est poursuivie hier par des attentats et attaques particulièrement meurtriers. L'attentat d'hier à Bagdad s'est produit à la rue Haïfa en plein centre de la capitale à l'entrée du complexe Al-Karkh de la police et mitoyen d'un marché, d'où l'importance des pertes en vies humaines. Selon des témoins, l'attentat a eu lieu aux environs de 10 heures locales (6 h00 GMT) directement à l'entrée du complexe de la police, la déflagration occasionnant un immense cratère dans la rue Haïfa, ce qui indique la puissance de l'explosion. Le dernier bilan rendu public hier par les services hospitaliers et le ministère de l'Intérieur indiquait qu'il y avait 47 morts et 114 blessés, sous réserve de personnes qui se trouveraient encore ensevelies sous les décombres. Les mêmes témoins affirment que des lambeaux de chair jonchaient la rue. «Tous les corps sont méconnaissables» indique l'un de ces témoins alors qu'une femme accablée déclare: «A chaque fois que je ramasse un bout de chair, j'ai le sentiment de récupérer le corps de mon fils». «Nous sommes venus tous ensemble pour passer l'examen d'entrée dans la police» indique pour sa part un jeune encore sous le coup de l'émotion. Ce même quartier, considéré naguère comme l'un des bastions des partisans de Saddam Hussein, a vu de violents affrontements dimanche entre la guérilla et les forces américaines laissant sur le terrain 13 miliciens tués lors de ces combats. De fait, les affrontements entre la guérilla irakienne et les forces américaines se sont traduits par plus de cinquante morts à Bagdad dans les journées de dimanche et de lundi. Cet attentat meurtrier a été revendiqué hier dans un communiqué publié sur Internet par une branche militaire se réclamant du groupe Tawhid wal Jihad du Jordanien Abou Moussab Al-Zarqaoui dans lequel il affirme: «Avec la volonté de Dieu, un des lions de la Brigade des Martyrs a réussi à frapper un centre de recrutement du corps de la police mécréant», indique le communiqué dont l'authenticité n'a pu être vérifiée. «La branche militaire de Tawhid wal Jihad revendique l'opération contre le centre de recrutement à Al-Karkh, rue Haïfa», ajoute le texte qui précise que l'attentat avait été perpétré par un seul kamikaze sur lequel il ne donne cependant aucune indication. De fait, le carnage d'hier en plein coeur de la capitale irakienne dément l'optimisme dont font montre, contre toute réalité, les dirigeants intérimaires irakiens qui proclament, comme l'a fait hier le président intérimaire Ghazi Al-Yaouar, en visite en Pologne, que la situation s'améliore et est en voie d'être sous contrôle, que l'Irak est en train de «construire» la démocratie. Or, lors des trois derniers jours, alors que M. Al-Yaouar poursuit son périple européen entamé samedi dernier, près de 200 Irakiens ont succombé par la violence, indiquant a contrario que le gouvernement provisoire irakien est loin de maîtriser et de contrôler le pays comme ses membres tentent de le faire croire à l'étranger. Alors que le quartier Al-Karkh à Bagdad vivait l'enfer hier, dans la même journée, mais à Baâqouba, (au nord de la capitale) un groupe de guérilleros a tendu une embuscade à un bus de transport de la police. Douze policiers ont été tués lors de cette attaque alors qu'un civil a été victime d'une balle perdue. L'attaque contre les policiers à Baâqouba a été revendiquée hier par le même groupe Tawhid wal Jihad qui a revendiqué l'attentat de Bagdad. Un site Internet a publié un communiqué attribué à ce groupe dans lequel celui-ci indique «Des héros de Tawhid wal Jihad, frappant d'une main de fer tous ceux qui osent trahir la religion et l'honneur, ont attaqué à Baâqouba une voiture transportant plus de dix membres de la police inféodée, les tuant» Toutefois, l'authenticité de ce message n'a pu non plus être établie hier. Baâqouba a été le théâtre, dans la nuit de lundi à mardi, d'une série d'attaques et d'attentats qui ont occasionné une dizaine de blessés dont trois officiers de la Garde nationale. Ce même jour, un soldat américain a été tué à Mossoul dans le nord de l'Irak, cinq autres ayant été blessés. Dans le registre de la violence qui déferle sur l'Irak, notons le sabotage hier de l'oléoduc du Nord une nouvelle fois objet d'attentat par des inconnus armés. Cet oléoduc qui relie les champs pétroliers du nord de l'Irak au port pétrolier turc de Ceyhan, plusieurs fois la cible de précédents sabotages, est ainsi de nouveau immobilisé une semaine après sa reprise de service. C'est dire que l'insurrection, autant contre les forces d'occupation américaines que contre le gouvernement intérimaire et les collaborateurs irakiens des Américains, semble se généraliser, d'où les pertes de plus en plus lourdes en vies humaines dont le peuple irakien en est la première victime.