Les Algériens ont l'impression qu'on veut leur dire quelque chose. Les déclarations relatives à la nouvelle Constitution se font de plus en plus nombreuses. Elles sont aussi de plus en plus contradictoires. On sent un patinage quelque part. Une sorte d'hésitation. Comme si quelque chose voulait avancer mais que quelque chose d'autre la retient. Les déclarations et les déclarations contraires entre les présidents de l'Assemblée populaire nationale et du Sénat sont connues. Lorsque l'un disait: «La nouvelle Constitution programmée pour cette session» l'autre se dépêchait de démentir en affirmant, tout aussi haut, qu' «à l'ordre du jour ne figure pas la révision de la Constitution». Lorsque l'un dit que c'est pour bientôt, l'autre dit que l'on va devoir attendre. Lorsqu'un l'un dit avoir reçu une mouture de la Constitution dans sa nouvelle forme, l'autre dit n'avoir rien sur la table. A cela, il faut ajouter le grain de sel de Saâdani qui, en tant que chef du plus lourd parti, veut, lui aussi, prendre part au jeu des déclarations à propos de cette révision de la Constitution. C'est ainsi que, jeudi dernier, le SG du FLN a affirmé à un confrère que la révision devra certainement être décalée afin de «permettre à l'opposition de prendre part aux consultations», propos que dément aussitôt Bensalah, de Médéa en affirmant que la révision de la Loi fondamentale se fera dans les tout prochains jours. Qui croire? Qui croire lorsque les deuxième et troisième personnages se contredisent de la sorte et lorsque le responsable du premier parti les suit dans ce jeu incroyable? Bensalah qui est aussi SG du RND ne s'est pas privé en tout cas de lancer une véritable pique à l'encontre des deux autres lorsqu'il a déclaré devant les cadres du RND réunis à Médéa ce samedi que les déclarations de Saâdani et d'Ould Khelifa sont «non fondées». Le président du Sénat a-t-il quelques avantages par rapport aux deux autres dans cette course aux déclarations qui semblent prendre une autre tournure? En connaît-il un peu plus ou bien est-ce de la simple gesticulation politicienne? S'agit-il pour chacun de faire de la représentation d'une partie bien définie là-haut ou bien s'agit-il simplement de lectures erronées d'individus perdus dans les sillages d'un système qui devient de plus en plus compliqué? Les analystes n'hésitent pas à émettre des hypothèses, tant la situation est anormale. En dépit de toutes les considérations et quel que soit son contenu, la nouvelle Constitution devra marquer le passage entre deux ères, entre deux générations, entre deux modes de perceptions parfois semblables mais, le plus souvent, différents. La nouvelle Constitution arrive en effet à un moment où la génération de ceux qui ont fait la guerre n'a plus l'âge ni les capacités de gouverner. Elle arrive à un moment où, malgré les cris de tout le monde, l'argent s'est forcé un passage dans les couloirs de la politique comme jamais auparavant. Elle arrive au moment où l'Algérien se doit d'apprendre à compter sur ses bras plus que sur son pétrole, sur sa tête plus que sur ses vannes. Comment lire cette difficulté à mettre la nouvelle mouture sur la table? Est-ce parce que Bouteflika tient à avoir une Constitution consensuelle qu'il en retarde la discussion avec l'espoir de voir se joindre l'opposition aux débats? Est-ce un retard forcé qui n'a rien à voir avec l'opposition, du moment que celle-ci a refusé de prendre langue avec le pouvoir en place qu'elle ne reconnaît même pas? Difficile de dire, sauf que cela ressemble à s'y méprendre aux jeux de coulisses qui ne sont pas rares chez nous. D'aucuns avancent que le poste de vice-président pourrait être à l'origine de ce retard. Cela ne doit pas être une affaire de prérogatives mais une affaire de personnes et, dans ce cas, la nouvelle version serait déjà prête. Si tel est le cas, pourquoi Saâdani et Bensalah ont-ils violemment attaqué l'opposition dans leur dernière sortie. Simple diversion? Les Algériens ont l'impression qu'on veut leur dire quelque chose. Que Saâdani veut dire quelque chose, que Bensalah veut dire autre chose et que Ould Khelifa veut, de son côté, dire une autre chose. Mais qui veut dire quoi finalement?