On ne peut que savourer le flou artistique qui accompagne cette vague de supputations et de «pressions émanant de certains milieux politiques qui veulent imposer leurs idées». Ce furent les partis de l'Alliance présidentielle pendant de nombreuses années. Désormais, c'est chacun pour soi et Dieu reconnaîtra les siens. Après les sorties fracassantes de Saâdani qui ont pour seul mérite de susciter moult réactions au sein et en dehors des médias, voilà que le secrétaire général du RND lui emboîte le pas, histoire de ne pas se laisser distancer. C'est ainsi que Abdelkader Bensalah, a évoqué, hier, à Médéa, la possibilité d'un examen par le Parlement de la mouture finale du projet de révision de la Constitution, en perspective d'un approfondissement et d'un enrichissement des nouveaux amendements introduits dans la Loi fondamentale du pays. Sortie d'autant plus intéressante qu'elle répond du tac au tac à la toute récente révélation de Saâdani qui déclarait, voici deux jours à peine, que la révision serait reportée sine die, pour diverses raisons dont le souci présidentiel d'attendre patiemment les remarques de l'opposition. «Des indices en notre possession plaident en faveur de la soumission de la mouture de la nouvelle loi fondamentale du pays au débat devant le Parlement», a-t-il doctement énoncé, avant d'ajouter que «si cette option venait à être retenue, cela conforterait la volonté des hautes autorités du pays à associer l'ensemble des partenaires politiques dans l'élaboration de cette Constitution.» Des indices en sa possession... Et qui ne seraient donc pas en la possession ni de Saâdani ni d'aucun autre parti proche du cercle présidentiel. Tandis que le président de l'APN affirme détenir une copie de la mouture, celui du Conseil constitutionnel rétorque qu'il n'a pour l'instant reçu aucune. Explication plausible: Larbi Ould Khelifa a reçu un brouillon tandis que Medelci n'a effectivement pas reçu le document parachevé pour la constitutionnalité duquel son instance sera appelée à se prononcer. On ne peut que savourer le flou artistique qui accompagne cette vague de supputations et de «pressions émanant de certains milieux politiques qui veulent imposer leurs idées», vague qui agite les partis apparemment en ordre de bataille mais selon une stratégie où la dispersion et la contradiction sont les armes les plus redoutables. Au point que l'on se découvre perplexe face à une cacophonie qui fait désordre dans la maison des partis de la «majorité présidentielle». FLN et RND sont à hue et à dia, Louisa Hanoune est tantôt avec et tantôt contre et le FFS s'évertue à convaincre du bien-fondé de sa démarche consensuelle qui obtient un jour l'adhésion et le lendemain le retrait conditionnel. Face à tous ceux-là, les partis et les personnalités de la Cnltd tentent de se frayer un chemin dans un champ miné où chaque pas est une gageure. Originalité de la sortie de Bensalah, le désir pressant de faire savoir haut et fort qu' «aucune formation politique n'a été destinataire d'une quelconque copie relative à ce projet», suivez son regard. Etait-ce tellement important de le souligner, et de cette façon? Sans doute, car les sorties cavalières de Saâdani finissent toujours par agacer les dormeurs du val. Et le SG du RND est doublement agacé par cette manière de faire, qui met en doute son entrisme au palais et son poids futur dans la composante gouvernementale, revendiquée au seul grand bénéfice du parti majoritaire. Que reste-t-il, dés lors, de l'Alliance mue en forces autonomes, puis désormais concurrentes, de la majorité? Apparemment, pas grand chose puisque les épées sont sorties des fourreaux et que la suspicion, voire même l'antipathie, semblent peser de plus en plus sur les relations entre les deux prétendants au trône politique. Même si le duel se mène, pour l'instant, à fleurets mouchetés, cette ambiance signifie que les fauves sont réellement lâchés. Bensalah a, de ce fait, exprimé sa préférence quant à l'examen de la mouture finale dans le cadre d'un «débat au sein du Parlement afin de mettre un terme aux supputations et aux pressions émanant de certains milieux politiques qui veulent imposer leurs idées», ajoutant que la future Constitution doit consacrer un «travail consensuel» et qu'il «est prématuré» de préjuger son contenu, sujet d'une «tentative de discrédit» par ceux-là même qu'il dénonce sans les nommer. En définitive, la polémique ne fait que commencer et la fièvre va monter de jour en jour, au point que la nouvelle Constitution risque de devenir un objet de discorde au sein d'une majorité éclatée.