L'on assiste, selon les observateurs, à une réédition du Cnsa du défunt Abdelhak Benhamouda. L'annonce est passée quasi inaperçue. L'Ugta, timidement certes, vient d'entrer dans ce qu'il convient d'appeler «la bataille du code de la famille». La raison de ce «demi-ton», tout relatif, appelé à s'estomper dans le proche avenir, est due au fait, nous indiquent des sources proches de la Centrale, qu'«il existe des blocages même au sein des rangs de l'Ugta». Toujours est-il que la sortie de la Centrale est loin d'être innocente. Alors que Sidi-Saïd était censé réunir les membres de son secrétariat national dans le but de finaliser les dossiers relatifs à la bipartite, prévue pour le début du mois prochain, mais aussi ceux qui devront être traités en tripartite, voilà que le communiqué final s'appesantit en quelques mots sur le sujet chaud du moment, à savoir le code de la famille. Ainsi, les observateurs s'accordent à dire que le président, très engagé dans ses grands chantiers de la réforme, a été forcé de surseoir à son projet portant révision du code de la famille depuis qu'il a été laissé seul face à un tollé islamiste sans précédent. Ainsi, la sortie de l'Ugta intervient-elle comme une véritable bouffée d'oxygène dans un débat, pour ne pas dire bras de fer, dans lequel les islamistes tiennent très largement le haut du pavé. Ces derniers, comme on s'en souvient, ont lancé une pétition pour récolter pas moins de 1,5 million de signatures destinées au président Bouteflika dans le but de l'amener à revenir sur ces réformes. Or, qui mieux que l'Ugta, qui continue de revendiquer près de quatre millions d'adhérents, peut s'opposer à une pareille déferlante et permettre ainsi au président de recouvrer ses réflexes, quelque peu émoussés en dépit de ses impressionnants 84,99 % de voix favorables à sa réélection lors de la dernière présidentielle. C'est pourquoi les observateurs évoquent un scénario pareil à celui du Cnsa, lequel avait donné assez de légitimité aux décideurs de l'époque (janvier 1992) pour mettre un terme aux dérives islamistes qui projetaient d'avorter l'expérience démocratique et républicaine de la jeune nation algérienne. La comparaison, heureusement, s'arrête là. Nul danger ne menace plus la République, même si les deux camps qui se battent autour du code de la famille, s'accordent tous deux pour dire que le débat dépasse de loin cette simple loi pour toucher aux orientations directes et véritables du projet de société. Nul doute que l'on va vers un hiatus qui risque de scinder la société en deux. C'est pour cette raison, du reste, que le président, qui souhaite demeurer celui de tous les Algériens, a préféré demeurer au-dessus de la mêlée, attendant sans doute que la polémique s'estompe avant de revenir à la charge avec un texte sensiblement expurgé des points les plus «blessants» pour la mouvance islamiste radicale. C'est du moins l'explication que nous ont fournie des sources gouvernementales à propos du retrait, à la dernière minute, de ce texte de loi, devant être examiné et adopté en conseil des ministres de ce samedi. La position mitigée adoptée par le FLN, lors de la rencontre, hier, de son groupe parlementaire, abonde du reste dans le même sens. Belkhadem en personne a en effet, refusé de dévoiler la position de ce parti, dont l'alignement sur la présidence de la République n'est un secret pour personne, afin, a-t-il dit, de ne pas aggraver la polémique ni accentuer les divisions. Une sorte de leçon d'éthique politique en direction de cet allié qu'est le MSP, qui, en dépit de sa présence au gouvernement et au sein de l'Alliance, n'hésite pas à contredire ses alliés et à contrer la démarche du chef de l'Etat. Le RND, qui a lui aussi clairement signifié son rejet de toute consultation référendaire, souhaitée par les islamistes pétitionnaires, s'en est tenu là, refusant de pousser plus loin la polémique stérile tant que celui qui jouit du plébiscite populaire n'aura pas livré les secrets de sa démarche. Toujours est-il qu'au rythme où vont les choses, il y a fort à parier que le dossier du nouveau code de la famille ne soit «traîné» pendant de nombreux mois encore. Ouyahia ne s'y est pas trompé, qui disait que ce serait le «feuilleton de l'automne».