A moins de deux mois de la date-butoir du 30 juin que l'Iran et les grandes puissances se sont fixés pour arriver à un accord sur le programme nucléaire de la République islamique, Washington ne peut pas se permettre une réponse trop faible, juge Alireza Nader, expert sur l'Iran au centre de réflexion américain Rand corporation. «Les Etats-Unis devaient démontrer que les eaux du détroit sont sûres et ouvertes au commerce international», ajoute-t-il. L'axe crucial du détroit d'Ormuz, qui fait la jonction entre le Golfe et la mer d'Oman, voit en effet passer 30% du commerce maritime de pétrole mondial. Or, mardi l'Iran a arraisonné dans le détroit le Maersk Tigris, un porte-conteneurs aux couleurs du géant danois du transport maritime Maersk et battant pavillon des îles Marshall. La semaine précédente, dans la même région, un autre porte-conteneurs, le Maersk Kensington, battant pavillon américain, a été «harcelé» quinze à vingt minutes par des bateaux militaires iraniens. En conséquence, après un autre épisode de tensions navales fin avril au large du Yémen entre Iraniens et Américains, Washington a annoncé jeudi que ses navires de combat «accompagneraient» les bateaux de commerce américains dans le passage du détroit large d'un peu plus de 30 kilomètres, et bordé par l'Iran au nord. Le lendemain, le Pentagone a indiqué que des discussions étaient en cours avec d'autres pays, non précisés, pour qu'ils bénéficient de cette protection de la Marine américaine. Beaucoup de pays de la région et «surtout l'Arabie saoudite s'inquiètent des conséquences d'une possible levée des sanctions», dans la foulée d'un accord final sur le nucléaire, craignant «un Iran plus agressif» dans la région du Golfe, explique M.Nader. Les Etats-Unis ont probablement voulu démontrer qu'ils sont «sérieux dans leur volonté de garantir la sécurité de la région», relève-t-il. Mais tout en affichant leur force, les Etats-Unis ont conservé une certaine mesure. Le Pentagone a expliqué que la Marine «accompagnait» les navires sous sa protection. Elle ne les «escorte» pas. Ce terme est militairement plus connoté et pourrait rappeler les périodes de forte tension qu'a déjà connues le détroit d'Ormuz. Les Etats-Unis et l'Iran se sont en effet déjà livrés à plusieurs bras de fer sur la libre circulation dans le détroit. En 1987, Ronald Reagan avait proposé de faire passer sous pavillon américain les pétroliers koweïtiens et de leur fournir une escorte militaire, alors que l'Iran en guerre contre l'Irak les attaquait pour cause de transport de pétrole irakien. En 1988, des affrontements avaient opposé des navires de combat américains à des navires iraniens. Au moins trois vedettes iraniennes avaient été coulées. Fin 2011, avec le durcissement des sanctions économiques internationales, l'Iran avait fait planer le spectre d'une fermeture du détroit et provoqué un pic de tension avec Washington. Aujourd'hui, les raisons de la saisie du Maersk Tigris par Téhéran restent encore mal établies. «Ce n'est peut-être pas un message politique» de Téhéran, même si beaucoup dans la région ne manqueront pas de l'interpréter comme tel, estime Alireza Nader. «Nous ne sommes pas forcément au bord d'une confrontation», ajoute-t-il. Les Iraniens ont justifié l'arraisonnement par une décision de justice d'une cour d'appel iranienne, suite à un litige commercial entre Maersk et une société iranienne, rappelle-t-il. Les tensions dans le détroit d'Ormuz succèdent à un autre jeu du chat et de la souris naval irano-américain au large du Yémen.