Les contradicteurs du ministre de la Justice revenaient régulièrement sur la loi sur la violence faite aux femmes La guerre entre la modernité et l'obscurantisme se mène actuellement dans l'hémicycle de l'Assemblée populaire nationale. Le projet de loi portant protection de l'enfance ne plaît pas aux islamistes, comme celui de la violence faite aux femmes a provoqué leur courroux. Jusqu'à tard dans la soirée d'hier, les tirs groupés contre la loi présentée par Tayeb Louh étaient tirés principalement d'un seul angle, celui de la vision étroite d'une idéologie islamiste, à mille lieues des intérêts des enfants, de la famille et de la société. Les contradicteurs du ministre de la Justice revenaient régulièrement sur la loi sur la violence faite aux femmes pour argumenter leur position dogmatique vis-à-vis de la loi sur la protection des mineurs. Le discours est quasiment le même. Les intervenants s'échinent à lier toute intervention de l'Etat pour la protection des individus à une ingérence dans la vie de la famille algérienne susceptible d'en fragiliser les liens. Par leurs propos, hier et mardi dernier dans l'hémicycle, les députés du Front pour la justice et le développement et ceux de l'Alliance de l'Algérie verte, reprochent au ministre d'avoir concocté un projet de loi qui ôte toute autorité paternelle au sein de la famille. Plus simplement, ils veulent que la famille algérienne soit un modèle unique d'une cellule où l'homme a droit de vie et de mort sur le reste de la composante familiale. Le père peut violenter sa femme et ses enfants, sans que personne n'ait le droit de dire quoi que ce soit. Comme si sous prétexte d'avoir contribué à leur naissance, les enfants sont la propriété du paternel. A l'exception du meurtre qu'on ne peut pas cacher, dans le dogme islamiste, la violence au quotidien avec son lot d'humiliations peut s'exercer et doit être légale, proposent, en substance, les islamistes. Et sous le fallacieux prétexte d'une rigueur religieuse, des députés refusent des articles du projet de loi conformes aux conventions internationales que l'Algérie a déjà paraphées. C'est dire que ces élus du peuple veulent installer l'Algérie en dehors de la dynamique de la civilisation humaine, dont les droits des individus sont l'un des principes cardinaux. Toutes les conventions qui traitent des droits des enfants n'ont pas d'écho dans le dogme des islamistes qui ne sont pas très différents de leurs «frères» au Moyen-Orient qui, arguant de l'application stricte de l'islam, détruisent des statues antiques et mutilent des femmes et des hommes. A travers la loi sur les violences faites aux femmes et celle de la protection des mineurs, le ministre de la Justice travaille à donner à ces catégories de la société un ancrage juridique pour leur permettre de se défendre en cas d'agression, mauvais traitement ou d'humiliation. La vision est proprement moderne. L'objectif de ceux qui ont confectionné les lois, et du ministre de la Justice qui la défend très bien devant les instances parlementaires, est de promouvoir une société juste qui protège le faible et le démuni. Cela ne peut se faire dans une République, sans la mise en place de mécanismes étatiques et judiciaires si besoin, à même de garantir les droits des femmes et des enfants au sein de la société. Il va de soi que ladite société est forcément contre les sévices que font subir quelques adultes à des femmes et des enfants, fussent-ils leurs pères et maris. Le rôle de la justice est justement d'aller chercher les tortionnaires et de les punir pour leurs actes abjects. Quel Algérien refuserait qu'un père qui torture son fils soit puni? A voir les réactions des islamistes ont est amené à se poser des questions. Ces derniers disent non à la loi, justement parce qu'elle dénonce les pères indignes. Les islamistes protègent ce père indigne, sous prétexte qu'un père en prison disloque la famille. Mais un père violent est toléré par les islamistes. Il est même encouragé. Force est de constater donc que l'approche du ministre de la Justice et celle des islamistes sur des questions fondamentales de défense de la personne humaine sont en totale contradiction. Autant le premier défend le principe d'une société juste, généreuse et solidaire, s'appuyant sur une justice forte, autant les seconds veulent maintenir la société dans une sorte de féodalité injuste et injustifiée et font la promotion d'une vision rétrograde et totalement individualiste de la chose sociale et familiale. En d'autres termes, les islamistes qui siègent à l'APN n'ont pas l'intention de vivre leur temps et donner à leur pays les moyens de s'émanciper. Leur seul souci est de maintenir l'autorité de l'homme mauvais, au détriment du destin de toute la société. Tayeb Louh a dit non et résisté jusqu'à obtenir gain de cause devant le Parlement sur la loi sur les violences faites aux femmes et il réitère son combat sur la question des droits des enfants. La guerre entre la modernité et l'obscurantisme se mène actuellement dans l'hémicycle de l'Assemblée populaire nationale. Avant d'en arriver là, les moyens du combat étaient autres que juridiques. Ces autres combats, militaire et politique, ont été remportés. Tayeb Louh a la lourde responsabilité de gagner une manche décisive de cette guerre.