«Je suis heureux aujourd'hui!» répétait Saïd Hilmi, ému, à tout bout de champ. Le cinéma Algeria a été, hier, à l'occasion d'un hommage que l'APC d'Alger-Centre a rendu au grand artiste Saïd Hilmi, plein à craquer. Il a été, durant tout l'après-midi, le théâtre d'un moment fort de la vie culturelle de la capitale. En effet, en plus de la présence de Saïd Hilmi, de plusieurs membres de sa famille, notamment son frère Mohamed et son épouse, une pléiade d'artistes connus sur la place d'Alger se sont donné rendez-vous à la rue Didouche-Mourad où s'est déroulée la cérémonie. Mais pas seulement. Saïd Hilmi ne s'est pas fait des amis et des admirateurs dans le monde du 4e art dans lequel il excelle et de l'art en général seulement. Même les politiques se sont mis de la partie. Parmi les présents qui se sont distingués par des échanges d'accolades avec une bonne partie du public, on compte Mouloud Hamrouche, Noureddine Yazid Zerhouni, Karim Younès, Le Moujahid Basta, le colonel Salim Saâdi et bien d'autres. Appelé au podium, le président de l'APC d'Alger-Centre, M.Bettache s'est contenté de souhaiter la bienvenue à tous les présents et de prononcer, dans un kabyle châtié, un «temlal tassa d way turew», à l'occasion de celui qu'il n'a pas hésité de qualifier «de brillant artiste». La parole a tout de suite après été donnée à Saïd Hilmi. Fidèle à lui-même, l'enfant terrible d'Azeffoun improvise une comédie et exprime, à travers une gestuelle raffinée et des chevauchées lyriques palpitantes, tout l'amour qu'il porte pour l'Algérie. Par la suite, un film documentaire de 20 minutes qui reprend les fragments les plus marquants du parcours artistique de Saïd Hilmi a été projeté. Ce documentaire a été l'occasion de revenir sur le seul livre écrit par ce comédien, intitulé Plume en délire. Un orchestre de la commune d'Alger-Centre a accompagné la cérémonie et l'a agrémentée de quelques noubas qui, malgré les quelques réticences suscitées par la présence d'ex-hauts responsables, notamment Hamrouche et Zerhouni, ont réussi à faire sortir quelques charmantes dames de leur réserve pour se réjouir d'une belle danse algéroise. De jeunes comédiens talentueux qui se sont révélés grâce à l'émission Kahwat El Gosto de la chaîne privée El Djazairia ont également été appelés pour présenter une scène théâtrale qui a fait rire-réfléchir l'assistance mais qui a eu aussi le mérite de rassurer les «aînés» quant à l'existence d'une relève à la hauteur des précurseurs. «Je suis heureux aujourd'hui!» répétait Saïd Hilmi, ému, à tout bout de champ. «Un grand artiste», «un brillant artiste», «un immense artiste» sont autant de phrases utilisées par les présents pour exprimer leur pensée devant celui qu'ils considèrent «l'aîné». Mohamed Hilmi, son frère, bien que se refusant à tout commentaire, a fini par lâcher: Saïd est certes mon frère mais il est surtout un collègue, un ami», nous confie-t-il quelques larmes ruisselant discrètement de ses petits yeux timides. «Première du genre, il est souhaitable que l'ensemble des APC rendent des hommages aux artistes et grands hommes de ce pays, non pas après leur mort, mais de leur vivant», espère une vieille dame qui s'empresse pour embrasser «son artiste». Mais, Saïd Hilmi n'appartient pas à une seule personne, aussi possessive soit-elle. Il appartient à l'Algérie et à l'art. Artiste complet et accompli, Saïd Hilmi était, sa vie durant, à cheval sur plusieurs expressions artistiques. Dans le théâtre comme dans le cinéma. En tant que comédien, il a fait un bon bout de chemin avec l'inénarrable Mahieddine Bachtarzi, notamment au début de sa carrière. Mais c'est dans le théâtre radiophonique, notamment d'expression kabyle, que l'enfant fou d'Azeffoun a excellé. Il compte également à son actif des sketchs audiovisuels en kabyle qu'il a eu à présenter dans plusieurs villes du pays et même à l'étranger? Son sketch le plus célèbre, azmoumeg, a traversé les temps et plusieurs de ses extraits sont à ce jour colportés par la chronique populaire. Saïd Hilmi a aussi une dent et un don pour le cinéma. Il s'est distingué par des rôles très réussis dans plusieurs films. Il a joué notamment dans Zone interdite, Ali au pays des mirages, Le Moulin de M.Fabre, Eddi ouella Khelli, Douar Enssa, Beur Blan Rouge, Le Gros lot, El Meida, etc. La cérémonie s'est enfin terminée sous les ovations d'un public qui a soif de rencontrer ses artistes, ses repères. Aussi, les «youyous qui ont marqué les «quitailles» expriment-ils quelques regrets parmi l'assistance. Les «au revoir» laissaient planer quelques espoirs mais la solitude était déjà aux aguets. Vivre sans art, c'est vivre seul, pouvait-on lire dans le regard de quelques présents. .