Rire, tendresse et dérision «De la beauté de la misère» il est né et est devenu ce grand comédien que l'on connaît et affectionne tant. «Ce qu´on retient le plus de ce livre, c´est l´omniprésence des «bons vivants», affirme Slim dans la préface du livre de Saïd Hilmi, intitulé Plume qui délire. En effet, le vaillant acteur à la gouaille terrible vient de publier un livre aux Editions Daliman. Un ouvrage pas comme les autres. C´est un ouvrage à mi-chemin entre la biographie et le beau livre. Un objet précieux donc, qu´on feuillette délicatement comme pour ne pas écorcher encore une fois la vie de cet artiste laquelle n´a pas été de tout repos. «Je n´ai pas écrit un livre» nie-t-il en bloc en prélude de la rencontre-présentation de ce livre, samedi dernier à la salle Frantz-Fanon de Riad El Feth. En bon comédien qu´il est, Saïd Hilmi prend de cours l´assistance et crée l´étonnement. Silence dans la salle. «Je suis un grand malade. J´ai été dans plusieurs laboratoires et fait de nombreuses analyses. On m´a diagnostiqué une grave maladie. On m´a dit: «On va te ramener des médicaments des Etats-Unis». Je leur ai répondu: «Non, laissez-moi, je suis fier d´avoir cette maladie!» Et contre toute attente, Saïd Hilmi brandit un fanion aux couleurs nationales. Applaudissement dans la salle. Saïd Hilmi est ému de retrouver ses amis et collègues qui ont traversé son parcours. Des belles rencontres humaines qu´il a pris le soin d´immortaliser dans ce livre. Un ouvrage décliné comme une sorte de «cahier intime» accompagné de photos ou d´images, de bribes de souvenirs heureux ou marquants. Un livre truffé d´anecdotes, inspirées du vécu. Saïd Hilmi, tel un enfant, ne peut rester à sa place. En maître de cérémonie il va à la rencontre de ses invités. «Des amis m´ont poussé à écrire, en me disant que c´est un crime que de ne pas le faire. Je leur dédie ce livre où j´ai essayé de donner un petit aperçu de mon capital expérience. De ma modeste vie», confie-t-il avant d´aller à la rencontre de Madame Zohra Drif. Pas loin, on reconnaît le réalisateur Ahmed Rachedi, le célèbre comédien Sid Ali Kouiret l´éternel accompagnateur des planches, la comédienne Nouria, la sénatrice Zahia Ben Arous, fille de la Télévision algérienne et bien d´autres figures du petit écran et du 7e art, notamment. «Cette mise à nu, c´est toute ma vie...», reconnaît-il. Et d´indiquer en aparté: «Je trouvais que c´était prétentieux de faire une autobiographie. J´ai pensé à cette phrase: «Plus fort que la mort c´est l´oubli». J´ai décidé de laisser une trace aux gens qui comptent dans ma vie. Sans ma fille, je n´aurais rien pu faire. C´est ma canne de vieillesse. Hier, je n´ai pas dormi car affronter le danger dans le sens plaire ou déplaire, m´a gardé éveillé.. la peur de décevoir me taraudait.» De son vrai nom Saïd Brahimi, alias Saïd Hilmi est l´un des pionniers du théâtre algérien. Né le 15 mai 1939 à Azzefoun- une ville côtière de Kabylie, au nord-est de l´Algérie- il a fait ses débuts sur les planches avec le grand Mahieddine Bachtarzi et animé de nombreuses émissions radiophoniques. Il a joué dans de nombreux films dont Zone interdite, Ali au pays des mirages, Le Moulin de M.Fabre d´ Ahmed Rachedi, Eddi oula Kheli, El ouelf essaïb, Douar Ennssa de Mohamed Chouikh, et Beur blanc rouge de Mahmoud Zemmouri ainsi que dans des pièces de théâtre dont El kerdch hfa et Getaâ ouermi. Plume qui délire est un délicieux ouvrage qui ressemble bien à notre bonhomme aux cheveux en... délire! Même sa tignasse légendaire, nous rappelle sa légèreté et sa profonde humilité. Homme insaisissable, Saïd Hilmi ressemble à tous ces clowns qui font rire mais possèdent la tragédie dans l´âme. «S´il m´arrivait d´employer le mot «Je» je défierais la langue française en rajoutant un S. Un singulier-pluriel en hommage à Lakhdar, enfant de Kateb Yacine», écrit-il dans ce livre qui est loin d´être un testament tant il respire la joie de vivre. En le feuilletant, c´est le riche et généreux parcours de cet artiste au grand coeur qui est dévoilé. Aussi étrange que cela puisse être, Saïd Hilmi se fait son propre personnage dans ce récit qui est égrené ici telle une fiction bigarrée. S´il note en première page- qui s´apparente à une vielle affiche- «Koulech khorti» c´est bien pour minimiser cette jolie histoire qui est la sienne et prendre du recul avec dérision. Un trait qui le caractérise et le rend toujours affable et proche des gens. Plume qui délire, affûte également son arme autrement. Au-delà du verbe, l´on peut distinguer, notamment l´image d´une lettre administrative rejetant le soutien à une de ses pièces, un poème inédit de Djamel Amrani repris ici en exclusivité ou encore ces images avec Keltoum, la grande comédienne disparue l´an dernier. Le livre est également accompagné de quelques articles dont celui de notre chroniqueur littéraire Kaddour M´Hamsadji. Avec roublardise et sincérité, Saïd Hilmi rend hommage aux anciens comme à la nouvelle génération, à tous les jeunes martyrs de la Révolution aussi bien qu´aux fleurons de la génération de demain. Entre mémoire et souvenir, l´artiste engagé qu´est Saïd Hilmi, n´omet pas de dénoncer quand cela se veut nécessaire. On ne rigole plus. L´art c´est du sérieux et la culture, de la nourriture pour l´âme propre, pour chaque être humain. «De la beauté de la misère» l´artiste est né et s´est forgé. Ainsi, ils deviennent grands.