Critique littéraire mais aussi poète, ce docteur en philologie classique s'est évertué à décortiquer l'oeuvre du père de Don Quichotte... Docteur en philologie classique et professeur de recherche au Conseil de recherche scientifique, Alberto De Cuenca s'est distingué comme poète, critique littéraire, traducteur et essayiste. Dimanche dernier, il était l'invité de l'Institut espagnol pour parler de la poésie de Cervantès, vue par lui-même et par la critique, accompagnant par moment sa communication par des extraits choisis dans la poésie de ce poète universel. Luis Alberto De Cuenca évoquera au départ le «manque de confiance absolu» de l'auteur de Don Quichotte en ses propres qualités en tant que poète. «Ceci occasionne, dit-il, le manque d'efforts de la part des autres pour oeuvrer dans ce sens et découvrir des vertus poétiques dans ses vers, alors même qu'elles étaient évidentes» et de confier «Cervantès disait de lui-même qu'il était beaucoup plus porté sur les malheurs que sur les vers». Le conférencier note que Cervantès a beaucoup souffert de dévalorisation. Amoureux invétéré de poésie, chantant ses louanges même jusqu'à la fin de sa vie, c'est à travers elle justement que «sa vision du monde va acquérir toute sa maturité». Mais hélas, beaucoup n'ont pas su la décrypter, la déceler et reconnaître ainsi en lui cette «force expressive originale et cette grande richesse de pensée et d'innovation». A cet effet, Gerardo Diego disait de lui que c'était un «poète archaïque et démodé». Les critiques modernes semblent avoir des doutes quant au génie poétique de Cervantès. Mais les opinions sont partagées. Navarro Ledesma est de ceux qui voient en Cervantès un «style propre et enviable en prose». Quant à l'appréciation de l'oeuvre poétique de Cervantès, de la part des poètes espagnols d'aujourd'hui, celle-ci est plutôt mitigée. Ou plutôt il est considéré comme le «monstre ingénieux». Qu'en est-il de Cervantès poète? Pour notre conférencier, la poésie de Cervantès a péché par défaut. En illustrent les propos de Gerardo Diego : «Disgrâce du mythe syntaxique, de la transition d'un vers à un autre, des pauses qui dépassent et mettent en pièce les vers dans un sens contraire aux conjonctures naturelles». Si Cervantès réalise de la poésie noble et de haut niveau, Alberto De Cuenca affirme: «Nous ne pouvons pas attribuer des qualités prophétiques à Cervantès». L'amateur parle d'une «poétique cervantine», d'une personne qui a laissé beaucoup d'écrits tant en vers qu'en prose sur sa propre réflexion et appréciation de la poésie. «Pour Cervantès, le sentiment réel - le vrai - doit être insufflé par l'âme lorsqu'il s'exprime par l'artifice littéraire». Aussi, nous pouvons rencontrer le meilleur du poète Cervantès nous apprend-on, dans quelques-uns de ses textes dramatiques comme El Cerco de Numancia, ainsi que dans Novelas Ejemplares par exemple. Enfin, Alberto De Cuenca achève sa communication par cette belle tirade sur la beauté et l'excellence de la poésie en général et celle de Cervantès en particulier: «Propreté, clarté, lumière, habileté, harmonie, douceur, honnêteté, profit». Telles sont les propriétés éternelles de la poésie - présente aussi - et il n'en pouvait être autrement - dans la poésie de Cervantès! . Pour rappel, l'Institut espagnol a placé cette année sa rentrée à l'étude et à l'exploration de ce grand écrivain universel, le père de Don Quichotte de la Mancha.