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La quadrature du cercle
LES LIEUX DE CULTE MUSULMAN
Publié dans L'Expression le 16 - 07 - 2015

Une manipulation c'est ainsi que l'on peut caractériser le tollé des manipulateurs professionnels qui pour le même adversaire commun, en l'occurrence les musulmans, font cause commune pour enfumer les Français en leur parlant d'Eglise devenue mosquée et de perte d'identité. Tout est parti d'une phrase - malheureuse dans le contexte actuel - de Dalil Boubekeur qui, devant le manque de lieux de prière s'interrogeait sur la possibilité de donner une seconde vie aux églises désaffectées en permettant aux citoyens français de confession musulmane d'y prier. Le lieu de prière a différentes dénominations. Pour les religions monothéistes, une synagogue du grec Sunagôgê, «assemblée» est un lieu de culte juif.
L'église vient du mot Ecclesia, en grec, c'est la communauté qui se réunit. Les premières églises connues sont celle de Syrie orientale (241), du Saint-Sépulcre à Jérusalem (330) Le masdjed en arabe est un lieu de culte où se rassemblent les musulmans pour prier. Le mot «Masged» vient de l'araméen ancêtre de la langue arabe et de l'hébreu, signifiait «poser le front au sol». Traduit en espagnol ou italien: moschea qui a donné en français mosquée. Ce sont donc des lieux de culte qui dans l'absolu ne se distinguent pas les uns des autres.
L'«appel» et ses conséquences
Il y a eu d'abord cet appel non dénué d'arrière-pensées de Denis Tillinac dont nous reproduisons quelques extraits: «Certaines déclarations récentes appelant à ce que des églises soient transformées en mosquées ont provoqué chez les Français une émotion susceptible de favoriser les pires amalgames en ces temps où le terrorisme islamiste ensanglante la planète et commet des crimes en plein Paris. (...) Une église n'est pas une mosquée, croyants, agnostiques ou athées, les Français savent de la science la plus sûre, celle du coeur, ce qu'incarnent les dizaines de milliers de clochers semés sur notre sol par la piété de nos ancêtres: la haute mémoire de notre pays. Ses noces compliquées avec la catholicité romaine. Ses riches heures et ses sombres aussi, quand le peuple se récapitulait sous les voûtes à l'appel du tocsin. Son âme pour tout dire. (...) Elle racontait l'histoire de France dans une langue accessible à tous nos compatriotes. Ils tiennent à la laïcité de l'Etat et à la liberté de conscience et de culte qu'il lui incombe de protéger. (...) Elles continuent de témoigner; leur silhouette au-dessus des toits contribue à un enracinement mental dont nous avons tous besoin pour étayer notre citoyenneté. Du reste, rien ne prouve qu'elles resteront vides ad vitam aeternam. (...) La France n'est pas un espace aléatoire. Les églises, les cathédrales, les calvaires et autres lieux de pèlerinage donnent sens et forme à notre patriotisme. Exigeons de nos autorités civiles qu'il soit respecté! Le confusionnisme trahit une méconnaissance de notre sensibilité et ferait peser une menace sur la concorde civile s'il n'était clairement récusé au sommet de l'Etat.»
Les réactions
Curieusement, à ma connaissance il n'y a pas un homme de culte chrétien qui a signé cette pétition. Au contraire, lit-on sur le Figaro: «Mgr Michel Dubost, évêque d'Evry, comprend les réactions de certains fidèles à l'idée que des églises puissent être transformées en mosquées, mais soutient qu'il faut être cohérent avec la foi catholique. Les églises désaffectées de la ruralité française, sans curé ni paroissiens, et vouées à une dégradation certaine, pourraient-elles connaître un second souffle spirituel et résonner d'autres invocations, en l'occurrence musulmanes, sans que l'Hexagone n'en soit tout tourneboulé? (...) Mgr Michel Dubost, l'évêque d'Evry, traité de «dhimmi» par ses détracteurs à la dent dure, n'a pas craint de s'attirer les foudres de la bien-pensance hexagonale en estimant préférable, face aux portes closes et à l'état de délabrement de certaines églises de la France profonde, que ces édifices, sans ouailles et sans financements, «deviennent des mosquées plutôt que des restaurants».(1)
La manipulation politique et la haine sioniste de l'islam
La signature par Sarkozy de cet appel n'a pas fait l'unanimité, à droite: «Au sein même du parti Les Républicains, la signature de l'ancien président de la République de l'appel lancé dans Valeurs actuelles est loin de faire l'unanimité. En signant la pétition de Denis Tillinac dans Valeurs actuelles, qui demande que les églises françaises ne soient pas transformées en mosquées, Nicolas Sarkozy a provoqué l'ire d'une partie de sa propre formation. «Je ne signerai pas cette pétition parce que je trouve qu'on essaie (...) d'exciter autour de ce sujet qui n'existe pas vraiment, a réagi Nathalie Kosciusko-Morizet, vice-président du parti, sur France Info. (...) C'est pas un sujet d'une immense actualité, c'est pas une question qui se pose tous les jours (...) Alors pourquoi le faire? Pourquoi chercher à cliver? Pourquoi chercher à en faire un sujet alors que ça n'en est pas vraiment un?» (2)
«C'est pas mieux quand une église devient une boîte de nuit ou un restaurant», a-t-elle aussi constaté avant d'attaquer, semblant viser Nicolas Sarkozy: «Tous ces gens qui nous parlent de civilisation à propos de l'Eglise, est-ce qu'ils rentrent vraiment dans les églises? Ceux qui ramènent l'Eglise à un projet de civilisation ont parfois oublié le message évangélique. Le message évangélique, il est fait d'universalisme, pas de nationalisme. Le message évangélique, il est fait de projections vers l'avenir, pas de passéisme.» Même l'ancienne plume de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, estime, selon Le Parisien, «qu'alimenter ce débat ne me paraît pas de nature à apaiser les tensions». Le député des Yvelines a, comme Nathalie Kosciusko-Morizet, rappelé que Dalil Boubekeur, qui avait proposé de transformer certaines églises en lieux de culte musulmans, était «revenu sur ses propos». (2)
Dans le même ordre, Bruno Roger-Petit écrit: «Dans Valeurs actuelles, Denis Tillinac lance l'appel «Touche pas à mon ringardise franchouillarde ou le grand huit des Bidochon.En tout cas, la liste prête à sourire. Ou à pleurer. On y trouve le ban et l'arrière-ban du réac bien de chez nous, baguette, béret et saucisson. Ce n'est plus une pétition, c'est le train fantôme de la ringardise franchouillarde, le grand huit des Bidochon, le Space moutain des Super-Dupont: Charles Beigbeder, André Bercoff, Jeannette Bougrab, Alain Finkielkraut, Gilles-William Goldnadel, Basile de Koch, le Père Alain Maillard de La Morandais, Elisabeth Lévy, Sophie de Menthon, Jean Raspail, Ivan Rioufol, Nicolas Sarkozy, Jean Sévillia, Philippe de Villiers, Eric Zemmour. Les vieux grenadiers de la bien-pensance réac. Mais que diable Nicolas Sarkozy est-il allé faire dans cette galère identitaire?» (3)
Quand les soeurs prêtaient leur chapelle aux musulmans...
«Pour notre chroniqueur lit-on sur le Nouvel Obs, Olivier Picard, l'ancien chef de l'Etat et le polémiste agissent pour faire tourner leurs fonds de commerce et pour attiser cyniquement les tensions (...) L'abrutissement dû à la chaleur sûrement... Il n'est pas surprenant que Nicolas Sarkozy se soit jeté comme un affamé sur cette nouvelle «cause» du peuple. Fidèle, désormais, à sa devise intellectuelle «plus c'est gros, plus ça passe», il a enfourché ce nouveau cheval de bataille pour être parmi les premiers signataires. On va pas gâcher. En clair, Sarkozy et Zemmour nous prennent pour des crétins finis pour faire tourner leurs petites boutiques respectives. Faire leur petite cuisine sur leur petit feu, comme aurait dit De Gaulle, sans trop se soucier des dégâts de leur manipulation sur le mental, très vulnérable, de leur pays». (4)
Pour Vincent Mongaillard: «Transformer les églises inoccupées en mosquées. La proposition de Dalil Boubekeur divise, mais, à Clermont-Ferrand, elle a été une réalité pendant plus de trente ans. Une expérience unique en France. De 1977 à 2010, une chapelle de la congrégation des soeurs de Saint-Joseph,, a été mise à la disposition des musulmans de la cité auvergnate qui n'avaient pas de lieu de culte. «Ils n'avaient pas de véritable lieu de culte, donc, à la demande de l'évêque, une autorité légitime, nous leur avons prêté gracieusement notre chapelle qui ne servait plus puisqu'il y avait une église paroissiale toute proche. Lors du vote, notre conseil avait accepté à l'unanimité», se souvient soeur Thérèse, 88 ans, dans les ordres depuis près de sept décennies».(5)
«A l'époque, la seule salle de prière se trouvait dans une petite cave fréquentée par quelques chibanis, elle n'était pas du tout adaptée», explique Karim Djermani, secrétaire général de la grande mosquée de Clermont-Ferrand. C'est lorsque celle-ci est sortie de terre en 2010 que les locataires de la petite église ont quitté les lieux avant d'organiser une cérémonie d'adieu un an plus tard, remettant symboliquement les clés de l'édifice aux religieuses. L'aventure a été enrichissante du côté des musulmans comme des catholiques. «Symboliquement, cela a renforcé le dialogue interreligieux. On se croisait souvent avec les soeurs, elles m'appelaient mon cher ami, on se faisait la bise. Plusieurs fois, on a partagé l'iftar (rupture du jeun)», s'enthousiasme Karim Djermani, vice-président du (Crcm) en Auvergne. Pour lui cet exemple unique n'est pas pour autant «la solution» au nombre insuffisant de mosquées dans l'Hexagone. (...) l y a aussi le risque que ce soit perçu par les concitoyens comme une conquête de plus, de manière négative, avec une Eglise catholique qui recule et une Eglise musulmane qui avance», souligne-t-il»(5)
Le patrimoine religieux de l'Algérie après l'invasion et à l'indépendance
Les lieux de culte se suivent selon l'histoire du lieu. Les maisons des premiers chrétiens, sont parfois édifiées à l'emplacement d'anciens lieux de culte païen. En Algérie Mila (Milev romaine) fut conquise en 1837. L'armée française détruisit une partie de la mosquée. Et convertit la mosquée en caserne. Cette mosquée construite par Abou Mouhadjer Dinar en 59 de l'Hégire vers 680 après J.-C a la particularité d'être édifiée sur les décombres d'une ancienne église construite sous Optat à la fin du troisième siècle. Cette Eglise elle-même a été construite sur les décombres d'un Temple dédié aux dieux notamment Milou.» (6)
A la veille de l'invasion sauvage de l'Algérie, à Alger il y avait 172 mosquées vingt-cinq ans après il n'en restait plus qu'une douzaine. Le percement de routes, la construction d'édifices amenèrent la démolition, la conversion de la majorité des mosquées. Trois grandes mosquées furent affectées au culte catholique dont la mosquée Djamaâ Ketchoua rue du Divan, sa transformation fut commencée dès le début de la conquête et dura environ un quart de siècle. Elle devint cathédrale en 1838. La mosquée Ali Betchin qui devint d'abord un entrepôt de la pharmacie centrale de 1830 à 1843, puis fut convertie en Eglise sous le nom de Notre-Dame des Victoires. Ecoutons Devoulx nous parler de la démolition de deux mosquées: «..Ce n'est pas sans un sentiment de honte que j'ajoute nous nous sommes empressés de faire disparaître ces deux charmants et élégants produits de l'architecture algérienne, d'autant plus précieux qu'ils étaient uniques en leur genre.» (7)
La ville de Bougie comptait avant 1830 72 mosquées. Il existait 75 mosquées à Constantine. D'après Auguste Cherbonneau en 1861, les travaux d'alignement de la rue Leblanc ont enlevé une grande partie de la mosquée de Sidi Makhlouf. Pendant plus de dix ans la mosquée a été convertie en écurie pour le service régulier des spahis...» (8)
Cependant, il faut signaler qu'il existait des villages où il n'y avait ni mosquées ni églises ni synagogues. A Sidi Aïssa, les fidèles priaient simplement dans des salles et nous dit le grand historien Mustafa Lacheraf dans son ouvrage: «Des noms et des lieux», l'entente était parfaite» sans le cérémonial des clergés s'agissant d'une relation entre le fidèle et Dieu
Les mosquées en Algérie à l'indépendance
Le phénomène inverse eut lieu du fait de la diminution du nombre de fidèles chrétiens, les églises furent fermées «Indépendante en 1962 nous dit Dalila Senhadji Khiat, l'Algérie a «hérité» de la période coloniale d'un important parc immobilier constitué de nombreuses églises catholiques, de temples protestants et de synagogues. La conquête de l'Algérie a été vécue par l'Eglise catholique comme une reconquête d'une terre jadis chrétienne, celle de saint Augustin et des six cents évêques (...) À l'indépendance du pays en 1962, L'Etat français a laissé plus de quatre cents églises à l'Etat algérien. De 567 en 1962, leur nombre se réduit à 167. La cathédrale Saint-Philippe d'Alger est l'un des premiers lieux de culte chrétien récupéré à l'indépendance de l'Algérie. Cette ancienne mosquée ottomane dite mosquée de Hassen Pacha, construite avant 1612 sur les restes d'un temple romain et reconstruite en 1795. La grande Cathédrale d'Alger redevient officiellement la mosquée Ketchaoua. (...) La grande synagogue d'Oran a été édifiée en 1880. Elle est considérée comme le plus grand édifice religieux juif de toute l'Afrique du Nord. Elle est convertie en mosquée en 1972 sous le nom de mosquée Abdallah Ben Salem, du nom d'un riche juif médinois converti à l'islam» (9)
Dans l'appel «touche pas à mon église Tout y est, patriotisme, citoyenneté, identité, sensibilité. C'est dans l'absolu un cri du coeur que l'on peut comprendre. J'ai toujours affirmé que le fond rocheux de l'identité française était bercé d'une façon invisible par la religion chrétienne et c'est normal pour la fille aînée de l'Eglise. Ce qui l'est moins c'est la manipulation. Que Sarkozy - émigré de la deuxième génération - surfe sur tout ce qui peut lui permettre l'accès au pouvoir en flattant la droite extrême il est dans son rôle. Ce qui l'est moins c'est la croisade des sionistes plus royalistes que le roi. L'émigré de la première génération qu'est Alain Finkielkraut et son acolyte Eric Zemmour un paléo berbère émigré de la deuxième génération qui font du zèle. Tout y est, patriotisme, citoyenneté, identité sensibilité. C'est dans l'absolu un cri du coeur que l'on peu comprendre. J'ai toujours affirmé que le fond rocheux de l'identité française était bercé d'une façon invisible par la religion chrétienne et c'est normal pour la fille aînée de l'Eglise.
Cependant, le problème des lieux de culte reste posé. On peut comprendre qu'il faille interdire les financements externes avec l'importation de doctrine qui vont avec. Mais, faut-il le savoir - sauf en Alsace Lorraine -, la République laïque ne construit pas des lieux de culte. Le patrimoine de l'Eglise fort des 40 000 églises, la richesse des dons potentiels n'ont rien à voir avec l'islam des caves, et la pauvreté de ses ouailles. D'autant que certaines églises sont des monuments historiques et à ce titre l'Etat s'en occupe. Que faire? Il fut une époque bénie où l'Islam n'était pas diabolisé. Pour rappel, la mosquée de Paris a été construite en hommage aux tirailleurs algériens qui ont donné leur sang pour la France au chemin des Dames...Mais cela est une autre histoire...
1.http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/06/15/01016-20150615ARTFIG00380-mgr-michel-dubost-je-prefere-que-les-eglises-deviennent-des-mosquees-plutot-que-des-restaurants.php
2.http://www.lexpress.fr/actualite/politique/ump/eglises-transformees-en-mosquees-sarkozy-sous-le-feu-des-critiques_1698010.html# gUSKbPqDLKQVaAct.99
3.http://www.challenges.fr/politique/20150708.CHA7722/touche-pas-a-mon-eglise-cette-petition-que-sarkozy-n-aurait-pas-du-signer.htm
4http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1395350-sarkozy-et-zemmour-appellent-a-defendre-les-eglises-ils-nous-prennent-pour-des-cretins.html
5.Vincent Mongaillard 16 Juin 2015 http://www.leparisien.fr/societe/religion-quand-les-soeurs-pretaient-leur-chapelle-aux-musulmans-16-06-2015-4865805.php
6.http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/143779-une-perle-archeologique-meconnue.html
7.A.Devoulx: les édifices religieux de l'ancien Alger: Revue africaine. n°6, p. 375, 1862.
8.A. Cherbonneau. Epitaphe de Sidi Makhlouf. Revue africaine. Vol.3. p194, 1869.
9.Dalila Senhadji Khiat, https://anneemaghreb.revues.org/907 2010


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