A j-1 de l'ouverture de la 68e édition du Festival international du cinéma de Locarno (sud-est de la Suisse), prévu du 5 au 15 août, les réalisateurs maghrébins sont partagés quant à leur participation. Quatre professionnels du cinéma tunisien ont décidé de boycotter la manifestation. Il s'agit de Mohamed Ben Attia, cinéaste, Raja Amari, cinéaste, Dora Bouchoucha productrice et Lina Chaabane, productrice. La raison est la participation d'Israël dans la catégorie First Look où des films en post-production seront présentés aux professionnels pour faciliter leur finalisation et distribution- et ceci dans le cadre d'une coopération avec le «Fonds israélien du film». Un fonds, nous précisera un des réalisateurs algériens invité, à Locarno «qui n'a en aucun cas un lien avec le financement du festival» et de rajouter: «Il y a 15 jours nous avons signé une pétition pour dénoncer la présence d' Israël mais il n'était pas question de boycotter. Le 7 août, nous serons là (à Locarno, Ndlr) d'ailleurs pour animer un point de presse en présence, notamment du comédien Salah Bakri qui est Israélien mais a toujours milité pour la cause palestinienne (celui qui devait incarner le rôle de l'émir Abdelkader, Ndlr) et un autre grand réalisateur israélien.La délégation algérienne sera là aussi bien sûr pour protester avec force et vigueur contre ce partenariat avec Israël». Pour cet autre réalisateur algérien interrogé là-dessus: «Il est hors de question de laisser toujours Israël gagner du terrain et prendre de l'argent. J'ai tout aussi le droit d'aller là-bas pour trouver des financements à mon film. Je ne vois pas pourquoi c'est à moi de reculer et de baisser la tête. Dans ce cas, il faut boycotter tous les festivals susceptibles de voir Israël dans les parages, notamment le festival de Cannes etc. Je ne leur parle pas, chacun prend sa route, mais il est hors de question que je boycotte le festival de Locarno sous prétexte qu'il y a Israël. Je serai à cette conférence bien entendu...» En effet, pour ou contre n'empêche, cette année au festival de Cannes, plus précisément au marché du film, Israël trônait avec un grand stand et personne n'avait dénoncé cet état de fait ni pris ses valises pour rentrer chez lui. Quoi qu'il en soit, suivant cet adage «Si tu parles, tu meurs. Si tu te tais, tu meurs. Alors, parle et meurs», il serait plus judicieux de dénoncer au lieu d'adopter, à notre sens, la politique de la chaise vide en restant toujours éloigné, avec les bras croisés, d'autant plus que tous les médias seront braqués sur ce festival. Il ne s'agit pas cette fois, de boycotter un produit ou de ne pas aller en Israël mais de faire entendre sa voix, au même titre que les autres. Nos artistes devraient au contraire, saisir cette chance-là... Pour rappel, il y a lieu de noter que cette année des films algériens, libyens, marocains et tunisiens seront projetés en off dans la section Open Doors (portes ouvertes), parmi lesquels six films algériens, dont Les Terrasses(2013) de Merzak Allouache, Gabbla (2008) de Tarek Teguia, La Chine est encore loin (2009) de Malek Bensmaïl et le court métrage de Hassen Ferhani réalisé en 2009, Tarzan, Don Quichotte et nous. Malek Bensmaïl présentera également en exclusivité son film Contre-pouvoir. Lamine Amar Khodja, pour sa part, présentera Bla cinima. D'un autre côté, le cinéma maghrébin sera également présent, à travers la projection de Ya Man Aâch(Tunisie-2012) de Hind Boudjemâa, Sur la Planche (Maroc, France, Allemagne-2012) de Leila Kilani et des courts métrages libyens dont The Mosque (2015) de Farag Al Sharif, 80 (2012) de Muhannad Lamin et The Secret Room (2012) de Ibrahim Shebani, parmi d'autres longs métrages. La section Open Doors qui a déjà mis à l'honneur le cinéma maghrébin en 2005, vise à permettre aux professionnels des pays choisis des échanges avec différents partenaires -européens pour la plupart- dans le but de les aider à finaliser leurs projets. Pour l'année 2015, quatre longs métrages algériens bénéficieront de cette aide. Il s'agit de En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui, Le fort des fous de Narimane Mari, le Sacrifié d'Amine Sidi Boumediene et Ruqya de Yanis Koussim, ainsi que trois films tunisiens et deux marocains. Fort de ses 68 ans d'histoire, le Festival du film de Locarno s'est forgé une place à part dans le paysage des grands festivals de cinéma. Chaque été, Locarno devient la capitale mondiale du cinéma d'auteur. Avec sa merveilleuse ambiance, la Piazza Grande attire tous les soirs jusqu'à 8 000 spectateurs. Créé dans le but de dénicher les nouvelles tendances, le festival de Locarno a souvent été précurseur dans la découverte de jeunes réalisateurs prometteurs, devenus plus tard comme les chefs de file de leurs générations. Citons parmi ceux-ci Claude Chabrol, Stanley Kubrick, Spike Lee ou encore Gus van Sant.