Il fallait faire la démonstration de l'existence d'une armée organisée et structurée décidée à en découdre avec l'une des plus grandes puissances miliaires de la planète. 20 Août 1955. la Révolution n'a pas encore un an. Zighoud Youcef allume le feu et annonce la couleur. L'enfant de Smendou allait s'imposer comme un fin stratège de la lutte armée et un baroudeur hors pair sans peur et sans reproches. L'opération qui sera planifiée durant plusieurs mois restera comme un des hauts faits d'armes de la révolution algérienne. Elle portera l'empreinte d'un de ses plus prestigieux héros, d'une de ses figures les plus attachantes. Des installations militaires et civiles sont ciblées. A Collo, Skikda, ConstantineGuelma... les postes de gendarmerie et de police sont assaillis. Il s'agissait de desserrer l'étau sur l'un des berceaux de la guerre de libération, révéler d'abord à l'ennemi puis au monde que l'insurrection du 1er Novembre 1954 n'était pas qu'un feu de paille et prouver que la détermination du peuple algérien de se libérer de la domination coloniale française s'inscrivait dans l'impérieux objectif que s'est fixé le Front de Libération nationale. La révolution et son peuple allaient se télescoper. L'union est définitivement scellée. «C'était la première fois depuis Novembre 1954 que le peuple allait vers les militants et cherchait leur protection. Les villages coloniaux ont été désertés, les rangs de l'armée de libération se sont renforcés. L'armée est devenue celle du peuple», a affirmé l'historien Daho Djerbal. «La politique française va consister à tenter d'isoler les maquis des populations, empêcher l'approvisionnement en armes et quadriller le pays. Entre 1955 et 1957, les zones interdites vont s'étendre à toute l'Algérie», témoigne Mohamed Harbi dans son ouvrage Le FLN: mirage et réalités. C'est ce verrou que fera sauter le frère d'armes Didouche Mourad pour donner une bouffée d'oxygène à la wilaya des Aurès, un haut lieu de la résistance. «L'insurrection du 20 Août (1955 Ndlr) avait aussi pour but de la soulager de la pression qui s'exerçait sur elle...», souligne Harbi dans une autre oeuvre: L'Algérie et son destin. La population algérienne assoiffée de liberté s'est donnée corps et âme à sa révolution qui lui tendait les bras. Elle devait pour cela en payer le prix lourd. Après l'offensive du Nord Constantinois du 20 Août 1955, les représailles ne se sont pas fait attendre. 7 500 Algériens auraient été tués entre le 20 et le 25 août selon des estimations officieuses glanées auprès de militaires français, rapporte l'historienne Claire Mauss-Copeaux dans un livre intitulé Algérie, 20 août 1955: insurrection, répression, massacres. Le Front de Libération nationale en a dénombré pas moins de 12.000. Cela n'a pas découragé de plus en plus de jeunes Algériens à rejoindre les maquis. Etudiants, lycéens, ouvriers, paysans... constituent l ́ossature de la future armée algérienne. Dans un sursaut patriotique, des officiers, des sous-officiers, des soldats de carrière ont déserté l ́armée française. Tous se sont rués vers les montagnes du Djurdjura et des Aurès pour entretenir la flamme allumée par Zighoud, tombé les armes à la main le 25 septembre 1956 dans un accrochage avec l'ennemi.