Le président Erdogan, veut de nouvelles élections pour récupérer une majorité perdue par son parti, l'AKP Le président turc, accusé de vouloir gouverner seul, a lancé hier le processus pour convoquer de nouvelles élections législatives, prenant un pari risqué en pleine résurgence des violences avec les rebelles kurdes. L'homme fort de Turquie devait rencontrer hier en début d'après-midi le président du parlement, Ismet Yilmaz, préalable à la formation d'un gouvernement de transition qui doit mener la Turquie à des législatives anticipées le 1er novembre. «Si Dieu le veut, la Turquie vivra une répétition des élections, le 1er novembre», a dit le chef de l'Etat vendredi, rompant avec la tradition qui veut qu'il consulte d'abord le président du Parlement avant d'annoncer un scrutin. La Turquie est dans une impasse politique depuis les législatives du 7 juin qui ont vu le Parti de la justice et du développement (AKP) de M.Erdogan perdre la majorité absolue qu'il détenait depuis 2002, le contraignant à trouver un partenaire pour continuer de gouverner. Les tractations du Premier ministre Ahmet Davutoglu avec l'opposition pour former une coalition n'ont rien donné, l'impasse politique se doublant d'une crise sécuritaire avec la reprise des combats entre l'armée et la rébellion du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Constatant l'échec de M.Davutoglu alors que la date-limite pour la formation d'un nouveau gouvernement expirait dimanche, M.Erdogan aurait dû faire appel la semaine dernière au chef de l'opposition social-démocrate (CHP, Parti républicain du peuple), Kemal Kiliçdaroglu. Mais le chef de l'Etat a une nouvelle fois rompu avec la tradition et la Constitution, justifiant son refus de solliciter M. Kiliçdaroglu par le fait que celui-ci refuse de reconnaître son palais présidentiel controversé situé dans la banlieue d'Ankara. «Pourquoi devrais-je inviter quelqu'un qui ne connaît même pas le chemin de Bestepe?», a ironisé M. Erdogan. «Nous sommes face à un coup d'Etat civil», s'est insurgé dimanche Kemal Kiliçdaroglu. «Aucune loi n'est respectée en ce moment en Turquie, la démocratie est suspendue, tout comme la Constitution», s'est-il indigné. Pour les analystes, la décision de M.Erdogan de provoquer des législatives anticipées est risqué, vu le climat délétère et de confusion générale qui règne depuis plusieurs semaines en Turquie, et les retombées de la crise pourraient être sévères pour une économie en berne. «Le jeu est très risqué. Si l'AKP échoue une deuxième fois à s'assurer d'une majorité, on pourra assister à un déclin du parti», a commenté le politologue-journaliste Serkan Demirtas. Un nouveau revers électoral pour le parti de M.Erdogan pourrait provoquer une implosion de cette formation, estime-t-il. M.Erdogan ambitionne quant à lui de sortir renforcé du scrutin en captant le suffrage nationaliste alors que la guérilla kurde inflige quotidiennement des pertes dans les rangs de l'armée et de la police. Les récents sondages montrent ainsi une progression de l'AKP à 43% d'intentions de vote (contre 41% aux législatives de juin), ce qui lui permettrait de retrouver sa majorité.D'après la Constitution, tous les partis représentés au Parlement devraient participer au futur gouvernement de transition, qui sera une première depuis 1971. Mais l'opposition a d'ores et déjà clairement exclu une participation, à l'exception du parti pro-kurde de la démocratie des peuples (HDP). En remportant 13% des suffrages aux législatives de juin, le HDP avait mis un terme au règne sans partage des islamo-conservateurs, enterrant le projet de M.Erdogan de présidentialiser le système. Devenu la bête noire du régime, le HDP, par la voix de son jeune leader, Selahattin Demirtas, à un nouvelle fois appelé ce week-end le PKK a arrêter «sans condition» les hostilités. Mais Cemil Bayik, un commandant du PKK retranché dans le nord de l'Irak, lui a répondu que «Tant que le problème kurde n'est pas réglé (...) personne ne peut nous faire déposer les armes». Hier, deux soldats et un policier ont été tués dans de nouvelles violences.