Les pertes américaines et le chaos qui s'est installé dans tout le pays sont un souci permanent pour l'administration Bush. Cent soixante-sept «résistants» non irakiens ont été présentés, il y a trois jours, à la télévision locale pour appuyer la thèse officielle d'une dégénérescence de la guerre par le biais de groupes étrangers de djihadistes plus ou moins proches d'Al Qaîda. Les cent soixante-sept hommes ont été longuement fixés par l'objectif de la caméra : barbe hirsute, cheveux courts ou tressés, l'oeil sournois et résolu et l'accoutrement similaire à celui des chefs d'Al Qaîda, avec le pantalon, les sandales ou le soulier plat et le long gilet afghan. En clair, tout ce qui peut indiquer qu'on a affaire à des mercenaires du djihad. Des chaînes de télévision arabes ont énuméré quelques pays d'où seraient originaires les djihadistes, dont l'Algérie, mais sans en préciser le nombre exact ni le lieu de leur détention. Par ailleurs, par le biais des images, le gouvernement d'Iyad Allaoui a tenu à réaffirmer qu'il se trouve bien en face d'une guérilla de type Al Qaîda dont se trouve détachée la population irakienne. Evidemment, tout le monde sait que des groupes djihadistes, venus d'en dehors de l'Irak, mènent la guerre contre les troupes américaines, mais il serait vain et puéril de dire que les Irakiens ne sont pas concernés par la guérilla. En fait, Iyad Allaoui a voulu que la transmission de ces images soit un prélude aux attaques américaines contre Falloujah et une justification au couvre-feu décrété dès le lendemain et étendu à l'ensemble du territoire, hormis le Kurdistan irakien. De ce fait, Allaoui peut procéder à un transfert de pouvoir à l'autorité militaire, en l'occurrence américaine, et permettre à la police locale d'intervenir, surtout de nuit, et procéder à de larges arrestations dans les couches de la jeunesse urbaine, qui constitue l'ossature de tous les groupes de la résistance locale, aussi bien sunnite que chiite. Il est clair que les pertes américaines, qui se comptent au quotidien, et le chaos qui s'est installé dans tout le pays sont devenus un souci permanent pour l'administration Bush qui sait bien que sans une répression soutenue contre les groupes résistants, tout en les discréditant par ailleurs vis-à-vis des populations locales, la guerre d'usure risque encore de perdurer avec tous les effets pour la politique étrangère US. En réalité, nous assistons à plusieurs types de résistance en Irak. Les djihadistes convaincus, proches d'Al Qaîda, dont le groupe d'Al Zarkaoui constitue le porte-drapeau. Les résistants djihadistes autonomes de type «guérilla urbaine», dont se réclament «les Etendards noirs», «Brigades d'Abou Bakr», «Ansar Essuna»... etc, tous d'obédience sunnite. Il y a aussi des djihadistes chiites qui survivent au démantèlement de «l'armée du Mehdi» et qui n'ont plus d'attache organique avec Moktada Sadr. Ceux-là continuent leur guerre en se basant sur la charia et sur leurs conceptions politiques, sans même plus se référer à l'ayatollah Sistani, référent doctrinal suprême du chiisme irakien. Entre tous ces groupes, des jeunes desperados de la résistance trouvent leur place aux côtés de vieux militaires de la Garde républicaine et qui ont une revanche à prendre sur leurs concitoyens, après la chute «humiliante» de Bagdad. En termes clairs, il est difficile de percer les visées de tel ou tel groupe et il reste encore beaucoup de marge de manoeuvre pour les manipulateurs politiques de tous bords.