Les Américains comptent leurs morts et aussi leurs échecs jusque-là imputés aux dirigeants irakiens marqués, quant à eux, par une incroyable incapacité à surmonter leurs divergences. Ils constatent, chaque jour, que leur pays est le théâtre de tous les types de guerre. Contre un occupant, entre ethnies différentes et au sein d'une même ethnie. La question que les Américains se posent est marquée par cette incroyable complexité : faut-il se retirer d'Irak, et comment, si la réponse venait à être affirmative ? Tout d'abord, ce que les Américains appellent la guerre de Bush coûte excessivement cher. Tous les calculs se sont avérés faux, et pourtant, la situation est telle, aujourd'hui, que les démocrates, qui avaient voté en faveur de la guerre avant d'appeler au retrait, semblent eux-mêmes incapables de présenter une alternative. Que sera l'Irak en cas de retrait ? Plus grave que cela, quel sera l'impact de la crise irakienne sur une région déjà sensible ? Sept militaires américains ont été tués, jeudi, dans des opérations de combat en Irak, dont quatre dans la province occidentale d'Al Anbar, présentée par les responsables américains comme un « succès ». Le commandement américain a indiqué, hier, que quatre marines avaient été tués au cours d'opérations de combat à Al Anbar, jeudi, alors même qu'un influent sénateur américain, Joseph Biden, candidat à la Maison-Blanche, se trouvait dans la capitale provinciale, Ramadi. Dans un autre communiqué, l'armée américaine a fait état de la mort de trois soldats, tués sur une route de la province majoritairement sunnite de Ninive (nord-ouest) par l'explosion d'un engin piégé. La province d'Al Anbar est un bastion de la résistance irakienne et, il y a peu, l'un des théâtres d'opérations les plus dangereux pour les GI's. L'armée américaine y met en œuvre, depuis plusieurs mois, une stratégie d'alliance avec les chefs tribaux locaux pour lutter contre la branche irakienne d'Al Qaïda, une tactique qui a permis d'enregistrer « de remarquables succès », selon l'administration du président George W. Bush. Les nouveaux décès portent à 3749, le nombre de militaires américains tués depuis l'invasion de l'Irak, en mars 2003, selon un décompte basé sur des chiffres du Pentagone. Le contingent américain en Irak compte, actuellement, 168 000 hommes, un niveau record depuis l'invasion puis la chute du régime de Saddam Hussein, en avril 2003. L'administration du président Bush doit défendre sa stratégie en Irak devant le Congrès américain d'ici au 15 septembre. Des auditions du général David Petraeus, commandant des forces américaines en Irak, et de Ryan Crocker, l'ambassadeur des Etats-Unis à Baghdad, sur l'évaluation de la situation, sont prévues la semaine prochaine. Le commandant des forces américaines semble prêt à envisager, pour janvier, le retrait d'une brigade, soit quelque 4000 soldats sur les 168 000 actuellement présents en Irak, rapportait, hier, le New York Times, citant des sources gouvernementales et militaires. Le général David Petraeus a dit au président George W. Bush qu'il estimait nécessaire de maintenir, l'année prochaine, le niveau actuel de troupes, indique le quotidien new-yorkais, citant ces sources sous couvert d'anonymat. Mais il pourrait accepter d'envisager le retrait d'une première brigade, soit environ 4000 militaires, en janvier prochain, comme une concession au Congrès qui demande une réduction des effectifs présents en Irak. Le général Petraeus « s'inquiète des risques, et, autant que possible, aimerait garder des effectifs aussi élevés que possible », a déclaré au journal un haut responsable militaire. Devant le Congrès, le général devrait également discuter de la possibilité, dans les mois qui suivront, de commencer à ramener, progressivement, le niveau des troupes à 130 000 – celui de janvier 2007 – avant « l'intensification » décidée par George W. Bush. En tout état de cause, les Américains, las de la guerre, devraient savoir, dans les prochains jours, si leurs soldats commenceront bientôt à rentrer d'Irak ou si leur Président leur demandera des mois de patience supplémentaires. George W. Bush devrait annoncer, d'ici à la fin de la semaine prochaine, une décision qui fera du bruit dans un débat politique phagocyté par l'Irak. Il a jusqu'au 15 septembre, pour soumettre un rapport évaluant la situation militaire et politique en Irak et dire quels ajustements sont nécessaires. Un an avant la prochaine présidentielle, la question irakienne consomme les énergies dans le bras de fer entre la Maison-Blanche et une majorité démocrate que la guerre a fortement contribué à élire et qui pousse à un retrait. Avec les élections de 2008, la bataille entre le Congrès et M. Bush risque de s'intensifier quand le Parlement débattra du financement de la guerre. Cependant, les experts font valoir que M. Bush est en position de force, tant il est improbable que les démocrates rallient assez de républicains et réunissent assez de voix au Congrès pour surmonter un veto que M. Bush a déjà opposé, en 2007, à leur calendrier de retrait. Les Américains n'ont pas gagné la guerre, mais les Irakiens restent les plus grands perdants avec un pays dévasté, des fractures jamais connues auparavant, et la perte d'infrastructures importantes.