Le patrimoine mondial de l'humanité à nouveau mortellement blessé à Palmyre par les hordes sauvages et rétrogrades Le groupe Etat islamique (EI) a rasé le joyau de l'Humanité que représentait le temple de Bêl dans la cité antique de Palmyre en Syrie, et les experts sont convaincus que la rage destructrice des jihadistes se poursuivra. «Ils ont tué Palmyre», s'est lamenté hier le directeur des Antiquités de Syrie, Maamoun Abdelkarim, après la diffusion dans la nuit de photos satellitaires de l'ONU confirmant la destruction du plus grand temple du site. «Il s'agissait du plus beau symbole de toute la Syrie. Et nous l'avons perdu à tout jamais», a-t-il ajouté, en y voyant «le dernier acte avant la destruction complète de Palmyre». Lundi soir, l'Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (Unitar) a déclaré pouvoir «confirmer la destruction du bâtiment principal du temple de Bêl ainsi que celle d'une rangée de colonnes qui le jouxte», après avoir comparé des images satellite avant et après l'explosion. Sur une image datée du 27 août, une structure rectangulaire entourée de colonnes est clairement visible, alors que sur un autre cliché pris lundi, on ne distingue plus que quelques colonnes, en bordure du site. Ce temple érigé il y a 2.000 ans est le plus connu des monuments de la ville antique, qui figure au Patrimoine mondial de l'Humanité de l'Unesco et qui était visité avant la guerre par 150.000 touristes chaque année. L'EI s'était emparé le 21 mai de Palmyre (Tadmore), à 205 km à l'est de Damas, après en avoir chassé les forces gouvernementales, suscitant aussitôt la crainte pour l'avenir du patrimoine syrien. Le 23 août, les jihadistes avaient totalement détruit à l'explosif le temple de Baalshamin. Quelques jours plus tôt, ils avaient mutilé le corps de l'ex-patron des Antiquités de Palmyre, Khaled al-Assad, 82 ans, après l'avoir exécuté puis pendu à un poteau. Palmyre recèle les plus beaux trésors de Syrie, notamment «des dizaines de tombeaux à étage, le théâtre et le temple de Nabu dont il ne reste que les fondations», a précisé Maamoun Abdelkarim. Le grand théâtre romain, datant du IIè siècle, n'a pas été jusqu'à présent endommagé, mais l'EI y a procédé à des exécutions publiques de soldats par des enfants de membres du groupe jihadiste. En s'attaquant aux monuments, l'EI savait qu'il allait susciter l'indignation au niveau international, ce qui était son objectif, estiment des experts. Il agit ainsi pour «faire la une de l'actualité et malheureusement nous tombons dans ce piège», a regretté Cheikhmous Ali, directeur de l'Association pour la protection de l'archéologie syrienne (Apsa), basée en France. «Je pense qu'il ne faudrait pas donner ces informations car plus nous médiatisons leurs actes sauvages, plus ils vont recommencer et on les sert sans le savoir en diffusant leur message», explique cet expert en archéologie et opposant au régime. Pour lui, «ces barbares n'ont aucune culture» et ils cherchent à «faire pression pour torturer la population» en supprimant «sa mémoire collective» alors que le tourisme historique est «la première ressource à Palmyre». L'EI agit ainsi sur les territoires de ce qu'il considère comme son «califat» à cheval entre l'Irak et la Syrie. Il a ainsi déjà détruit en Irak des statues, des mausolées et des manuscrits, notamment à Mossoul, et ont démoli les anciennes cités de Nimroud et de Hatra. Pour Charlie Winter, analyste à la Quilliam fondation basée à Londres, ces destructions d'antiquités «ont une réelle signification dans la vision du monde des jihadistes car elles représentent le symbole de polythéisme. Ils s'agit d'oeuvres préislamiques et elles sont donc considérées par eux comme ne méritant pas d'exister». Mais il s'agit aussi pour eux de faire toujours la une de l'actualité au moment où leurs exécutions sauvages ne suscitent plus la même attention des médias. «Les vidéos de l'EI d'hommes brûlés vifs ne font plus la une de l'actualité à l'inverse de Palmyre; et l'EI sait distinguer la puissance symbolique de la destruction des ruines», assure M. Winter. L'EI peut aussi se sentir coincé alors que l'armée syrienne se rapproche de la ville. «Plus l'EI aura le sentiment qu'il risque de perdre Palmyre, plus grande est la possibilité qu'il détruise ce qui reste», avertit le chercheur.