Les dirigeants palestiniens profitent de chaque heure pour organiser la succession et éviter tout débordement dans les territoires autonomes. Finalement, la visite éclair à Paris des quatre hauts dirigeants palestiniens aura servi à lever toutes les équivoques et à mettre un terme aux spéculations relatives à l'état de santé du président de l'Autorité palestinienne. Yasser Arafat agonise. Pour dur qu'il soit, le mot est le plus proche de la vérité. C'est désormais une question de jours, voire d'heures, que l'annonce de la mort du Vieux Lion n'en soit faite. Celui-ci se trouve dans un coma profond, et très probablement irréversible, puisqu'il souffre également d'une hémorragie cérébrale que les médecins n'arrivent pas à contenir. La raison en est la trop grande faiblesse du mourant, empêchant toute opération chirurgicale, qui plus est inutile. Si les dirigeants palestiniens ont démenti publiquement qu'Arafat ait pu être la victime d'un empoisonnement, les services de ce pays, mais aussi ceux d'autres Etats, notamment arabes et occidentaux, enquêtent très sérieusement en vue de déterminer avec exactitude l'état d'implication d'Ariel Sharon dans la brusque et inexpliquée détérioration de l'état de santé d'Abou Ammar. D'ores et déjà, les préparatifs de ses funérailles, de son enterrement et de sa succession se poursuivent d'arrache-pied sans la moindre discrétion. La direction palestinienne, qui ne fait plus mystère, donc, de l'agonie de son chef charismatique, a simplement indiqué hier qu'elle «n'annoncera pas le décès de Yasser Arafat avant d'en avoir été officiellement informée par les autorités françaises». C'est ce qu'a indiqué Salah Rafat, membre du comité exécutif de l'OLP. Dans le même temps, l'annonce est faite par Tayeb Abdelrahim, secrétaire de la présidence de l'Autorité, que ce sera Rawhi Fattouh, le président du parlement palestinien, un des quatre membres de la «délégation parisienne», qui «exercera, après un décès de Yasser Arafat, les fonctions du président de l'Autorité palestinienne pendant 60 jours». Parallèlement, et tout aussi officiellement, nous confirmons une information que nous avions donnée au tout début de cette semaine. En effet, l'Egypte se prépare à organiser des funérailles, qualifiée d' «officielles et limitées» pour le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, après l'annonce de son décès, en présence d'un aréopage de dirigeants arabes. La possibilité que des dirigeants d'autres nations, y compris occidentales, à commencer par la France, n'est guère écartée. En revanche, la cérémonie ne sera en aucune façon ouverte aux populations, a tenu à préciser Magued Abdelfettah, porte-parole de la présidence égyptienne. Cette décision vise certainement à éviter tout risque de débordement, connaissant la promiscuité qui existe entre l'Egypte et la Mouqataâ où Arafat devrait être inhumé par «accord» de Sharon, lequel conditionne l'éventuel transfert de la dépouille aux concessions attendues des futurs dirigeants palestiniens. C'est dans le même contexte que des instructions très fermes ont été données aux palestiniens de ne pas tirer en l'air afin de ne pas provoquer de troubles, ni pousser les colons sionistes à profiter de l'aubaine pour mener de nouvelles offensives. Les dernières heures du Vieux Lion La décision d'organiser en Egypte les funérailles d'Arafat, né le 4 août 1929 au Caire, a été prise par le président Hosni Moubarak, avec l'accord préalable de l'Autorité palestinienne. Le président égyptien s'était auparavant entretenu de ce sujet avec le président yéménite, Ali Abdallah Saleh et la «troïka» qui gère les affaires palestiniennes depuis l'admission d'Arafat dans un hôpital militaire parisien: l'ancien Premier ministre Mahmoud Abbas (Abou Mazen), le Premier ministre en exercice, Ahmed Qoreï (Abou Alaa) et le président du Conseil législatif, Rouhi Fattouh. Les détails de la cérémonie funéraire ne seront révélés qu'après l'annonce officielle du décès de M.Arafat, a-t-on toutefois indiqué de sources égyptiennes, pour d'évidentes raisons de sécurité. Les forces de sécurité et les autorités aéroportuaires se sont préparées dès la nuit de mardi à mercredi à, si cela se confirme, acueillir le cercueil de M.Arafat à l'aéroport international du Caire. Un responsable de l'aéroport a indiqué sous le sceau de l'anonymat, que la réunion avait pour objet de «prendre toutes les dispositions nécessaires et de se préparer à recevoir le cercueil d'Arafat», lors de son transit éventuel par l'aéroport du Caire vers les territoires palestiniens. Cela explique aussi pourquoi une demande avait été formulée auparavant pour le transfert d'Arafat vers l'Egypte. Son cas étant jugé désespéré depuis plusieurs jours déjà, il aurait été judicieux ainsi qu'il meure dans sa terre natale, et plus près du sol pour lequel il s'est toujours battu, sans jamais baisser les bras, ni désespérer un seul instant. Ainsi, le chef palestinien doit être inhumé selon les rites musulmans à Ramallah, dans la Mouqataâ, son QG où il était assigné à résidence par Israël depuis près de trois ans. A ce propos, de plus en plus d'informations indiquent que même si Arafat n'a peut-être pas été directement empoisonné par les sbires de Sharon, cette longue période de siège, durant laquelle Arafat était privé de médicaments et de nourriture suffisante et décente, a grandement contribué à l'affaiblir et à provoquer certaines des complications signalées par ses médecins traitants dans leurs bulletins de santé. La Ligue arabe, dont l'Autorité palestinienne est membre, devrait organiser de son côté un hommage à Yasser Arafat, dont l'ordonnancement n'a pas encore été révélé. Pendant que les préparatifs à l'échelle des Etats se poursuivent donc, Arafat continue son agonie, sous l'oeil torturé et attendri de milliards de personnes sympathisants de la cause palestinienne et éprouvant le plus grand respect pour le combat sans faille et les énormes sacrifices consentis par le père spirituel de la cause palestinienne. Ainsi, le chef des tribunaux religieux en Palestine, l'imam Tayssir Al Tamimi, ami personnel du président de l'Autorité, s'est-il rendu hier au chevet de Yasser Arafat. Des funérailles sous très haute surveillance Même si ce dernier en est à la phase terminale de sa vie, l'imam garde foi en Dieu et en ses miracle: «Tant qu'il y a de chaleur et de la vie dans son corps, on ne peut débrancher les équipements. C'est interdit par la charia», a-t-il ainsi déclaré à la presse à son arrivée à l'hôpital Percy de Clamart. La veille, mardi, le Premier ministre, Ahmad Qoreï, le «numéro 2» de l'OLP, Mahmoud Abbas, M.Chaâth et le président du Conseil législatif palestinien, Rawhi Fattouh, s'étaient rendus auprès de M.Arafat et avaient été reçus par le président français Jacques Chirac et le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier. Une occasion pour tous de lever le voile sur le véritable état de santé d'Arafat, désormais désespéré, et d'écarter sa femme, Souha, de la gestion directe d'une question aussi sensible, intéressant au plus haut point le devenir et la stabilité d'une partie de la planète.