Admis à l'hôpital militaire Percy en France, le président palestinien y a subi une série d'analyses. Selon des indications de proches du président Arafat, qui était accompagné à Paris par son épouse Souha Arafat, l'état de santé d'Abou Ammar était hier stationnaire alors qu'un bilan serait sans doute disponible dans les quarante-huit heures, encore que d'après la représentante de l'Autorité palestinienne à Paris, Leïla Shahid, il faudra attendre plusieurs jours pour l'établissement d'un bilan complet du président Arafat. De fait, des responsables palestiniens ont dû, tout au long des dernières soixante-douze heures démentir les propos alarmants autour de la santé de Yasser Arafat, estimant «infondées» les spéculations sur la santé du président, certes, gravement malade, mais loin, comme le laissaient entendre d'aucuns, à l'article de la mort. Ce qui est vrai en revanche est que cette maladie du président Arafat, âgé de 75 ans, va sans nulle doute précipiter outre la bataille pour la succession, la décantation du champ politique proche-oriental. Hier, pour la première fois, le comité exécutif de l'OLP, CE/PLP, s'est réuni en l'absence de l'inamovible président palestinien qui est sur le front du combat pour le libération de la Palestine depuis 60 ans. Cette réunion, au départ ordinaire, puisque prévue depuis longtemps dans le calendrier de travail des responsables palestiniens, s'est transformée eu égard aux événement des ces derniers jours en rencontre de solidarité et d'allégeance au président Arafat. Présidé par Mahmoud Abbas, secrétaire général du CE/OLP, et partant n°2 de la hiérarchie palestinienne, en présence du Premier ministre Ahmed Qorei et du président du Parlement, Rawhi Fettouh et d'autres responsables palestiniens, la rencontre eut lieu au QG de la Mouqataâ à Ramallah, ici même où Abou Ammar est confiné depuis trois ans par l'armée d'occupation israélienne. Hier, au moment où nous écrivons ces lignes, aucune déclaration n'a été faite par le CE/OLP sur les décisions prises par le comité exécutif, en revanche, à sa sortie de la réunion, Mahmoud Abbas a appelé à l'unité du peuple palestinien en ces moments difficiles déclarant à la presse: «Nous appelons toutes les forces de notre peuple et ses factions à s'unir et à travailler ensemble de manière responsable afin de protéger notre patrie et empêcher toute tentative d'y porter atteinte», soulignant: «Nous prions Dieu pour une guérison de notre dirigeant afin qu'il retourne à son peuple qui a encore fort besoin de lui.» En fait, ce qui faut relever au moment où le président Arafat se trouve sur son lit de souffrance, c'est le loyalisme envers sa personne dont font montre les responsables palestiniens toutes tendances confondues. Contrairement à ce qu'ont dit ou écrit les médias aucune décision n'a été prise, jusqu'ici, et si de par leur fonction, et aussi de leur notoriété au plan international, Mahmoud Abbas, ancien Premier ministre et secrétaire général du CE/OLP, et Ahmed Qorei, Premier ministre, apparaissent comme le nouveau duo dirigeant de l'Autorité palestinienne, rien en fait n'est venu conforter ces estimations. De fait, la loi fondamentale palestinienne, qui tient lieu de Constitution, prévoit que le président du Conseil législatif palestinien (CLP, Parlement) exerce le pouvoir par intérim en cas de décès ou d'incapacité du président de l'Autorité palestinienne, pendant une période de 60 jours avant la tenue d'élections présidentielles. Et actuellement, c'est Rawhi Fettouh, qui a succédé à Ahmed Qorei, nommé l'an dernier Premier ministre - suite à la démission de Mahmoud Abbas - qui assure la présidence du Parlement palestinien. En réalité, la réunion du comité exécutif de l'OLP aura surtout servi à assurer la continuité du pouvoir. En ces heures difficiles, les tendances palestiniennes qui se déchiraient il y a à peine quelques jours, ont mis leurs divergences de côté, renouvelant leur loyauté au président malade et oeuvrant à la continuité de pouvoir pour éviter un vide qui serait préjudiciable à la cause palestinienne. Toutefois, tout va dépendre de la gravité réelle de la maladie de Yasser Arafat, du bilan général de sa santé des recommandations de ses médecins traitants. Il est de fait que si son état de santé doit le tenir éloigné pour longtemps des affaires de l'Autorité palestinienne, il va de soi qu'une réévaluation de la situation aura lieu et c'est seulement à ce moment-là que sans doute certains appétits vont se faire valoir. Aussi, pour le moment, l'heure est plutôt à l'espoir, et si des ambitions existent, elles ne sont pas prêtes à se déclarer. De fait, jusqu'à nouvel ordre, tous les regards convergent vers cette chambre spéciale, de l'hôpital militaire Percy à Clamart, aménagée par les autorités françaises pour recevoir le président palestinien, considéré comme étant une «Très haute autorité» par Paris, qui estime Yasser Arafat incontournable dans tout processus de paix au Proche-Orient. Avec la question irakienne, c'est là l'une des divergences majeures entre la France et les Etats-Unis pour lesquels, reprenant l'antienne israélienne, Yasser Arafat était «caduc». Ainsi, George W. Bush, qui a reçu durant son mandat à plusieurs reprises le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a totalement boycotté le président palestinien estimant que «Arafat n'est pas un partenaire, mais un problème pour la paix». Pour Jacques Chirac, le président palestinien est un président légitime car élu démocratiquement par son peuple en 1996, et en conséquence refuse sa mise à l'écart réitérant que Arafat est «incontournable dans tout processus de paix». De fait, passant outre «l'interdiction» de Sharon de visite de personnalités étrangères à Arafat, le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, a rencontré le président palestinien à la Mouqataâ le 30 juin dernier, indiquant entre autres que «Pour la France, rien ne se fera sans ou contre Arafat dans le processus de paix. L'Histoire, souligne-t-il, nous apprend qu'on ne choisit pas son adversaire». L'ancien journaliste et ancien ambassadeur français à Tunis, Eric Rouleau explique pour sa part «La divergence avec Bush est une affaire politique. Car, il y a un non-dit : pour les Européens, en rejetant Arafat, la droite israélienne et les Etats-Unis dirigés par les néo-conservateurs, ont une arrière-pensée, celle de refuser en fait des négociations, des concessions». Avec, Israël, les Etats-Unis de George W.Bush, refusent en fait l'érection d'un Etat indépendant palestinien co-existant aux côtés de l'Etat hébreu en dépit de l'assurance du président américain et sa vision de deux Etats cohabitant sur le territoire de la Palestine historique. Et c'est celle-là la vraie problématique du contentieux israélo-palestinien.