Après les attentats qui ont fait 129 morts à Paris vendredi soir, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a demandé aux médias de rester discrets sur certaines informations concernant les attaques, pour ne pas compromettre l'enquête. «Le Conseil supérieur de l'audiovisuel attire très vivement l'attention des rédactions des télévisions et des radios sur la nécessité de ne donner aucune indication susceptible de mettre en cause les enquêtes en cours dans les circonstances tragiques que vit notre pays», selon le communiqué. Le CSA réagit pour éviter que les derniers épisodes des attentats de Charlie Hebdo, ne se reproduisent. En effet, en février dernier, le CSA avait adressé 21 «mises en demeure» à des médias audiovisuels pour des «manquements graves» dans leur couverture des attentats à Paris du 7 au 9 janvier 2015. Plusieurs ex-otages de l'épicerie Hyper Cacher de la porte de Vincennes ont en effet porté plainte contre X pour «mise en danger de la vie d'autrui» après notamment la diffusion de certaines informations sur BFM TV. Le 9 janvier dernier, alors qu'Amedy Coulibaly était encore retranché, les armes à la main, à l'intérieur du magasin, un journaliste de la chaîne info avait dit: «Il y a une personne, une femme, qui se serait cachée dès le début, dès l'arrivée de cet homme à l'intérieur du supermarché, qui s'est cachée dans une chambre froide, qui s'est réfugiée dans la chambre froide et qui y serait encore, qui serait à l'intérieur de la chambre froide, donc à l'arrière de l'établissement.» Ces médias avaient réagi, estimant que l'information est «menacée» par ces sanctions. La quinzaine de médias tancés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel a estimé mercredi dans une lettre ouverte que l'information était «menacée» par les sanctions de cette autorité concernant leur couverture des attentats contre Charlie Hebdo. «En l'absence de discussion contradictoire, le CSA a rendu une décision sans précédent, infligeant pas moins de 36 mises en demeure et mises en garde, jetant le discrédit sur le travail des rédactions de la quasi-totalité des radios et télévisions françaises publiques et privées», écrivent les directeurs des rédactions sanctionnées, dans une lettre intitulée «l'information menacée». «La liberté de la presse est un droit constitutionnel. Les journalistes ont le devoir d'informer avec rigueur et précision. Le CSA nous reproche notamment d'avoir potentiellement attenté à l'ordre public ou pris le risque d'alimenter les tensions au sein de la population. Nous le contestons», poursuivent les patrons de TF1, France 2, France 3, France 24, BFM TV, iTELE, LCI, Euronews, France Inter, France Info, RTL, Europe 1, RMC et RFI. «Dans quelle autre grande démocratie reproche-t-on aux médias audiovisuels de rendre compte des faits en temps réel?», poursuit la lettre ouverte qui a été rédigée à TF1. Après avoir analysé 500 heures de programmes, le CSA a adressé à 16 médias 36 avertissements pour avoir, pendant leurs directs sur les prises d'otages de janvier, révélé des informations sensibles, susceptibles de mettre en péril la vie des otages. Avec la menace d'amendes ou d'autres sanctions en cas de récidive. La semaine dernière, les télés et radios concernées par les critiques du CSA avaient déjà vivement protesté, dénonçant une forme de censure qui ne profitera, selon elles, qu'au flot de rumeurs véhiculées par les réseaux sociaux. La situation reste instable puisque, les enquêteurs poursuivent des éventuels complices des terroristes, en révélant certains détails les télévisions peuvent faire fuir les personnes impliquées directement ou indirectement dans les attentats. [email protected]