«El Oualiyou Essalah» du théâtre régional de Batna, présentée dimanche dernier en avant-première dans la capitale des Aurès, a démontré la capacité de son metteur en scène, Omar Fetmouche, à battre en brèche les conventions et le conformisme «légués» au 4ème art algérien. L'auteur de «Ech-Cheikh Mamatch» a parfaitement réussi sa «rébellion» contre la traditionnelle «boîte noire» dont il s'est affranchi en permettant au public, partie prenant de l'oeuvre, de devenir «l'architecte» de la transformation de la salle de théâtre. «Il était temps que nous nous affranchissions des règles de la «boîte noire» telles qu'elles ont été établies et imposées par le colonisateur, et qui ont fait qu'aujourd'hui nous réfléchissons et vivons selon ces règles à un moment où nous devons donner sa propre personnalité au 4ème art algérien, maghrébin et arabe», avait expliqué Fetmouche lors d'une récente conférence de presse de présentation de la pièce où il avait promis, au passage, une «belle surprise». Le public batnéen était visiblement aux anges, heureux de constituer l'un des personnages muets de cette pièce adaptée pour le théâtre par Mohamed Bourahla à partir du roman du regretté Tahar Ouettar «El Oualiyou Ettahar Ya'oudou ila maqamihi Ezzaki» (le saint homme retourne à son sanctuaire). L'assistance, nombreuse, n'a pas tardé à se «fondre» dans la pièce, faisant renouer le père des arts avec sa vocation première, originelle, qui voyait les spectateurs constituer un élément actif d'une oeuvre théâtrale. Les événements d'«El Oualiyou Essalah», dont la générale sera donnée lundi prochain sur le Vieux Rocher dans le cadre de la manifestation «Constantine, capitale 2015 de la culture arabe», se déroulent dans un lieu saint situé tout en haut d'une montagne où s'est réfugié un groupe de personnes fuyant une maladie dévastatrice, décidés de retourner aux sources de la «Tariqa» pour y échapper. La belle Mordjana, proche du Cheikh rayonnant sur ce lieu, sème un vent de crise, conduisant les dévots, convaincus que la maladie ravageuse a affecté leur Cheikh, se rebellent contre lui. Les péripéties du récit, remarquablement (d'un avis partagé par tous les spectateurs) mis en scène par Omar Fetmouche, se déroulent dans une atmosphère mystique, fervente, baignant dans les senteurs d'encens, accentuant l'interactivité de la pièce jouée sur une scène prolongée jusque dans les rangées des spectateurs, complètement pris au jeu, ayant l'impression de se trouver eux-mêmes dans le lieu saint. «Nous avons voulu, à travers ce travail, dira Omar Fetmouche, donner sa propre identité au théâtre algérien, conforter son indépendance par rapport aux clichés éculés et consolider son caractère éminemment populaire».