Le succès du cinéma algérien à Carthage a relancé le débat sur l'appartenance du film. Sur les quatre productions algériennes récompensées, seul un seul film est financé par les pouvoirs publics: «Le Puits» de Lotfi Bouchouchi coproduit majoritairement par l'Aarc. Pour le reste des films, ce sont des productions privées financées par l'argent du contribuable français. Ainsi, le film «Madame Courage» de Merzak Allouache qui est produit par la société Neon Productions installée à Marseille et dirigée par Antonin Dedet, un producteur français très coté sur la place cinématographique française, pour avoir notamment produit, le film «Un Prophète», a bénéficié d'une aide à la production du CNC français le mois de juillet 2014. D'ailleurs, c'est sur la base d'un film majoritairement français que le film a été envoyé pour participer à un festival en Israël. Le réalisateur Merzak Allouache qui a osé défier l'Algérie, n'a pas été sanctionné pour sa dérive et sera même présent au Festival du film méditerranéen à Annaba. Le deuxième film à avoir remporté un grand succès à Tunis, est le documentaire de Hassen Ferhani «Dans ma tête un rond-point», qui est également une production française, financée par la société «Centrale électrique» installée à Paris et dirigée par une Algérienne Narimane Mari, et par un Français Olivier Boischot. Enfin, le court métrage d'Omar Belkacemi, est une production indépendante, qui a bénéficié d'une aide à la production française. Pourquoi ces trois films financés par l'argent français, n'ont pas été financés par l'Algérie? parce que tout simplement, les scénarios n'ont pas été envoyés au Fdatic, organisme qui est censé accorder un financement aux films algériens. Les histoires sont très critiques envers le pays et offrent une image parfois crue de la société algérienne: chômage, injustice, bureaucratie, malaise, frustration, drogue, suicide et harga, autant de thèmes retrouvés dans ces films à thème d'une puissance humaine irrésistible. Même si le film «Madame Courage» a bénéficié d'un financement du Fdatic de 20 millions de dinars, Merzak Allouache était sûr de son coup. Il avait terminé le tournage et le film avait déjà bénéficié d'un financement français et arabe, les 40% de l'argent algérien ne devaient servir qu'à régler les factures algériennes d'hébergement, de restauration et de comédiens locaux. Ce qu'il faut savoir aussi, c'est que les films qui sont financés par le CNC français sont favoris pour être sélectionnés dans les grands festivals français et parfois même on leur donne des prix pour prouver que l'investissement était sûr et une très forte opération est assurée pour faire la promotion de l'oeuvre. Aux JCC, ce n'est pas que le jury qui décide des prix à accorder, les sponsors du JCC choisissent aussi les films à récompenser. C'est ainsi que l'OIF et TV5 ont accordé des prix aux films qui défendent le plus l'idéal de la Francophonie. Aujourd'hui, on n'est pas dans le même circuit de distribution cinématographique, l'Algérie dépense des milliards dans des films sur la révolution, qui ne servent parfois ni la révolution ni le cinéma algérien, comme ce fut le cas pour certains films présentés ces derniers temps à Alger. Seuls certains cinéastes au talent reconnu comme Lotfi Bouchouchi, Lakhdar Hamina, Lyes Salem, Rachid Bouchareb ont réussi à tirer leur épingle du jeu en mettant l'image de leur pays au-dessus de toute considération commerciale ou politique. [email protected]