L'Algérie doit s'attendre à des passages difficiles «Si quelque chose égale la sobriété des Arabes, c'est leur gloutonnerie. Admirables estomacs, qui tantôt ne mangent pas de quoi satisfaire un enfant, et tantôt se satisfont tout juste de ce qui étoufferait un ogre.» Eugène Fromentin Un été dans le Sahara (1857) Les experts pétroliers en tout genre et de tout poil prédisent l'apocalypse pour les pays rentiers qui ne vivent que de la rente. Ceci est vrai et il n'y a pas à être devin pour le prédire. Dans cette réflexion nous allons planter le décor de l'état des lieux de la scène pétrolière et pourquoi subitement après des années de matraquage sur le déclic du pétrole, de peak oil en veux-tu, en voilà, on nous annonce qu'il ne faut s'en faire, le pétrole coulera à gogo pendant de longues années, du fait disent encore les spécialistes, de plusieurs facteurs qui sont la réalité des fondamentaux actuels en oubliant de dire qu'ils sont manipulables. Etat des lieux de la scène énergétique mondiale Le monde consomme environ 15 milliards de tonnes équivalents pétrole (tep) toutes énergies confondues, soit environ 2 tep/habitant et par an. Nous trouvons des pays qui sont autour de 8 tep/hab/an/ (20%de la consommation mondiale) alors qu'il fut une époque où elle avoisinait les 40%, Nous trouvons la Chine avec 1,7 tep/hab/an. Nous trouvons les roitelets du Golfe avec plus de 10tep/hab/an; l'Algérie dix fois moins (1tep/hab/an et les pays du Sahel avec moins de 200 kg de pétrole /an. Justement s'agissant du pétrole nous serions autour de 93,5 millions de barisl/jour notamment parce que l'offre, dont la surabondance, est une des causes de la chute des prix. L'AIE, qui défend les intérêts des pays consommateurs, avait annoncé à 57,4 mbj. Et la production de l'Opep a dépassé le plafond officiel de production de 30 mbj pour se placer autour de 31,7 millions de barils/jour. Devant une situation économique des grands consommateurs, morose, l'offre est de loin supérieure à la demande d'au moins 2 millions de baril.jour. Sans compter le retour de l'Iran avec 500.000 puis 1 million de barils /jour, celui de l'Irak, de la Libye car malgré le chaos dans ces pays le pétrole coule à flots. les puits sont autrement plus sécurisés que les personnes. Si on ajoute enfin, le bradage du pétrole par Daesh (amalgamé avec les bombardements). Daesh arrive à écouler le pétrole syrien sans problème et les acheteurs occidetaux qui ont toujours deux fers au feu, bombardent d'un côté et achètent de l'autre grâce notamment à des intermédiaires... En clair, d'après ces paramètres, la chute du pétrole n'est pas prête à s'arrêter et plus de la moitié de la rente pétrolière est passée dans la poche des pays consommateurs. Un pays comme la France a fait des economies de 25 milliards de dollars qui ont été pour elle une bouffée d'oxygène qui lui a permis d'atténuer la colère de Bruxelles du fait que son déficit est autour de 4% du PIB. Dans cette affaire les recettes pétrolières peuvent permettre d'acheter la paix sociale, mais avec un prix du Brent qui est passé de $115 par baril en juin 2014 à $43/b à présent, soit une chute de 63%, cela devient mission impossible pour de nombreux pays. L'Algérie a des réserves de changes très importantes, mais elles sont en train de diminuer rapidement puisqu'elles étaient de $160 milliards à la fin mars 2015, contre $195 milliards un an auparavant. Les pays du Golfe jouent sur le temps long quitte à ruiner les autres pays en défendant «d'hypothètiques parts de marché». Il en est de même pour la Russie qui subit la chute des cours du brut et des prix du gaz naturel indexé sur le pétrole brut. Les dangers des énergies non conventionnelles On présente l'exploitation démesurée des gaz de schiste et pétrole de schiste comme étant un nouveau graal qui permet de ne plus parler de la tendance lourde prévue par King Hubbert du déclin irréversible du pétrole. Nous ne connaissons pas les vrairs réserves des pays de l'Opep, on ne peut se fier qu'à ce qu'ils déclarent et on dit que le plus grand gisement saoudien est sur le déclin à moins de financement massif, ce qui ne peut se faire avec des prix actuels. De plus, la bulle des pétroles et gaz de schiste va arriver car, malgré le black-out il est impossible que cela continue avec les dégâts faits à l'environnement. On ne peut pas nier cela car les dangers du forage des pétrole et gaz de schiste sont toujours là. Il y a toujours une opacité dans les produits injectés dans la récupération des eaux usées contenant les produits chimiques et même les conséquence sismiques. Dans l'Oklahoma, par exemple, le nombre des tremblements de terre a fait un bond en 2015 par rapport à un an plus tôt, atteignant un total de 881, avec une magnitude de 3 ou plus. Pour toutes ces raisons, il est mathématiquement impossible que les producteurs américains de plus en plus ruinés acceptent cela. Il est donc nécessaire d'atteindre un prix d'équilibre autour de 60 $ avec une croissance continue du prix. Le maître du jeu: les Etats-Unis Pour Gérard Vespierre, les producteurs américains devant la chute des cours mondiaux créée en partie par l'accroissement de leur production de pétrole de schiste, ont commencé par réduire le nombre de puits en exploitation, de façon spectaculaire, comme le nombre de foreuses est passé de 1600 à moins 800. La courbe de production américaine, après avoir atteint le niveau record de 9,61 millions de barils jour en juin, a finalement commencé sa baisse ce même mois. Mais, alors même que l'Agence américaine de l'information sur l'énergie annonçait une poursuite de la baisse de production américaine et un passage sous la barre des 9 millions de barils début 2016, la production américaine, contre toute attente, et toujours dans un marché mondial excédentaire repartait à la hausse... en repassant au-dessus des 9,2 millions de barils. Les Etats-Unis ont commencé à augmenter leur niveau de stock au-delà de sa valeur moyenne dès le mois de janvier 2015. En 4 mois les stocks américains sont passés de 380 millions à 490 millions de barils...! Plus de 25% d'augmentation! Sans cette mise en stock, le cours du baril est remonté à plus de 60 dollars en mai 2015 et n'aurait pas dû revenir à ce niveau. 100 millions de barils sur environ 100 jours ouvrables, cela correspond à l'approvisionnement de 1 million de barils par jour au-delà des besoins... soit un peu plus de 1% de la consommation mondiale... (1) En fait, les prix du pétrole n'ont jamais reflété les fondamentaux du marché, l'offre la demande, la main invisible d'Adam Smith et une main manipulatrice. La création de l'AIE qui défend les intérêts des pays occidentaux industrialisés sert justement à créer des stocks de sécurité de trois mois qui permettent dit-on, de réagir en temps de crise en ne coupant pas l'approvisionnement; en fait ces stocks sont surtout là pour créer une abondance artificielle qui, le cas échéant sur le marché pour déprimer les prix du pétrole. On le voit actuellement avec les stocks américains qui n'ont jamais été aussi élevés. Les Etats-Unis ont stocké en l'espace d'une année (crise) plus de 100 millions de barils amenant à des stocks qui frisent les 500 millions de barils, soit près d'un mois de consommation. Un pétrole acheté à moins de 40$. L'autre grand paramètre qui perturbe conjoncturellement le temps long du pétrole est l'arrivée des gaz de schiste et des pétroles de schiste. C'est en réalité les rentiers de l'Opep qui n'ont jamais perdu la réalité du danger en prenant les précautions de se discipliner pour ajuster les quotas en laissant place au pétrole de schiste qui est conjoncturel ce qui aurait permis de stabiliser les prix. Les Etats-Unis annoncent même qu'ils vont exporter du pétrole. C'est plus un coup psychologique qu'une réelle certitude, ce qui a encore plus fragilisé les prix. Que font l'Arabie saoudite et ses satellites? Elles misent sur le volume et pensent encore aux parts de marchés croyant naïvement à la fois discipliner les récalcitrants de l'Opep, garder leurs parts en misant sur le volume. Résultat des courses: la conjoncture actuelle est totalement différente et cela va encore durer. Cela va durer jusqu'à ce que le prix de l'extraction soit supérieur au prix où est actuellement bradé le pétrole. Dans le même ordre de la débâcle des producteurs américains et dans une contribution de Réseau International nous lisons: «Deux choses deviennent claires quand on analyse la santé financière de la production d'hydrocarbures aux Etats-Unis: 1) le secteur n'est pas du tout homogène, il présente un large éventail de santé financière; 2) une partie du secteur semble agonisante, les bouées de sauvetage pourraient inclure des capitaux propres venant des marchés publics, des ventes d'actifs, des private equity ou des consolidations. Si tout le reste échoue, le Chapter 11 [équivalent américain des tribunaux de commerce, NdT] pourrait être nécessaire. Voilà l'évaluation de Citi sur la révolution du schiste en Amérique, que les Saoudiens ont désespérément tenté d'écraser depuis plus d'un an maintenant. Comme Citi et d'autres l'ont noté, un an ou deux après que nous avions longuement discuté de cette question, les producteurs non rentables aux Etats-Unis sont presque entièrement dépendants des marchés de capitaux pour leur survie. «Le secteur du schiste est maintenant financièrement sous stress-tests, exposant le secret caché du schiste: de nombreux producteurs de schiste dépendent d'injections du marché des capitaux pour financer leur activité courante, car ils ont dépensé sans compter leur trésorerie jusqu'ici», a écrit CitiGroup en septembre».(2) «Bien sûr, tout cela fonctionnait bien dans un environnement caractérisé par des prix du pétrole brut relativement élevés et une politique monétaire ultra accommodante. Le coût du capital était faible et les investisseurs affamés de rendements étaient indulgents, permettant à l'industrie pétrolière des Etats-Unis de maintenir le forage et le pompage longtemps après qu'elle aurait du être en faillite. Maintenant, c'est selon l'adage il faut payer les pots cassés. Dans le sillage de la hausse de la Fed les High Yield[hauts rendements, NdT] capotent [ils ne sont plus refinançables, NdT] et comme UBS l'a noté au cours de l'été, «les industries liées aux matières premières pèsent 22,8% du total de l'indice du marché High Yield sur une base nominale pondérée; les secteurs les plus risqués, concernés par un éventuel défaut pèsent 18,2% de l'indice et incluent les producteurs de pétrole et de gaz (10,6%), de métaux, les mines (4,7%) et les services autour du pétrole dont les industries d'équipement (2,9%)». (...) L'Irak pompe à des niveaux record, l'offre iranienne est prête à se déverser sur les marchés à partir du mois prochain et l'Opep a une politique complètement décousue. En outre, les producteurs vont aller au maximum de la limite du nombre d'emplois qu'ils peuvent supprimer et de la réduction des dépenses en capital (c'est incontournable: les faillites arrivent). Comme le note la Fed de Dallas dans ses dernières perspectives trimestrielles sur l'énergie, les risques de faillites sont maintenant à leur plus haut niveau depuis la crise et les choses semblent sombres pour l'avenir.» (2) Tout d'abord, il est indéniable que l'activité de forage a diminué partout et surtout aux Etats-Unis. L'industrie ne peut pas continuer avec un coût de baril aussi faible, de plus il compromet le recours aux énergies renouvelables malgré les prouesses technologiques. L'Opep a publié son World Perspectives du pétrole 2,015 (WOO). L'Opep ne voit pas les prix du pétrole redevenir à trois chiffres dans les 25 prochaines années, Le groupe prévoit que les prix du pétrole à la hausse par une moyenne d'environ 5 $ par année au cours de cette décennie, atteignant seulement 80 $ le baril en 2020. De là, il voit le prix du pétrole monter lentement, atteignant 95 $ le baril en 2040. Le monde va consommer un supplément de 6,1 millions de barils de pétrole par jour d'ici à 2020. Mais la demande ralentit la croissance de la suite: 3,5 mb / j entre 2020 et 2025, 3,3 mb / j pour 2025 à 2030; 3 mb / j pour 2030 à 2035; et enfin, 2,5 mb / j pour 2 035 à 2040. Les raisons en sont multiples: ralentissement de la croissance économique, la baisse des taux de la population, et, surtout, l'efficacité et le changement climatique ainsi que les efforts pour ralentir la consommation. Bien sûr, certains pourraient faire valoir que même cette estimation - que le monde consommera 110 mb/j en 2040.» (3) Baisse ou hausse: évolution du pétrole en 2016 Dans le même temps, l'Opep a également émis une mise en garde dans son rapport. Elle recommande des investissements massifs dans l'exploration et la production qui seraient encore nécessaires pour répondre à la demande sur le long terme. L'Opep estime 10 milliards de $ seront nécessaires au cours des 25 prochaines années pour assurer un approvisionnement suffisant de pétrole. Dans une conclusion similaire l'Rystad énergie basé à Oslo a récemment conclu que l'état actuel de l'offre excédentaire pourrait être «bouleversé au cours des prochaines années.» Du fait d'une coupe drastique dans les dépenses qui se traduira par une pénurie dans quelques années.»(3) Cependant, les analystes prévoient un rebond du prix en 2016, les traders ne sont pas d'accord. L'excédent de pétrole atteint aujourd'hui 2 millions de barils par jour. Si les niveaux de pompage actuels ne bougent pas, il n'y a aucune raison que la situation évolue argumentent les traders. Pour rappel, il y a un an, après la division par deux en six mois du prix du pétrole, les analystes prédisaient une remontée des cours en 2015 alors que de nombreux traders vendaient le baril à découvert. La suite des événements a donné raison aux traders puisque les cours ont encore baissé d'un tiers cette année. Mais aujourd'hui, le scénario se répète: les analystes prévoient un rebond pour 2016 alors que les positions à découvert sur les contrats à terme du pétrole américain ont atteint début décembre un niveau record. La divergence entre analystes et traders tient aux hypothèses choisies en matière de réponse des producteurs à l'excédent de pétrole actuel sur le marché mondial, qui atteint deux millions de barils par jour (bpj) selon certains analystes. Nombre de ces derniers s'attendent à un rebond des cours fin 2016, ce qui permettrait au cours moyen du baril sur l'année de s'afficher en hausse, grâce à la diminution des pompages, notamment aux Etats-Unis, une partie des producteurs baissant les bras face à l'accumulation de leurs dettes et à la baisse de leurs recettes.»(4) La dernière enquête Reuters, réalisée auprès de 31 analystes, montre qu'ils tablent sur un cours moyen de 57,95 dollars le baril pour le Brent l'an prochain, soit plus de 20 dollars au-dessus du cours actuel. Et la plupart restent convaincus que la baisse de la production finira par favoriser un retournement du marché au cours de l'année qui vient. Dans le même temps, les analystes disent que la deuxième moitié de l'année pourrait rebondir. L'Algérie doit s'attendre à des passages difficiles, on dit même que les Etats-Unis vont exporter du gaz en Europe ce qui va impacter les marchés traditionnels de l'Algérie et il est important de comprendre une bonne fois pour toutes que l'Algérie de la rente c'est fini! Pour commencer, une réduction de 20%de la consommation est possible. Cela ne peut se faire que si la transition énergétique vers le Développement humain durable bien expliquée est mise en oeuvre. Il faudra aussi faire preuve de patriotisme scientifique pour créer et importer le moins possible, créer le plus possible et vivre de sa création de richesse. Amen! 1.Gérard Vespierre http://www.latribune.fr/ opinions/tribunes/pourquoi-le-prix-du-petrole-devrait-encore-baisser-537991.html#xtor=AL-1323/12/2015 2.http://reseauinternational.net/les-faillites-dans-le-petrole-ont-atteint-leur-plus-haut-niveau-depuis-la-crise/05 janvier 2016 3.Nick Cunningham http://oilprice.com /Energy/Crude-Oil/10-Trillion-Investment-Needed-To-Avoid-Massive-Oil-Price-Spike-Says-OPEC.html Lun 28 Décembre 2015 4.http://www.usinenouvelle.com/article/baisse-hausse-analystes-et-traders-divises-sur-l-evolution-du-petrole-en-2016.N371390#xtor=EPR-419