La cour d'Alger «Un minimum de respect pour les justiciables, ce n'est pas normal d'interroger ma cliente sur des faits et des personnes qui n'ont rien à voir avec ce procès, sinon il aurait fallu inculper Hamche dans cette affaire.» Le bal des auditions des accusés du 3e groupe du procès Sonatrach 1, continue à la cour d'Alger, le juge Regad accueille en premier Mohamed Chaouki Rahal, directeur de la commercialisation, accusé d'association de malfaiteurs impliqué dans le contrat de rénovation du siège de Ghermoul. Ce dernier explique que l'annulation des travaux est intervenue âpres son interrogatoire par la police judiciaire, il précise que son P-DG avait ordonné par écrit cette décision. A ce moment, Regad rebondit pour signifier que le contrat avait été signé avec l'entreprise allemande, et qu'une enveloppe de 5,5 milliards de dinars avait été débloquée pour cette rénovation, mais que la réalisation a été annulée, et que la cour voudrait savoir dans quelles conditions cette décision a été prise. L'accusé sans détour, précise au juge qu'il avait été convoqué à plusieurs reprises par la police, où on lui demandait clairement d'annuler le contrat, chose qu'il ne pouvait faire qu'avec l'accord de sa direction. Or, devant ses multiples notifications au P-DG et au ministre, il ne recevra aucune réponse. Finalement l'autorisation d'annulation tombe après que le P-DG a obtenu l'aval du ministre. Suite à quoi, le prévenu explique que sa direction ne s'occupait que de la commercialisation et n'intervenait ni dans la signature de contrats, ni dans leur annulation. Dans une salle encore à moitié pleine, le juge appelle Miliani Nouria, directrice du bureau d'études CAD, accusé de blanchiment d'argent et d'emblée, elle est interrogée sur la nature des contrats signés avec Sonatrach et notamment celui de la rénovation du siège de Ghermoul. D'un ton ferme et décidé, Nouria Miliani commence par expliquer que son bureau avait soumissionné au même titre que tous les autres bureaux d'études et signale au passage que le cahier des charges de Sonatrach comportait des manques et des articles contradictoires, qu'il a fallu rectifier et compléter. A ce moment, le juge Regad lui rappelle que le contrat avait été signé de gré à gré, mais cette intervention ne semblait guère freiner la directrice du bureau d'études CAD. Elle poursuit en expliquant que sa relation avec Sonatrach datait de plusieurs années et que ce contrat n'était qu'une suite de cette relation. Elle explique que pour le contrat de la rénovation du siège de Ghermoul, l'offre de son bureau d'études était la plus intéressante et ce n'est que pour cette raison qu'il a été retenu. C'est à ce moment-là que le juge lève l'audience pour une pause de 90 minutes. A la reprise de l'audition de Nouria Miliani, le juge Regad crée la polémique en interrogeant la prévenue sur la nature de sa relation avec Mohamed Hamche, et commence à énumérer les multiples acquisitions et faveurs que la prévenue avait faites à Hamche et demande précisément en échange de quoi aurait-elle financé l'achat de plusieurs appartements à Paris et des virements effectués au crédit de Hamche, à partir de ses comptes à la Barclay Bank, Société Générale, par des montants de 5000 euros, 47.000 euros, 49.000 euros et l'achat d'un véhicule d'occasion de marque Mercedes? Sans aucune hésitation, elle rétorque que Hamche était un ami de la famille et qu'elle devait l'aider et précisant que cela était une contrepartie et que de toute façon Hamche l'avait remboursée en totalité. Sans aucun détour, le juge Regad revient précisément sur l'influence de Hamche sur l'obtention des contrats, et demande à l'accusé clairement si ce dernier n'avait pas un lien avec le contrat de rénovation du siège de Ghermoul. Avec sérénité, Nouria Miliani explique qu'elle avait demandé à Hamche de l'aider pour recouvrir sa créance auprès de Sonatrach et précise que Hamche était déjà à la retraite quand elle a effectué les virements et les acquisitions pour l'aider. Dans la salle, un silence de plomb plane, et au box des accusés, les frères Meziane et leur père ne quittent plus des yeux l'accusée. Il faut toutefois rappeler que Réda Mohamed Hamche, n'est autre que le neveu de l'ancien ministre, et son influence au sein de la direction de Sonatrach était considérable, selon certains témoignages. C'est à cet instant précis qu'excédé par les questions du juge, considérant que ce dernier ne devait pas poser des questions sur une personne qui n'est même pas citée dans ce procès, l'avocat Miloud Brahimi s'insurge, à haute voix interrompt l'audition «un minimum de respect pour les judiciables, ce n'est pas normal d'interroger ma cliente sur des faits et des personnes qui n'ont rien à voir avec ce procès, sinon il aurait fallu inculper Hamche dans cette affaire». C'est sur cet incident que l'interrogatoire de Nouria Miliani prend fin, et l'accusée accompagnée de ses six avocats, laisse la place au prévenu Senhadji, directeur exécutif à Sonatrach. A ce stade du procès, le juge Regad essaie d'établir les conditions dans lesquelles a été signé ce fameux contrat et d'autre part déterminer les responsabilités de chacun. A ce titre, il interroge le prévenu Senhadji du fait qu'il était le signataire du contrat pour la rénovation du siège de Ghermoul. Ce dernier explique qu'il avait reçu l'ordre directement du ministre, pour activer le choix du bureau d'études et démarrer les travaux en urgence «je n'avais pas l'habitude d'être contacté par le ministre lui-même, j'ai contacté le P-DG qui m'a confirmé cette décision, et de suite j'ai appelé M.Abdelwahab qui m'a envoyé une demande d'autorisation pour le bureau d'études, suite à quoi nous avons ouvert des consultations restreintes pour la réalisation», explique l'accusé. Intrigué, le juge Regad rappelle à l'accusé qu'il y a eu soumission, et qu'en tant que signataire, il avait droit de regard. A cela, Senhadji rétorque qu'il n'était pas au courant de la soumission et précise qu'il avait chargé une équipe pour choisir le bureau d'études, et l'aspect urgent de l'instruction dictait plutôt le choix de gré à gré, la procédure d'appel d'offres aurait pris plus d'une année. En plus de toutes ces précisions, le prévenu insiste sur le fait que cette mesure a été par la suite confirmée par une instruction écrite par l'ancien ministre. Dans la salle, au terme de cette 10e journée du procès, les chuchotements et les réactions restent axés sur deux points, en l'occurrence, l'intervention des avocats de la prévenue Nouria Miliani, au moment où le juge l'interrogeait sur ses transactions à Paris. Précisément sur la nature de sa relation avec Mohamed Hamche et sur l'influence qu'il aurait eue dans l'obtention par son bureau d'études du contrat de rénovation du siège de Ghermoul, et d'autre part, il apparaît selon les réponses de M.Senhadji que l'ancien ministre avait instruit par écrit la signature de ce contrat et par la suite son annulation. Pour l'assistance, la grande interrogation, est l'absence de Chakib Khelil et de Mohamed Hamche dans ce procès. Par ailleurs, dans ce groupe 3 des accusés dans l'affaire de rénovation du siège de Ghermoul et dans le contrat de réalisation du contrat d'un gazoduc reliant Hassi Messaoud à la Sardaigne, l'audition la plus attendue demeure celle du P-DG de la Sonatrach, M.Meziane qui selon les dires, sera programmée pour la semaine prochaine.